Climat : Bruxelles distribue les peines (suite)

Parmi ces pays, bien sur, les Etats Unis, qui se sont toujours refusés à signer Kyoto de peur de trop affecter leur développement économique et les pays émergents, Chine et Inde en tête qui considérent qu’ils sont en position de rattrapage économique et n’acceptent pas ces contraintes, même si la Chine va bientot être la deuxième puissance mondiale.

Les industries concernées sont les industries dites "à forte intensité energétique" comme les acieries, la production de ciment, la pétrochimie, l’aluminium,la fabrication d’engrais et la production d’électricité elle même. Certains des produits de ces industries ne "voyagent pas" car le cout du transport est prohibitif par rapport à leur prix de vente (ciment par exemple) ou pour des raisons techniques (l’électricité elle même pour cause de déperdition d’énergie dans les lignes par effet Joule). Quant aux autres industries, elles seront toutes affectées à des degrés divers par le surcout de leurs contraintes environnementales.

La Commission Européenne ne s’est pas donné la peine de calculer un impact de ces mesures sur le nombre d’emplois dans l’Union Européenne en partant du principe que l’absence de réduction d’émissions couterait encore plus cher que leur réduction. C’est la théorie d’un des "gourous" environnementalistes, le Britannique Nicolas Stern, qui a calculé que ne rien faire couterait à l’Europe 90 milliards d’euros en 2020, soit 50% de plus que le cout du plan Energie Climat de Bruxelles. Petit inconvénient néanmoins, les chiffres de Monsieur Stern sont discutables et discutés, voire virtuels, tandis que le cout du plan de Bruxelles et les destructions d’emplois qu’il risque d’induire sont, eux, bien réels.

L’industrie européenne a déjà fait des calculs parcellaires de ces impacts. Par exemple en Allemagne ce sont 50 000 emplois dans la production d’acier qui risquent de quitter l’Allemagne pour des pays non soumis aux contraintes environnementales. Même pour un produit comme le ciment qui coute cher à transporter, on a déjà entendu parler de produire le matériau intermédiaire, le clinker, au Maroc hors contraintes, et de le transporter à Dunkerque pour en achever la fabrication. Le groupement des Fédérations industrielles europénnes a parlé de "mesures disproportionnées, incompatibles avec une industrie compétitive" ! Faisons confiance aux industriels et à la concurrence pour que ceux ci étudient un nouvel optimum dans la manière de fabriquer tel ou el produit. Mais il risque fort de se traduire par une délocalisation de tout ou partie des chaines de production. Une chose est sure, l’application du plan Européen rebattra les cartes entre fabricants et fera évoluer des processus de fabrication durablement établis depuis des décennies sur le sol européen.

Pour lutter contre les risques de délocalisation,l’idée mise en avant par notre Président et issue du Grenelle de l’environnement est de créer une "taxe carbone" qui s’appliquerait aux produits en provenance des pays n’ayant pas signé Kyoto. Seul inconvénient auquel les experts du Grenelle ne semblent pas avoir pensé (!!), une telle taxe serait contraire aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce, OMC que tous les pays européens ont signés. De ce fait Bruxelles a prudemment omis toute référence à cette "taxe carbone" dans tous les documents officiels de la Commission Européenne.

Pour autant, elle y réflechit et a déjà prévenu qu’en cas de non accord sur un traité Kyoto II, elle envisagerait de demander aux industriels importateurs de ces pays de se procurer les certificats d’émission de CO2 sur le marché. Le résultat en serait identique à celui de la taxe carbone mais l’habillage de la mesure ne serait pas répréhensible au titre des engagements commerciaux pris par l’Union Européenne dans le cadre de l’OMC. Les Etats Unis ne s’y sont pas trompés d’ailleurs, qui ont aussitot protesté de ce que" le climat et l’environnement étaient utilisés comme excuse pour fermer les marchés à la concurrence".

Le problème majeur dans la mise en place de ce plan Energie/Climat européen reste le risque que nous prenons de perdre des centaines de milliers d’emplois alors que, dans la mesure où le reste du monde n’appliquera pas les mêmes contraintes et ne fera pas les mêmes efforts, voire continuera à augmenter ses émissions, l’effet sur la teneur en CO2 de l’air atmosphérique planétaire risque de rester inchangé ! Pas plus tard que ces jours derniers a été annoncé en Allemagne l’abandon d’un projet de centrale à charbon pour cause de cout trop élevé des nouvelles contraintes environnementales. L’industrie chimique, quant à elle, se déclare dans le brouillard pour programmer ses investissements au dela de 2012.

Attention donc. Derrière l’annonce d’un plan climat qui semble équilibré et bien pensé, nous jouons quand même à l’apprenti sorcier avec les emplois industriels européens. N’oubliez pas ,Messieurs les technocrates, que ce sont quand même eux qui vous font vivre.

A suivre plus en détail dans un message suivant.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Caderange

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