Nos choix de vie déterminent de manière décisive la qualité de notre vieillissement

Pour aboutir à ce résultat, les chercheurs de Cambridge ont commencé en 1993 à surveiller 20 244 personnes, hommes et femmes, âgés de 45 à 79 ans, après les avoir interrogées sur leur mode de vie. Chaque participant s’est vu attribuer un score d’un point pour chacune des quatre attitudes favorables en terme de santé (absence de tabac = 1 point, faible consommation d’alcool (un demi-verre par jour = 1 point), tout comme manger cinq fruits et légumes par jour et pratiquer un exercice physique d’une demi-heure par jour). En 2006, les enquêteurs ont pu comptabiliser 1987 décès parmi ces 20 000 volontaires et ont corrélé la durée de vie de chacun à son mode de vie.

Les conclusions de cette étude sur les conséquences sanitaires d’une vie saine sont édifiantes. Pour ceux qui n’ont aucun point, c’est-à-dire qui cumulent ces quatre comportements nocifs, le risque de mortalité par rapport à ceux qui en ont quatre est multiplié par 4,4. Le risque de décès est multiplié respectivement par 2,52, 1,95 et 1,39 pour ceux qui respectent un, deux ou trois comportements favorables sur la santé.

Les chercheurs ont aussi pu calculer qu’une personne âgée de 60 ans qui cumule tous les comportements à risque, c’est-à-dire qui n’a aucun point, a le même risque de mourir qu’un individu de 74 ans qui serait doté de 4 points, c’est-à-dire qui n’a aucun des facteurs de risque définis ci-dessus. De manière globale, dans cette cohorte suivie par les chercheurs, les chances de survivre sont de 95 % avec une vie totalement « saine » contre 75 % pour ceux qui multiplient les comportements à risque. « Il y a une forte décroissance du risque de décès avec l’augmentation des attitudes positives. Ceux qui respectent quatre comportements bénéfiques ont approximativement un quart de risque de mortalité en moins que ceux qui n’en respectent aucun, ce qui équivaut à une différence de quatorze ans d’espérance de vie, concluent les auteurs. La mortalité cardiaque apparaît la plus influencée par le mode de vie, suivie de près par celle liée au cancer.

« C’est la première fois que l’on analyse l’effet cumulé des facteurs de risque sur la mortalité, expliquait le professeur Kay-Tee Khaw, le premier signataire de l’étude. Nous avons aussi montré que l’origine sociale ou encore le poids n’influence que peu le risque de décès. Une large proportion de la population pourrait tirer de grands bénéfices sanitaires avec des changements modérés du mode de vie. »

Un autre étude remarquable, également britannique, vient de montrer que les personnes physiquement actives durant leurs moments de loisirs paraissent dix ans plus jeunes biologiquement que celles qui sont sédentaires. Ces chercheurs du King’s College de Londres ont étudié 2.401 jumeaux blancs, hommes et femmes, à qui ils ont soumis des questionnaires portant sur leur niveau d’activité physique, leur statut socio-économique et sur le fait de savoir s’ils fumaient. Ils ont également extrait l’ADN de chacun de ces sujets pour examiner la longueur des télomères dans leurs globules blancs qui forment le système immunitaire.

Les télomères, — éléments situés au bout des bras des chromosomes —, raccourcissent un peu à chaque réplication des chromosomes au cours du cycle cellulaire de la vie, jusqu’à atteindre une longueur trop courte, déclenchant le vieillissement de la cellule. Il est estimé que la longueur des télomères se réduit en moyenne de 21 nucléotides ou unités structurelles tous les ans. Dans le groupe de jumeaux étudiés, ceux qui étaient les moins actifs physiquement durant leur temps libre avaient des télomères plus courts que ceux faisant régulièrement de l’exercice pendant leurs loisirs, ont constaté ces chercheurs.

"Une telle relation entre la longueur des télomères et le niveau d’activité physique reste significative après avoir pris en compte l’indice de masse corporelle, le fait de fumer, le statut socio-économique et le degré d’activité au travail", souligne le Docteur Lynn Cherkas, principal auteur de cette recherche. "La différence moyenne dans la longueur des télomères leucocytaires entre les plus actifs du groupe —199 minutes d’exercice par semaine en moyenne— et les plus sédentaires —16 minutes d’activité physique hebdomadaire— était de 200 nucléotides", précise-t-elle.

Cette étude montre que les sujets plus actifs avaient des télomères d’une longueur comparable à des personnes sédentaires dix ans plus jeunes et que l’activité physique peut diminuer le stress psychologique et par conséquent ses effets sur les télomères et le processus de vieillissement, selon eux.

Ces deux études remarquables convergent pour montrer de manière saisissante à quel point nos choix de vie, indépendamment de notre capital génétique, influent sur notre longévité et notre santé. Mais il nous reste à présent à inverser notre conception de la santé : au lieu de considérer qu’être malade relève de la fatalité et qu’une médecine toujours plus coûteuse est là pour traiter les effets de nos pathologies, nous devons d’abord agir sur les causes de nos maux et admettre que nous sommes très largement responsables, par nos choix de vie, de notre état de santé. Ce renversement de paradigme nous met face à nos choix alors qu’il est plus commode d’accuser la société ou la fatalité pour expliquer la maladie.

Mais il revient bien entendu à la collectivité et à l’Etat d’informer sur les risques que nous prenons par nos modes de vie et de mettre en place une vraie politique de prévention, active et personnalisée qui permettra à chacun d’entre nous d’utiliser pleinement son capital santé et pourra donner à ces années de vie en plus que nous vivons une qualité qui leur donne un sens nouveau.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par René Trégouët

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