L’équilibre climatique de notre planète repose sur des mécanismes naturels dont la compréhension nécessite une constante actualisation. Les végétaux, acteurs majeurs de la régulation atmosphérique, font l’objet de nouvelles analyses scientifiques. Une étude récente remet en question les données acceptées depuis quarante ans concernant la capacité d’absorption du carbone par les plantes.
Les analyses menées par une équipe internationale, sous la direction de l’Université Cornell et en partenariat avec le Laboratoire national d’Oak Ridge (ORNL), démontrent que l’absorption du dioxyde de carbone par les plantes terrestres dépasse de 31% les estimations antérieures. La publication de leurs travaux dans la revue Nature modifie considérablement la compréhension des cycles carbones terrestres.
La Production Primaire Brute terrestre (PPB), mesure du CO2 capté par photosynthèse, est désormais évaluée à 157 pétagrammes de carbone annuels. Les précédentes estimations, établies dans les années 1980, s’arrêtaient à 120 pétagrammes. Pour contextualiser, un pétagramme représente l’équivalent des émissions annuelles produites par 238 millions de véhicules à essence.
Une approche nouvelle qui utilise le sulfure de carbonyle
Un modèle intégré a été élaboré par les scientifiques pour suivre les mouvements du sulfure de carbonyle (OCS), composé chimique dont le comportement reproduit celui du CO2 pendant la photosynthèse. L’OCS est absorbé par les chloroplastes, unités cellulaires responsables de la photosynthèse, selon un mécanisme analogue à celui du dioxyde de carbone.
Les données essentielles sur les caractéristiques photosynthétiques ont été rassemblées dans la base LeafWeb, hébergée par l’ORNL. La validation des résultats s’est appuyée sur des relevés haute résolution issus de tours de surveillance environnementale, permettant ainsi de surmonter les limitations inhérentes aux observations satellitaires, particulièrement problématiques en zone tropicale.
Les zones tropicales : principaux réservoirs naturels de carbone
Les analyses révèlent que les forêts tropicales présentent la plus grande différence entre anciennes et nouvelles estimations. Les mesures effectuées sur site confirment le rôle prépondérant des écosystèmes tropicaux dans les mécanismes naturels de séquestration du carbone.
Peter Thornton, chercheur à l’ORNL, a ajouté : «L’établissement d’estimations fiables de la PPB à l’échelle mondiale représente une étape fondamentale pour l’amélioration des prévisions relatives aux concentrations futures de CO2 atmosphérique et leurs répercussions climatiques».
«Déterminer la quantité de CO2 que les plantes fixent chaque année est une énigme sur laquelle les scientifiques travaillent depuis un certain temps», a commenté pour sa part Lianhong Gu, expert en photosynthèse à l’ORNL et co-auteur de l’étude. «L’estimation initiale de 120 pétagrammes par an a été établie dans les années 1980 et est restée inchangée alors que nous essayions de trouver une nouvelle approche. Il est important que nous ayons une bonne maîtrise de la PPP mondiale, car l’absorption initiale de carbone par les terres affecte le reste de nos représentations du cycle du carbone de la Terre.»
«Nous devons nous assurer que les processus fondamentaux du cycle du carbone sont correctement représentés dans nos modèles à grande échelle», a conclu Lianhong Gu. «Pour que ces simulations à l’échelle de la Terre fonctionnent bien, elles doivent représenter la meilleure compréhension des processus à l’œuvre. Ce travail représente un grand pas en avant en termes de chiffres définitifs».
Légende illustration : Une tour d’observation surplombe une forêt tropicale panaméenne où des scientifiques de l’ORNL et d’autres partenaires travaillent sur le projet DOE Next Generation Ecosystem Experiments Tropics, recueillant des mesures au sol qui sont utilisées pour analyser le cycle du carbone de la forêt tropicale. Crédit : Jeff Warren/ORNL, Département de l’énergie des États-Unis
Article : ‘Terrestrial photosynthesis inferred from plant carbonyl sulfide uptake’ / ( 10.1038/s41586-024-08050-3 ) – DOE/Oak Ridge National Laboratory – Publication dans la revue Nature