La simulation informatique la plus longue et la plus complète à ce jour de la fusion de deux étoiles à neutrons révèle des détails explosifs sur la formation des trous noirs et des jets.
Points clés |
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Le point de vue Simulation record : Une équipe internationale dirigée par des chercheurs de l’Institut Max Planck de physique gravitationnelle (Institut Albert Einstein) a réalisé la simulation la plus longue et la plus complexe à ce jour d’une fusion d’étoiles binaires à neutrons, d’une durée de 1,5 seconde en temps réel. L’image complète : La simulation, qui a nécessité 130 millions d’heures de calcul, intègre les effets de la relativité générale, du rayonnement des neutrinos et de la magnétohydrodynamique. Elle montre un effondrement rapide en un trou noir et la formation ultérieure d’un jet. Des prédictions précieuses : La simulation prédit le signal d’ondes gravitationnelles émis, la signature du sursaut de neutrinos, la kilonova et l’éjection de matière du reste de la fusion. Il s’agit là d’informations précieuses pour l’astronomie multi-messagers des événements futurs, c’est-à-dire l’observation de signaux multiples provenant d’une même source. |
La simulation la plus longue et la plus complexe
Les étoiles à neutrons en fusion constituent d’excellentes cibles pour l’astronomie multimessagère. Cette méthode moderne et encore très récente de l’astrophysique coordonne les observations des différents signaux provenant d’une même source astrophysique. Lorsque deux étoiles à neutrons entrent en collision, elles émettent des ondes gravitationnelles, des neutrinos et des rayonnements sur l’ensemble du spectre électromagnétique. Pour les détecter, les chercheurs doivent ajouter des détecteurs d’ondes gravitationnelles et des télescopes à neutrinos aux télescopes ordinaires qui captent la lumière. Des modèles et des prévisions précis des signaux attendus sont essentiels pour coordonner ces observatoires, qui sont de nature très différente.
« Il est extrêmement difficile de prédire les signaux multi-messagers provenant de fusions de étoiles à neutrons binaires à partir des principes fondamentaux. Nous avons maintenant réussi à le faire », déclare Kota Hayashi, chercheur postdoctoral au département d’astrophysique relativiste computationnelle de l’Institut Max Planck pour la physique gravitationnelle (Institut Albert Einstein) dans le parc scientifique de Potsdam. « À l’aide du supercalculateur Fugaku au Japon, nous avons réalisé la simulation la plus longue et la plus complexe à ce jour d’une fusion de deux étoiles à neutrons. »
La simulation couvre 1,5 seconde en temps réel, a nécessité 130 millions d’heures de calcul et a mobilisé entre 20 000 et 80 000 processeurs à tout moment. Elle inclut les effets de la théorie de la relativité générale d’Einstein, l’émission de neutrinos et l’interaction de champs magnétiques puissants avec la matière à haute densité à l’intérieur des étoiles à neutrons en fusion.
Une image complète
La simulation commence avec très peu d’hypothèses – des étoiles à neutrons avec des champs magnétiques puissants en orbite l’une autour de l’autre – et fait évoluer le système binaire de manière cohérente au fil du temps, sur la base de principes physiques fondamentaux. « Notre nouvelle simulation suit le système binaire tout au long de son évolution : spirale, fusion et phase post-fusion, y compris la formation du jet. Elle fournit la première image complète de l’ensemble du processus et donc des informations précieuses pour les futures observations de tels événements », ajoute Kota Hayashi.
Au départ, les deux étoiles à neutrons (simulées à 1,25 et 1,65 fois la masse de notre Soleil) orbitent l’une autour de l’autre cinq fois. Pendant cette phase d’inspiration, elles tombent l’une vers l’autre en perdant de l’énergie orbitale, qui est émise sous forme d’ondes gravitationnelles. En raison de leur masse totale élevée, les restes de la fusion s’effondrent rapidement pour former un trou noir. La simulation prédit le signal d’onde gravitationnelle, le premier des signaux multi-messagers observables.
Après la fusion, un disque de matière se forme autour du trou noir résiduel. Dans le disque, le champ magnétique est amplifié par l’enroulement des lignes de champ et les effets dynamo. L’interaction avec la rotation rapide du trou noir intensifie encore davantage le champ magnétique. Cela crée un flux d’énergie le long de l’axe de rotation du trou noir.
« Nous pensons que ce flux d’énergie le long de l’axe du trou noir, entraîné par les champs magnétiques, alimente un sursaut gamma », précise Masaru Shibata, directeur du département d’astrophysique relativiste computationnelle. « Cela correspond à ce que nous savons d’après les observations précédentes et nous permet de mieux comprendre le fonctionnement interne des fusions d’étoiles à neutrons. »
Prévisions multi-messagers
L’équipe utilise également sa simulation pour déduire l’émission prévue de neutrinos provenant de fusions de étoiles à neutrons binaires. « Ce que nous avons appris sur la formation des jets et la dynamique des champs magnétiques est crucial pour notre interprétation et notre compréhension des fusions de étoiles à neutrons et de leurs homologues associés », commente Masaru Shibata.
La simulation fournit des informations sur la quantité de matière éjectée dans le milieu interstellaire et permet ainsi de prédire la kilonova. Il s’agit d’un nuage lumineux de gaz et de poussière riche en éléments lourds. Lorsque la première collision de deux étoiles à neutrons a été détectée et observée le 17 août 2017 par des détecteurs d’ondes gravitationnelles, puis par divers autres télescopes, les chercheurs ont découvert des éléments tels que l’or, qui sont plus lourds que le fer.
Même si les physiciens théoriciens soupçonnaient ces kilonovae de produire ces éléments particulièrement lourds, cette théorie n’a été confirmée pour la première fois qu’en 2017. Seuls le fer et les éléments plus légers peuvent être créés à l’intérieur des étoiles.
Légende illustration : Image fixe de la simulation numérique environ 1,3 seconde après la fusion de l’étoile à neutrons. Les contours en bleu et en vert montrent la densité de la matière autour du trou noir central résiduel. Les lignes magenta montrent les lignes de champ magnétique et les flèches indiquent l’écoulement dans la magnétosphère (jet). K. Hayashi / Institut Max Planck de physique gravitationnelle (Institut Albert Einstein)
Source : Max planck