Les phases de la matière sont les états de base que peut prendre la matière – comme l’eau qui peut se présenter sous forme de liquide ou de glace. Traditionnellement, ces phases sont définies dans des conditions d’équilibre, où le système est stable dans le temps. Mais la nature offre des possibilités plus étranges : de nouvelles phases qui n’apparaissent que lorsqu’un système est poussé hors de l’équilibre. Dans une nouvelle étude publiée dans Nature, une équipe de chercheurs montre que les ordinateurs quantiques offrent un moyen inégalé d’explorer ces états exotiques de la matière.
Contrairement aux phases conventionnelles de la matière, les phases quantiques dites « hors équilibre » sont définies par leurs propriétés dynamiques et évolutives dans le temps, un comportement qui ne peut être appréhendé par la thermodynamique traditionnelle de l’équilibre. Une classe particulièrement riche d’états hors équilibre apparaît dans les systèmes de Floquet, des systèmes quantiques soumis à des variations périodiques dans le temps. Cette stimulation rythmique peut donner naissance à des formes d’ordre entièrement nouvelles qui ne peuvent exister dans aucune condition d’équilibre, révélant des phénomènes qui sont fondamentalement hors de portée des phases conventionnelles de la matière.
À l’aide d’un processeur quantique à 58 qubits supraconducteurs, l’équipe de l’Université technique de Munich (TUM), de l’Université de Princeton et de Google Quantum AI a réalisé un état topologiquement ordonné de Floquet, une phase qui avait été proposée théoriquement mais qui n’avait jamais été observée auparavant.
Ils ont directement imagé les mouvements dirigés caractéristiques au bord et ont développé un nouvel algorithme interférométrique pour sonder les propriétés topologiques sous-jacentes du système. Cela leur a permis d’observer la « transmutation » dynamique de particules exotiques, une caractéristique qui avait été prédite théoriquement pour ces états quantiques exotiques.
L’ordinateur quantique comme laboratoire
« Les phases de non-équilibre hautement intriquées sont notoirement difficiles à simuler avec des ordinateurs classiques », a déclaré la première auteure, Melissa Will, doctorante au département de physique de la faculté des sciences naturelles de la TUM. « Nos résultats montrent que les processeurs quantiques ne sont pas seulement des dispositifs de calcul, mais aussi de puissantes plateformes expérimentales permettant de découvrir et d’étudier des états de la matière entièrement nouveaux. »
Ces travaux ouvrent la voie à une nouvelle ère de simulation quantique, où les ordinateurs quantiques deviennent des laboratoires permettant d’étudier le paysage vaste et largement inexploré de la matière quantique hors équilibre. Les connaissances acquises grâce à ces études pourraient avoir des implications considérables, allant de la compréhension de la physique fondamentale à la conception de technologies quantiques de nouvelle génération.
M. Will, T. A. Cochran et al: Probing Non-Equilibrium Topological Order on a Quantum Processor, published in: Nature, 10 September 2025, DOI 10.1038/s41586-025-09456-3
Source : TUM