Le verre, présent dans notre quotidien, cache des mystères physiques encore non élucidés. Pourquoi certaines vitres médiévales restent-elles rigides après des siècles? Comment les liquides super-refroidis, ni tout à fait solides ni tout à fait liquides, se comportent-ils? Ces questions, parmi d’autres, animent la recherche scientifique.
Le verre, bien que d’apparence ordinaire, détient une physique interne complexe que les scientifiques peinent encore à comprendre. Les vitraux des édifices médiévaux, par exemple, ont gardé leur rigidité pendant des siècles grâce à des molécules figées dans un désordre perpétuel. De même, les liquides super-refroidis ne se conforment pas à un arrangement cristallin à longue portée, mais ne possèdent pas non plus l’énergie nécessaire pour se mouvoir librement comme des liquides ordinaires. Des recherches supplémentaires s’imposent pour dévoiler les secrets de ces systèmes complexes.
Dans une étude publiée dans Nature Materials, des chercheurs de l’Institut des sciences industrielles de l’Université de Tokyo ont employé des simulations informatiques avancées pour modéliser le comportement des particules fondamentales dans un liquide super-refroidi vitreux. Leur approche reposait sur le concept de l’énergie d’activation d’Arrhenius, qui représente la barrière énergétique qu’un processus doit surmonter.
Par exemple, l’énergie requise pour réorganiser des particules dans un matériau désordonné. Le terme «comportement d’Arrhenius» décrit un processus dépendant des fluctuations thermiques aléatoires, où la vitesse diminue exponentiellement avec l’augmentation de la barrière énergétique. Toutefois, les situations nécessitant un réarrangement coopératif des particules, surtout à basses températures, peuvent être encore plus rares, menant à des relations dites super-Arrhenius.
L’étude a démontré pour la première fois la relation entre l’ordre structural et le comportement dynamique des liquides à un niveau microscopique.
«À l’aide de l’analyse numérique dans un modèle informatique de liquides formant du verre, nous avons montré comment les réarrangements fondamentaux des particules peuvent influencer leur ordre structural et leur comportement dynamique,» a déclaré Seiichiro Ishino, auteur principal de l’étude. Les chercheurs ont identifié un processus nommé « T1 » qui maintient l’ordre formé à l’intérieur du liquide. Si le processus T1 perturbe l’ordre local, il implique un mouvement indépendant des particules, conduisant à un comportement de type Arrhenius. En revanche, si le réarrangement T1 préserve l’ordre local de manière coopérative, son impact se propage, entraînant un comportement super-Arrhenius.
«Nos recherches offrent une nouvelle perspective microscopique sur l’origine de la coopérativité dynamique dans les substances formant du verre. Nous prévoyons que ces résultats contribueront à un meilleur contrôle des dynamiques des matériaux, améliorant ainsi la conception des matériaux et les processus de fabrication du verre,» a affirmé Hajime Tanaka, co-auteur principal. Cela pourrait inclure la création de verre plus résistant et durable pour les smartphones et d’autres applications technologiques.
Légende illustration : Des chercheurs de l’Institut des sciences industrielles de l’Université de Tokyo étudient la dynamique des réarrangements moléculaires coopératifs dans les matériaux vitreux à l’aide de simulations informatiques, ce qui pourrait permettre d’améliorer la fabrication du verre. Crédit : Institute of Industrial Science, The University of Tokyo
Article : ‘Microscopic structural origin of slow dynamics in glass-forming liquids’ / ( 10.1038/s41563-024-02068-8 ) – Institute of Industrial Science, The University of Tokyo – Publication dans la revue Nature Materials
Source : Université de Tokyo