Tournesol et colza, des résidus susceptibles d’être convertis en lipides

Dans un contexte économique et écologique où la réduction de l’utilisation des produits issus du pétrole conduit à se tourner vers des matières premières renouvelables, issues de la biomasse végétale, les lipides sont des molécules clés pour la production d’agrocarburants et de produits biosourcés issus de la chimie verte.

Leur élaboration par des microorganismes à partir de la biomasse lignocellulosique est en plein essor. Des chercheurs de l’Inra, d’AgroParisTech et du CNRS ont exploré le potentiel de résidus issus de l’agriculture pour la production de lipides d’intérêt par une bactérie lignocellulolytique, Streptomyces lividans.

Des tiges de tournesol et des pailles de colza…

S’intéressant aux tiges de tournesol et aux pailles de colza, jusqu’alors peu explorées, les scientifiques ont mis en évidence que les unes et les autres présentent un taux moyen de lignines peu élevé (17 %), proche de celui du maïs mais bien moins élevé que celui du bois, tous deux mieux connus des filières de bioconversion. Ces lignines ont par ailleurs la particularité d’être structurellement faciles à convertir en molécules d’intérêt. Tiges de tournesol et pailles de colzarenferment toutes deux, en moyenne, 32 % de cellulose et 16 % d’hémicelluloses. Au final, ces caractéristiques hissent d’ores et déjà ces résidus agricoles lignocellulosiques au rang de substrat potentiellement intéressant pour les filières de bioconversion.

…pour la production bactérienne d’acides gras originaux

Connues pour leur capacité à dégrader les lignocelluloses et à produire des molécules d’intérêt, tels des antibiotiques ou des lipides, des bactéries du genre Streptomyces, S. lividans, se sont révélées capables de se développer sur les résidus de colza comme de tournesol. Le fractionnement de ces résidus lignocellulosiques a permis de montrer que les bactéries se développent préférentiellement sur la fraction glucidique soluble dans l’eau de ces résidus. Cette observation pousse à optimiser les conditions de culture de cet organisme afin qu’il utilise d’autres fractions ou à envisager des prétraitements thermiques ou chimiques pour libérer les molécules utilisables par ces microorganismes. Au cours de leur croissance, ces bactéries produisent des acides gras et cette production peut atteindre 44 % de celle réalisée à partir de l’arabinose, un glucide très favorable à la croissance en laboratoire de S. lividans. Parmi ces acides gras, les scientifiques ont identifié des acides gras originaux par leur structure puisqu’ils sont ramifiés ou comportent un nombre impair d’atomes de carbone voire réunissent ces deux caractéristiques. Ils représentent près des ¾ des acides gras produits.

Au final, de la parcelle agricole à la fiole de laboratoire, ce travail pionnier révèle l’intérêt des résidus lignocellulosiques d’origine agricole que sont les tiges de tournesol et les pailles de colza pour la croissance de bactéries lignocellulolytiques et la production de lipides d’intérêt pour la chimie verte. Soulignons qu’il a nécessité de mettre au point de nombreuses techniques d’analyse susceptibles d’intéresser le domaine industriel de la bioconversion. Plus largement, ce travail ouvre de nouvelles perspectives pour la valorisation par voie biotechnologique de coproduits agricoles encore sous-exploités. Il appelle à être poursuivi pour en démonter la faisabilité à plus grande échelle.

DES LIGNOCELLULOSES À LA BIOMASSE LIGNOCELLULOSIQUE

Constitutives de la paroi des cellules végétales, les lignocelluloses sont composées de trois polymères, en proportions variables selon les végétaux : la cellulose (30 à 60 % de la matière sèche) qui est un polymère de glucose, les hémicelluloses (10 à 40 %) constituées de différents glucides (xylose, arabinose, galactose et mannose) et les lignines (5 à 30 %) composées de dérivés phénylpropane. Etroitement associés entre eux, ces polymères forment une matrice rigide, difficile à déstructurer.

Les processus de conversion biologique de cette biomasse lignocellulosique concernent principalement la cellulose et ses molécules de glucose, lequel est un glucide hautement fermentescible. Ils sont favorisés par une faible teneur en lignines puisque celles-ci, en assurant la stabilité de la structure lignocellulosique, freinent tout le processus. Cependant, certains micro-organismes dits lignocellulolytiques, comme Streptomyces lividans, possèdent un équipement enzymatique qui leur permet d’utiliser les lignines. Ils offrent ainsi l’avantage de pouvoir convertir l’ensemble des constituants de la biomasse lignocellulosique en limitant l’intensité des pré-traitements.

Référence
Bioconversion of Agricultural Lignocellulosic Residues into Branched-Chain Fatty Acids using Streptomyces lividans. Thierry Dulermo, Fabien Coze, Marie-Joëlle Virolle, Valérie Méchin, Stéphanie Baumberger, and Marine Froissard. Oilseeds and fats, Crops and Lipids, 22 octobre 2015.

         

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Quelinteret

Quel est l’interet de cet article? On découvre de nouveaux acides gras? Et alors? quels usages pour ceux-ci?

Deretour

Au lieu de vouloir tout convertir en produits coûteux, mieux vaut conserver cela dans les champs pour la production naturelle d’humus et d’engrais. Cela économisera les engrais chimiques par ailleurs et permettra une meilleure tenue de la terre, avec moins d’érosion par la pluie et le vent.