Le gouvernement tire la sonnette d’alarme sur la rupture conventionnelle. Plus de 500 000 personnes ont utilisé en 2024 ce moyen de quitter leur emploi à l’amiable, ce qui coûte près de 9,4 milliards d’euros par an à l’assurance chômage. Face à la hausse des dépenses publiques, l’exécutif cherche à rendre le dispositif moins attractif, provoquant la colère des syndicats. Le débat touche à l’équilibre entre flexibilité pour les entreprises et protection des salariés.
Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle ?
Créée en 2008, la rupture conventionnelle permet à un employeur et à son employé en CDI de se séparer d’un commun accord. Ni licenciement, ni démission, elle présente des avantages pour les deux parties. Le salarié touche une indemnité minimum équivalente à celle d’un licenciement et peut s’inscrire au chômage, contrairement à une démission. L’employeur évite quant à lui les risques de contentieux aux prud’hommes. La procédure prévoit un ou plusieurs entretiens, puis la signature d’une convention qui doit être validée par l’administration après un délai de rétractation de 15 jours.
Le succès du dispositif ne se dément pas. De 29 000 ruptures fin 2008, on est passé à plus de 130 000 par trimestre en 2025. Sur l’ensemble de 2024, 515 000 ruptures ont été signées, soit 17% de plus qu’il y a cinq ans. Trois ruptures sur quatre donnent lieu à une indemnisation chômage, ce qui représente un coût important pour les finances publiques.
Pourquoi le gouvernement veut y toucher ?
L’État soupçonne certaines dérives. Des entreprises utiliseraient la rupture conventionnelle pour organiser des départs en pré-retraite sans payer de plan social, ou pour déguiser des licenciements. Le ministère du Travail souhaiterait voir davantage de démissions, qui ne coûtent rien à l’assurance chômage.
Le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026 prévoit d’augmenter la taxe patronale sur les indemnités de rupture de 30% à 40%. Le forfait social, qui s’applique sur la partie non soumise aux cotisations, avait déjà été relevé de 20% à 30% en 2023. L’objectif affiché est de rendre moins intéressante la rupture conventionnelle pour les entreprises et récupérer 260 millions d’euros. Après un premier rejet en commission, les députés ont finalement voté en faveur de la hausse début novembre.
D’autres pistes à l’étude
L’Unédic, qui gère l’assurance chômage, a proposé en octobre 2025 d’autres solutions pour réduire la facture. La première consiste à allonger le délai avant de toucher les allocations, actuellement limité à 75 jours, pour le porter à 180 jours voire le supprimer complètement. L’économie pourrait atteindre jusqu’à 200 millions d’euros.
Une deuxième option prévoit d’inclure toutes les indemnités dans le calcul du délai d’attente, ce qui permettrait d’économiser 440 millions d’euros. Le gouvernement cherche à dégager entre 2 et 2,5 milliards d’euros par an sur l’assurance chômage d’ici 2029. En août dernier, le gouvernement de Michel Barnier avait fixé au 15 novembre la date limite pour négocier une nouvelle convention avec les partenaires sociaux.
Les syndicats s’opposent fermement
Les organisations syndicales refusent catégoriquement tout durcissement des conditions d’accès au chômage. La CGT prévient que les pistes de rabotage seront inacceptables. Force Ouvrière rappelle que la rupture conventionnelle avait été créée à la demande du patronat pour éviter les conflits juridiques, bénéficiant ainsi aux deux parties. Les syndicats avaient déjà rejeté la lettre de cadrage gouvernementale transmise cet été.
Avec un déficit prévu de 1,3 milliard d’euros en 2026 et une dette de 60 milliards, l’Unédic est plus que jamais sous pression. L’issue dépendra certainement de la capacité à trouver un compromis acceptable entre le gouvernement et les partenaires sociaux, dans un climat politique tendu.











