Une percée technologique promet de débloquer l’essor des ordinateurs quantiques en surmontant l’un de leurs obstacles les plus tenaces : la chaleur. La jeune puce canadienne Qubic Technologies développe un amplificateur cryogénique révolutionnaire, capable de réduire la dissipation thermique par un facteur de 10 000. Ce dispositif, qui pourrait être commercialisé dès 2026, vise à éliminer une barrière majeure au passage à l’échelle de ces machines. Soutenu par une subvention fédérale de près d’un million de dollars canadiens, ce projet positionne Qubic au cœur de la course mondiale pour rendre l’informatique quantique véritablement opérationnelle.
Un goulot d’étranglement thermique
La plupart des ordinateurs quantiques fonctionnent dans des environnements extrêmement froids, proches du zéro absolu. Cependant, les composants électroniques nécessaires à leur fonctionnement, en particulier les amplificateurs traditionnels, génèrent de la chaleur. La dissipation thermique reste en effet problématique : elle perturbe les conditions cryogéniques fragiles, augmente considérablement les coûts de refroidissement et, surtout, limite drastiquement le nombre de qubits pouvant être intégrés dans un même système. C’est en quelque sorte ce verrou technologique que Qubic entend faire sauter avec son amplificateur quantique, un dispositif conçu pour dissiper pratiquement aucune chaleur.
Un financement stratégique et des collaborations de pointe
Le développement de cette technologie a reçu un coup d’accélérateur significatif avec l’octroi d’une subvention de près de 1 million de dollars canadiens par le gouvernement fédéral, via le programme FABrIC géré par CMC Microsystems. Le financement, sélectionné parmi plus de deux cents candidatures, valide l’approche innovante de Qubic et soutient un projet global de 2,5 millions de dollars.
Pour mener à bien ce défi, Qubic s’appuie sur un écosystème académique de premier plan, collaborant étroitement avec l’Université de Waterloo, l’Institut d’informatique quantique (IQC) et l’installation de nanofabrication quantique. La synergie entre la recherche fondamentale et le développement industriel demeure vitale pour pouvoir transformer une innovation de laboratoire en produit commercialisable.
Des perspectives industrielles et des voix expertes
L’enthousiasme suscité par cette technologie va au-delà des cercles académiques.
Jérôme Bourassa, PDG et co-fondateur de Qubic, a souligné l’importance de ce projet : «L’industrie de l’informatique quantique continue de progresser rapidement, mais des obstacles technologiques subsistent et doivent être surmontés avant que l’industrie puisse fournir des ordinateurs quantiques à grande échelle. Ce projet produira un nouveau type d’amplificateur qui éliminera l’un de ces obstacles majeurs ». Il a ajouté : « Ce financement fédéral non dilutif représente une étape importante pour nous. Non seulement il conforte notre conviction qu’il existe une demande pour ce produit dans un secteur stratégique clé, mais il ouvre également la voie à la commercialisation de ces amplificateurs quantiques, qui ne dissipent pas de chaleur. »
Itamar Sivan, PDG de Quantum Machines, une entreprise spécialisée dans l’orchestration des ordinateurs quantiques, a également salué cette avancée : « Des composants cryogéniques de haute qualité, y compris des TWPA comme celui-ci, permettent en fin de compte à nos clients d’obtenir de meilleures performances. Nous sommes impatients de voir d’autres recherches de qualité dans ce domaine. »
Lynn McNeil, vice-présidente du programme FABrIC avec CMC Microsystems, a mis en avant le contexte plus large : «À mesure que les ordinateurs quantiques prennent de l’ampleur, la demande de solutions de lecture à ultra-faible bruit et à limite quantique augmente, ce qui fait des amplificateurs supraconducteurs une technologie habilitante de grande valeur, dont l’attrait commercial s’accroît sur les marchés quantiques mondiaux. »
Vers une informatique quantique à grande échelle ?
Le prototype de l’amplificateur de Qubic est actuellement en phase de test, avec une mise sur le marché prévue pour 2026. Si cette technologie tient ses promesses, elle pourrait marquer un seuil décisif. En éliminant la contrainte thermique, elle ouvrirait la voie à la construction d’ordinateurs quantiques beaucoup plus puissants, capables d’héberger des milliers, voire des millions de qubits. L’enjeu dépasse même le domaine du calcul quantique, puisque cette technologie d’amplification ultra-froide pourrait trouver des applications dans d’autres systèmes électroniques de haute précision.
Source : Qubic Technologies