Micropolluants aquatiques : Quelle place pour la biodétection ?

Le nombre de micropolluants aquatiques augmente de façon exponentielle. Parmi eux, plus de 800 substances potentiellement toxiques à très faibles concentrations alors que la directive cadre européenne sur l’eau définit seulement une cinquantaine de substances prioritaires.

Ces polluants bien que présents à l’état de traces sont potentiellement toxiques pour les organismes et les écosystèmes, d’autant plus qu’ils peuvent se retrouver sous forme de mélange complexe dans les eaux des rivières et leur toxicité peut alors s’en retrouver décuplée : c’est l’effet cocktail. Des techniques de détection et d’analyse performantes sont donc indispensables.

A partir de l’expertise de SAUR et Vigicell dans la biodétection, Alcimed analyse les enjeux associés à la mise en œuvre de ces techniques novatrices et évalue les freins et les leviers d’action au développement de ces méthodes par biodétection pour l’estimation de la qualité des eaux de rivières.

Une détection « plus réelle » grâce aux méthodes par biodétection

Traditionnellement, les méthodes physico-chimiques sont employées. Ces techniques classiques de chromatographie, de RMN[1] ou de spectroscopie de masse permettent de mesurer la concentration de polluants donnés mais ne peuvent détecter qu’une partie des polluants présents et ne peuvent pas prendre en compte « l’effet cocktail ».

[ Video ] – Effet cocktail ?

C’est pourquoi, à côté des méthodes physico-chimiques, se sont développé des méthodes plus sensibles faisant intervenir un élément biologique. Les tests de toxicité utilisant des modèles biologiques sont fondés sur la sensibilité d’organismes de la chaîne trophique et prennent en compte la modification de la qualité du milieu aquatique. Ainsi, les changements de comportements des poissons ou autres puces d’eau sont analysés et une pollution globale est détectée. Parmi ces méthodes de biodétection, certaines sont déjà commercialisées et d’autres continuent de faire l’objet de nombreux travaux de recherche.

Les organismes génétiquement modifiés : axes actuels de développement

Les méthodes par biodétection utilisant un modèle biologique connaissent un engouement croissant depuis le début des années 2000 : « On recense aujourd’hui six fois plus de publications scientifiques en relation avec les "live biosensors" qu’il y a dix ans », commente Vincent Pessey, responsable de missions chez Alcimed.

Aujourd’hui, les recherches sont réalisées sur le développement et l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés. Ainsi, des poissons génétiquement modifiés changeant de couleur en fonction de la présence de substances toxiques font l’objet de plusieurs travaux de recherches à travers le monde. Cependant, malgré leur fort potentiel, le développement de ces outils génétiquement modifiés reste freiné par des questions d’acceptation sociétale et de gestion du risque.

[ Video ] – Micropolluants dans l’eau ?

Les biocapteurs : une recherche académique très active avec peu d’applications industrielles.

A côté des organismes vivants, la biodétection peut aussi utiliser des biocapteurs. Un biocapteur est constitué d’une partie biologique, enzymes, anticorps ou micro-organismes tels que des bactéries, et d’une partie électronique qui permet la transduction et l’amplification du signal.

Historiquement développés dans les années 70’ dans le domaine de la santé pour mesurer le taux de glucose sanguin, les biocapteurs se sont d’abord exportés dans l’agroalimentaire pour la mesure du taux de sucre ou le suivi des fermentations et ils sont maintenant fréquemment envisagés dans le domaine de l’environnement.

« Les biocapteurs sont un sujet de recherche très prolifique, on dénombre en effet chaque année plus de 3000 publications à leur sujet. Malheureusement, il reste de nombreux verrous technologiques qui empêchent leur développement commercial et leur rapide application industrielle », souligne Valérie Michaut, consultante chez Alcimed.

Les biocapteurs les plus développés dans le secteur de l’environnement sont ceux utilisant des bactéries et permettant de détecter une pollution spécifique suivant la souche bactérienne utilisée. Parmi les différents outils déjà proposés commercialement, les bactéries luminescentes, les bactéries génétiquement modifiées ou bien encore les biocapteurs microbiens. Le fonctionnement de ceux-ci représente une des solutions les plus prometteuses. En effet, à partir d’une variation de tension électrique, ils permettent d’apprécier le niveau de pollution.

C’est dans ce contexte que la société Vigicell en partenariat avec le groupe SAUR développe depuis 2011 un service d’évaluation de la qualité de l’eau, VIGIWATER, comprenant une vingtaine de tests biocapteurs (algues, bactéries, champignons, cellules animales). Cette offre, testée sur l’usine de FEREL (56), a déjà séduit plusieurs collectivités et industriels.

Dans ce panorama, Alcimed n’identifie aujourd’hui aucune offre, commerciale ou en développement, permettant à la fois de détecter une pollution en prenant en compte l’effet cocktail et d’identifier les polluants responsables, avec un même outil. Les enjeux sont tels que dans les années à venir, ce double objectif sera sans nul doute atteint. Reste à savoir si le couple miniaturisation/automatisation associé au couple bio détection/physico-chimie sera le moyen d’y parvenir ou bien si une nouvelle approche émergera.

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