La start-up parisienne Mistral AI vient de boucler un tour de table record de 1,7 milliard d’euros, mené par le fabricant néerlandais d’équipements pour semi-conducteurs ASML. L’injection de capital valorise la jeune pousse à 11,7 milliards d’euros et la hisse au rang d’entreprise d’IA la plus chère d’Europe. L’opération scelle aussi un partenariat stratégique destiné à rapprocher les mondes de l’IA générative et de la micro-électronique, deux piliers jugés inévitables pour la souveraineté technologique du continent.
Un pari européen d’envergure
Avec un apport de 1,3 milliard d’euros, ASML devient actionnaire de référence de Mistral AI, à hauteur d’environ 11% du capital. Le géant néerlandais, maillon indispensable de la chaîne mondiale des puces, s’offre ainsi un pied dans l’univers des grands modèles de langage (LLM).
Pour Arthur Mensch, co-fondateur et directeur général de Mistral AI, cette alliance constitue « un moyen d’attaquer les problèmes d’ingénierie les plus complexes » qui freinent aujourd’hui l’industrie des semi-conducteurs.
«Cet investissement rassemble deux leaders technologiques opérant dans la même chaîne de valeur. Nous avons l’ambition d’aider ASML et ses nombreux partenaires à résoudre les défis d’ingénierie actuels et futurs grâce à l’IA et, à terme, à faire progresser l’ensemble de la chaîne de valeur des semi-conducteurs et de l’IA », détaille le dirigeant dans un communiqué publié mardi.
L’investissement est aussi salué par Christophe Fouquet, nouveau PDG d’ASML : « ASML est fier de conclure un partenariat stratégique avec Mistral AI et d’être l’investisseur principal dans ce cycle de financement. La collaboration entre Mistral AI et ASML vise à générer des avantages évidents pour les clients ASML grâce à des produits et solutions innovants rendus possibles par l’IA, et offrira un potentiel de recherche conjointe pour répondre aux opportunités futures »
Une valorisation qui double en un an
Fondée en 2023 par trois anciens chercheurs de Google DeepMind et de Meta, Mistral AI avait déjà levé 600 millions d’euros l’an dernier. Sa valeur a donc plus que doublé en douze mois, reflet de l’engouement pour les LLM souverains face aux offres d’OpenAI ou d’Anthropic. Outre ASML, le tour de table fait intervenir la fine fleur du capital-risque (DST Global, Andreessen Horowitz, General Catalyst) ainsi que des partenaires stratégiques tels que NVIDIA et Bpifrance.
Cette manne financière financera deux chantiers : le passage à l’échelle des infrastructures de calcul et la mise au point de nouveaux modèles capables de traiter jusqu’à 128 000 tokens de contexte, ciblant des cas d’usage complexes en R&D industrielle ou en finance.
Les défis à venir pour Mistral AI
Sur le front de l’infrastructure, Mistral AI doit composer avec la pénurie mondiale de GPU hautes performances avec la sécurisation de plusieurs milliers de puces Nvidia H100 pour l’entraînement de ses modèles qui exige une logistique industrielle complexe et plusieurs centaines de millions d’euros d’investissement.
Parallèlement, le projet de règlement « AI Act » discuté à Bruxelles devrait exiger davantage de transparence sur les jeux de données et des garanties de sécurité renforcées pour les modèles dits génératifs.
Enfin, tandis qu’OpenAI et Google distribuent des modèles propriétaires étroitement intégrés à leurs suites logicielles, Mistral AI parie sur une approche hybride : sa plateforme « Mistral Compute » commercialise des services clés en main tout en laissant la porte ouverte à certaines versions open-source, offrant ainsi aux entreprises européennes un contrôle accru sur leur code et leurs données.
Les perspectives futures
En rapprochant l’intelligence artificielle des machines qui gravent nos puces, Mistral AI et ASML esquissent une chaîne intégrée où l’IA accélère la conception des semi-conducteurs, lesquels à leur tour nourrissent l’IA. Si le pari réussit, l’Europe pourrait se doter d’un avantage comparatif décisif dans une industrie dominée jusqu’ici par les États-Unis et l’Asie.
Source : Mistral AI