Politique énergétique : Quel sera le visage de la France en 2017 ?

La réforme de la politique énergétique de la France avait été un des piliers du Pacte Ecologique de 2007 mis en œuvre par Nicolas Sarkozy dans le Grenelle de l’Environnement ; Pour les élections de 2012, quelles sont les propositions d’avenir dans les programmes énergétiques des candidats ?


1. La catastrophe de Fukushima et le reniement du nucléaire en Allemagne, en Suisse et en Italie ont poussé les Français à remettre en question la sécurité des centrales. Va-t-on vers une sortie du nucléaire ?

► Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy soutiennent officiellement la filière nucléaire. Jacques Cheminade en prône le développement rapide. Les Verts et NPA sont les seuls à demander une sortie du nucléaire. François Hollande a pris une position intermédiaire sur le sujet avec la réduction de 75% à 50% à l’horizon 2025. Les quatre autres candidats laissent soin à un débat public de trancher les questions de l’avenir énergétique.

L’analyse d’ALCIMED

· Une enquête Greenpeace/CSA a montré que la confiance des Français dans l’industrie nucléaire s’est largement détériorée, même si l’énergie nucléaire en elle-même n’est pas remise en question. Que ce soit pour défendre le prix de l’électricité pour N. Sarkozy, pour maîtriser les émissions de CO2 pour F. Bayrou, ou pour l’indépendance énergétique de la France, pour M. Le Pen, les candidats ne désirent pas abandonner la filière nucléaire. Cependant, il leur est délicat de la défendre sans réserves car l’opinion publique s’inquiète du parc nucléaire vieillissant, et est encore sous le choc des événements au Japon.

· L’avenir énergétique français semble donc se dessiner majoritairement à l’image de l’expression de F. Bayrou : « le nucléaire est une énergie de transition » vers les énergies vertes. Mais l’absence d’engagement crédible sur le terme de cette transition traduit l’inexistence d’une vision industrielle et d’un programme chiffré pour le remplacement de la filière nucléaire par des énergies renouvelables. Si un consensus se dégage sur un arrêt du nucléaire à long terme (à part pour l’UMP) et sur un renforcement dans la sécurité des centrales existantes, la facture d’un plan de démantèlement des centrales, qui peut atteindre jusqu’à un demi-milliard d’euros par centrale, est ainsi complètement passé sous silence.

· Ajoutons également que, selon les estimations de la CRE[1] et de la Cour des Comptes, les coûts du nucléaire devraient augmenter de 10 à 25% dans les prochaines années pour tenir compte du durcissement des contraintes de sécurité. Ce surcoût représenterait 5 à 12,5 €/MWh.

2. La baisse des tarifs de rachats du photovoltaïque contraste avec les grands projets éoliens off-shore. Quel avenir pour les énergies renouvelables (ENR) ?

La plupart prônent une France leader dans le domaine du renouvelable, sur les plans de la recherche et de l’industrie, mis à part LO et S&P :

► Pour N. Sarkozy et M. Le Pen, l’accent est mis sur la recherche, car le renouvelable ne serait pas encore prêt.

► Pour F. Bayrou, F. Hollande et J.-L. Mélenchon, vient s’ajouter à la recherche un soutien financier à la filière pour son démarrage industriel.

►  E. Joly cible 40% d’énergies renouvelables pour 2020.

L’analyse d’ALCIMED

· François Bayrou et Eva Joly indiquent une cible d’ENR à 40% de la production électrique française – le premier en 2030 et la seconde en 2020. Ce qui correspond à peu de choses près à une diminution du mix nucléaire de 75% à 50% du programme d’Hollande, qui lui, cible 2025. On a donc des objectifs équivalents en ENR en tant que relais du nucléaire.

· Cela indique que l’opinion publique semble tenir pour acquis que les ENR seraient l’avenir du mix énergétique français. Le développement des énergies renouvelables est ainsi communément accepté comme moteur de croissance « verte » par tous les bords politiques. La question du financement de ces énergies n’est pourtant pas simple. Complètement supportées par le consommateur, elles pourraient réclamer jusque 5 milliards d’euros par an en 2017, pour 15% d’énergies renouvelables en plus. Cela représenterait une augmentation des prix de l’électricité ou des carburants de 30%, suivant le secteur énergétique que l’on déciderait de mettre à contribution pour financer la révolution verte.

· Selon le SER[2], la France a, en 2012, 150.000 emplois dans les ENR et devrait en regrouper 225.000 en 2020. Un remplacement de 25% de nucléaire par des énergies renouvelables pourrait représenter quelques dizaines de milliers d’emplois de plus, sans compter les emplois pour le démantèlement des centrales. Mais à ce stade du débat, ALCIMED note une absence de chiffrage de ce soutien au développement d’une filière industrielle ENR en France.

3. Un enjeu du Grenelle de l’Environnement était de lancer des mesures majeures permettant les économies d’énergie dans le secteur du bâtiment, notamment par des politiques d’incitation. Dans le contexte économique actuel, ces objectifs sont-ils maintenus ?

► N. Sarkozy annonce un plan de 18 milliards d’euros dans la rénovation mais ne précise pas d’objectifs.

► F. Hollande déclare un objectif de 1 million de logements rénovés dont 400 000 nouveaux logements. Sans chiffres, J.-L. Mélenchon affiche les mêmes ambitions.

► F. Bayrou, de son côté, ajoute à la rénovation des bâtiments celle des transports et un durcissement des Certificats d’Economie d’Energie.

► E. Joly propose de contraindre la réglementation BBC pour toute vente de logement (neuf ou rénové) à partir de 2020.

L’analyse d’ALCIMED

· Mentionnée dans la plupart des programmes des candidats à l’exclusion de celui du Front National, l’efficacité énergétique s’articule majoritairement autour d’incitations pour la rénovation des bâtiments afin d’améliorer l’isolation.

· La France a pris des engagements au niveau européen pour augmenter son efficacité énergétique à la cadence de 400 000 rénovations complètes et un million de rénovations partielles par an. Les programmes des différents candidats réaffirment donc leur attachement à cet objectif européen. Il s’agit, avec les énergies renouvelables, d’un potentiel de croissance verte. Le CESE[3] a été saisi en février pour chiffrer les retombées économiques que l’on peut attendre de l’efficacité énergétique en France. Précisons à ce titre que l’efficacité énergétique du bâtiment regroupait 170 000 emplois en 2010 selon l’ADEME.

4.
L’exploration du sous-sol français à la recherche des gaz de schiste suscite une vive opposition des riverains qui craignent des dégradations environnementales. La France exploitera-t-elle son gaz dans le prochain quinquennat ?

Dans les programmes, un constat majeur s’impose en tout premier lieu : aucun candidat ne fait la moindre mention aux gaz de schiste. Seuls les écologistes le mentionnent dans la catégorie "protection de la nature" de leur programme avec un calendrier qui prévoit « un moratoire sur les OGM et les gaz de schiste ».

La position des candidats se dégage au travers de leurs différentes interventions dans les médias :

► F. Hollande et N. Sarkozy affichent des positions similaires sur les gaz de schiste qui sont « non » aujourd’hui, mais « oui » si dans l’avenir, on trouve des techniques d’exploitation respectueuses de l’environnement. Il s’agit donc bien d’un « non à la fracturation hydraulique » mais pas d’un « non aux gaz de schiste ».

► E. Joly, J.-L. Mélenchon et J. Cheminade se sont clairement exprimés contre l’exploitation de la ressource.

► Ni F. Bayrou ni M. Le Pen n’ont souhaité prendre position sur ce dossier.

L’analyse d’ALCIMED

· Il s’agit donc d’un « non » collégial à la technique de « fracturation hydraulique », présentant des risques de pollution environnementale.

· Un rapport du CGEIET[4] a déclaré que « le contexte et les conditions d’exploitation en Europe et singulièrement en France, sont très différents du contexte américain, [notamment] des dépenses d’exploration et d’investissement plus importantes, et des coûts de forage et de complétion plus élevées, ainsi que des réglementations plus strictes. ». La viabilité économique des gaz de schiste est donc encore à démontrer. Dès lors, on comprend que les principaux candidats à la présidentielle ménagent une forme d’incertitude.

5. Pourquoi parle-t-on donc si peu de l’énergie dans le débat présidentiel ?

Tout d’abord parce qu’il se dégage une forme de consensus sur le nucléaire. Un arrêt raisonné est prévu dans la longueur avec une substitution par les énergies renouvelables quand elles seront prêtes. Selon les partis, seuls diffèrent les agendas. E. Joly qui réclame l’arrêt le plus rapide des centrales nucléaire ne vise que 2031 comme sortie complète du nucléaire. Ce n’est pas l’enjeu de cette élection présidentielle de décider de la fin de l’atome.

Le consensus droite-gauche se retrouve également dans la condamnation unanime du principe de fracturation hydraulique dans l’exploitation des gaz de schiste. Seuls E. Joly et J. Cheminade rappellent l’impact environnemental des émissions de CO2 liées à son exploitation et sa consommation. Les élections n’ont pas pour enjeu de positionner la France en leader européen de la lutte contre les émissions de CO2. La reprise de la taxe carbone, très impopulaire lors de sa suppression, n’est d’ailleurs envisagée que dans le programme des Verts.

Pour relancer le débat, il serait intéressant de se poser la question de l’avenir de la balance commerciale française. Si la France exporte son nucléaire (énergie et équipement), elle importe en très grande partie ses panneaux solaires. Sans développement des gaz non conventionnels, elle devrait également importer davantage d’hydrocarbures (gaz ou charbon). Une politique de leadership pour produire en France est donc indissociable du développement des énergies alternatives, et créerait également un marché intérieur pour le nourrir. Le problème est l’acceptabilité sociale du surcoût engendré par cette production locale.

Les enjeux d’investissement dans les filières ENR d’un côté et dans la filière nucléaire de l’autre, tant pour son amélioration que son démantèlement progressif, représentent des enveloppes de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Ni les acteurs privés ni la sphère publique – qui inclut les concitoyens – n’ont et n’auront la capacité financière à engager chacun de leur côté les capitaux nécessaires à ces chantiers. Il sera donc nécessaire de trouver un compromis national gagnant-gagnant pour définir ce qui fait le plus sens de relever d’un effort public, le démantèlement par exemple, et ce qui doit être de la responsabilité des énergéticiens, les ENR par exemple. A la clé, le développement d’une filière industrielle ENR performante localement et exportatrice mondialement, et un pilotage raisonné de l’évolution du parc électronucléaire français.

[1] Autorité administrative indépendante chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz en France

[2] Syndicat des Energies Renouvelables

[3] Conseil économique, social et environnemental.

[4] Le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies

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Pastilleverte

le prix de toutes les énergies sera plus élevé en 2017 que maintenant. Corollaire, la précarité énergétique (déplacement et confort thermique) aura encore plus augmenté, sauf peut être pour le confort thermique et ceux qui auront profité d’une amélioration de l’efficacité énergétique, principale source d’économie d’énergie et financière, et source créatrice d’emplois locaux et plutôt qualifiés, à condition que la formation ait suivi (précédé en l’occurrence !) , ce qui semble illusoire en 5 ans.

Ivan

Question 5 : INCROYABLE ! Comment fait-on pour parler d’énergie sans parler de pétrole et de gaz !!!!! Je vous rappelle que ce sont les sources d’énergies les plus consommées en France, importées à 100% ! Pourquoi parler de la verrue (le nucléaire), alors que l’on a le cancer généralisé (addiction énergie fossiles). Je suis outré.

Nature

Pas un mot non plus sur la géothermie, ni sur l’énergie marine aux perspectives infinies. Les politiques ont vraiment le sens de la prospective!

[ylt]

Sans même parler des points pertinents relevés par Ivan et Nature (même si dans ENR on peut inclure géothermie et énergie marine, bien que l’article soit focalisé sur l’éolien et le PV), j’aime beaucoup la répartition des efforts proposée par ALICMED: aux pouvoirs publics (donc à nous tous) les efforts sur le démantellement des centrales -problèmes à long terme, aux investisseurs privés les efforts sur ENR -bénéfices à court-moyen terme. A+

crolles

Vous avez parfaitement raison. Manifestement Tout les arguments et débats se concentrent sur l’électricité. C’est une tres grossière erreur d’appréciation. C’est curieux que ALCIMED se concentre uniquement la dessus. Ils auraient eu une véritable valeur ajoutée en élargissant la vision… Cdlt

crolles

Manque aussi la biomasse. C’est une des plus importante (la plus importante en fait) source d’énergie renouvelable. Cdlt

Dan1

Comme l’ont relevé certains commentateurs, on ne parle quasi exclusivement que de l’électricité et beaucoup de nucléaire. Ce faisant, le débat est honteusement tronqué et on atteint des sommets dans le manipulation de l’opinion vis à vis des enjeux énergétiques. Cela augure mal des débats et référendum éventuel que ce domaine stratégique pourrait nécessité. Or, comme je ne cesse de le rappeler, la France, comme presque tous les grand pays industrialisé est dépendante pour des deux tiers aux énergies fossiles (raisonnement en énergie finale). en énergie primaire, on est aux alentours de 90%. Et de quoi nous parle-t-on : quasi exlusivement de l’électricité (qui est un vecteur d’énergie) et ne représente qu’un quart du problème en France et où le nucléaire ne représente que 20% du problème global de la consommation d’énergie finale. Ce débat hyper électrocentré se comprend évidemment fort bien lorsque l’on sait que les principales nouvelles EnR (éolien et photovoltaïque) ne savent produire que de l’électricité. Dès lors, l’enjeu est de prendre des parts de marché dans l’électricité à 90% non carbonée en France et de laisser les 75% restant dans le mix énergétique (le problème véritable !) sans solutions (champ libre pour le pétrole et la gaz). Nos politiques sont donc soit incultes soit en matière d’énergie, soit volontairement manipulateurs.