Une danse atomique révèle le secret des phonons chiraux

Une danse atomique révèle le secret des phonons chiraux

Les résultats publiés dans Nature ont mis fin au débat : les phonons peuvent être chiraux. Ce concept fondamental, découvert grâce à la lumière de rayons X circulaires, montre que les phonons se tordent comme un tire-bouchon à travers le quartz.

La chiralité, ou “main gauche-main droite“, est présente dans la nature, à toutes les échelles. Une molécule chiral possède une structure tridimensionnelle qui la rend différente de son image dans un miroir. Cela signifie qu’une molécule chiral a une version “droite” et une version “gauche“, appelées énantiomères.

Imaginez, essayer de manger un sandwich avec deux mains qui ne seraient pas des énantiomères, c’est-à-dire des images miroirs non superposables. Songez aux catastrophes pharmacologiques causées par l’administration du mauvais énantiomère de médicament ou, à une échelle subatomique, l’importance du concept de parité en physique des particules.

Aujourd’hui, grâce à une nouvelle étude dirigée par des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI, nous savons que les phonons peuvent également posséder cette propriété.

Un phonon est une quasi-particule qui décrit les excitations vibratoires collectives des atomes dans un réseau cristallin.

Les physiciens ont prédit que si les phonons peuvent démontrer la chiralité, ils pourraient avoir des implications importantes sur les propriétés physiques fondamentales des matériaux. Avec l’essor rapide de la recherche sur les matériaux topologiques, qui présentent des propriétés électroniques et magnétiques de surface curieuses, l’intérêt pour les phonons chiraux a augmenté. Cependant, la preuve expérimentale de leur existence est restée insaisissable.

Ce qui rend les phonons chiraux, ce sont les étapes de leur danse. Dans la nouvelle étude, les vibrations atomiques dansent une torsion qui avance comme un tire-bouchon. Ce mouvement en tire-bouchon est l’une des raisons pour lesquelles il y a eu une telle volonté de découvrir le phénomène. Si les phonons peuvent tourner de cette façon, comme la bobine de fil qui forme un solénoïde, peut-être pourraient-ils créer un champ magnétique dans un matériau.

Une nouvelle approche sur le problème

C’est cette possibilité qui a motivé le groupe d’Urs Staub au PSI, qui a dirigé l’étude. “C’est parce que nous sommes à la jonction entre la science des rayons X ultra-rapides et la recherche sur les matériaux que nous avons pu aborder le problème sous un angle différent,” dit-il. Les chercheurs s’intéressent à la manipulation des modes chiraux des matériaux en utilisant de la lumière chirale – la lumière qui est polarisée circulairement.

C’est en utilisant une telle lumière que les chercheurs ont pu apporter leur preuve. En utilisant du quartz, l’un des minéraux les mieux connus dont les atomes – silicium et oxygène – forment une structure chirale, ils ont montré comment la lumière polarisée circulairement s’est couplée aux phonons chiraux. Pour cela, ils ont utilisé une technique appelée diffusion inélastique de rayons X résonants (RIXS) à la Diamond Light Source au Royaume-Uni. Ceci a été complété par des descriptions théoriques du processus qui créerait et permettrait la détection des phonons chiraux, provenant des groupes de l’ETH Zurich et du MPI Dresde.

“Ce n’est pas habituel en science !”

Dans leur expérience, la lumière polarisée circulairement brille sur le quartz. Les photons de lumière possèdent un moment angulaire, qu’ils transmettent à la structure atomique, lançant les vibrations dans leur mouvement en tire-bouchon. La direction que les phonons empruntent dépend de la chiralité intrinsèque du cristal de quartz. Au fur et à mesure que les phonons tournent, ils libèrent de l’énergie sous forme de lumière diffusée, qui peut être détectée.

Imaginez que vous êtes sur un carrousel et que vous lancez un frisbee. Si vous lancez le frisbee dans le même sens de rotation que le carrousel, vous vous attendriez à ce qu’il tourne rapidement. Lancez-le dans l’autre sens et il tournera moins vite, car le moment angulaire du carrousel et du frisbee s’annulent mutuellement. De la même manière, lorsque la lumière polarisée circulairement tourne de la même manière que le phonon qu’elle excite, le signal est amplifié, et les phonons chiraux peuvent être détectés.

Une expérience bien planifiée, des calculs théoriques soignés, et ensuite quelque chose d’étrange s’est produit : presque tout s’est déroulé comme prévu. Dès qu’ils ont analysé les résultats, la différence de réponse lorsque la chiralité de la lumière a été inversée était indéniable.

Les résultats étaient presque immédiatement convaincants, surtout lorsque nous avons comparé la différence avec les autres énantiomères de quartz,” se souvient le scientifique du PSI et premier auteur de la publication, Hiroki Ueda.

Assis à son ordinateur pour analyser les données, Ueda a été la première personne à voir les résultats : “J’ai vérifié plusieurs fois mes codes d’analyse pour m’assurer que c’était vrai.” Staub insiste, “Ce n’est pas normal ! Ça ne fonctionne pas habituellement comme ça en science !”

Simplicité sublime

Au cours de la quête des phonons chiraux, il y a eu plusieurs fausses alertes. Cela va-t-il régler le débat ? “Oui, je le pense, c’est la beauté de ce travail,” estime Staub, dont l’opinion a été partagée par les réviseurs de Nature. “Parce que c’est simple, et beau, et évident. C’est si simple, c’est évident que c’est le mouvement chirale.

Paul Scherrer Institute / Miriam Arrell

Légende illustration : Pour prouver l’existence de phonons chiraux, les chercheurs ont utilisé la diffusion inélastique résonante des rayons X (RIXS). Une lumière polarisée circulairement brille sur du quartz. Le moment angulaire des photons est transféré à un cristal, provoquant dans ce cas une révolution des anions (sphères orange avec des orbitales p) par rapport à leurs voisins cations (sphères vertes). Crédit photo : Paul Scherrer Institute / Hiroki Ueda and Mahir Dzambegovic

[ Rédaction ]

         

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