Dans les laboratoires du monde entier, c’était devenu le casse-tête des chercheurs en électrochimie : pourquoi les batteries lithium-ion perdent-elles inexorablement leur charge, même au repos ? La réponse vient de tomber, et elle est surprenante. Des scientifiques ont mis au jour un phénomène jusqu’alors invisible qui bouleverse les modèles théoriques établis et ouvre la voie à une nouvelle génération de batteries plus performantes
L’autodécharge des batteries lithium-ion était traditionnellement attribuée à la diffusion des atomes de lithium depuis l’électrolyte vers la cathode. Les résultats des recherches menées par une équipe internationale ont démontré que le véritable responsable se trouve être la diffusion des protons, également appelés ions hydrogène. Les implications de leur découverte sont considérables pour l’industrie des batteries rechargeables, dont la production mondiale ne cesse de croître.
Alors que les observations réalisées par son équipe ont été validées par plusieurs laboratoires indépendants, Artūras Vailionis, responsable principal du groupe d’analyse par rayons X et de surface à l’Université Stanford, a précisé : «L’étude démontre que la diffusion des protons est la cause principale de l’autodécharge des batteries. Les résultats permettent d’envisager des solutions concrètes pour prolonger leur durée de vie».
Solutions techniques et implications pratiques
Les chercheurs ont identifié deux approches majeures pour réduire l’autodécharge. La première méthode consiste à incorporer des additifs sans molécules d’hydrogène, comme le CH2, dans l’électrolyte. La seconde approche préconise l’application d’un revêtement spécial pour limiter les réactions entre la surface de la cathode et l’électrolyte. Les tests en laboratoire ont démontré une amélioration significative des performances avec les deux méthodes.
L’impact de l’autodécharge sur la durée de vie calendaire et cyclique des batteries se manifeste par une diminution progressive de leur tension et de leur capacité. Les conséquences environnementales et économiques de ce phénomène sont particulièrement importantes dans un contexte où la transition énergétique s’accélère mondialement.
Applications et bénéfices multisectoriels
Les retombées de cette recherche s’étendent à de multiples domaines industriels. Dans le secteur des énergies renouvelables, l’amélioration de la durée de vie des batteries optimise le stockage énergétique des systèmes solaires et éoliens. Pour les véhicules électriques et le stockage d’énergie à grande échelle, une longévité accrue des batteries représente un avantage économique considérable. Les industriels du secteur automobile ont déjà manifesté leur intérêt pour l’intégration de ces nouvelles technologies.
Le secteur médical et l’industrie aérospatiale bénéficient également de ces avancées scientifiques. La fiabilité accrue des batteries réduit considérablement les risques de défaillance dans les situations critiques où la sécurité des patients ou des équipages est primordiale. Les dispositifs médicaux implantables pourraient voir leur autonomie significativement augmentée.
Une collaboration internationale
L’équipe du Professeur Vailionis à Stanford a employé des techniques sophistiquées de diffraction des rayons X pour identifier deux structures distinctes dans la cathode : une en surface, affectée par les ions hydrogène, et une plus profonde. La réflectométrie aux rayons X a confirmé l’existence d’une couche superficielle contenant des atomes d’hydrogène. Les résultats ont été validés par plusieurs laboratoires internationaux.
Cette recherche illustre l’importance fondamentale de la collaboration internationale dans le domaine scientifique. Le Professeur Vailionis, qui partage son expertise entre Stanford et l’Université technologique de Kaunas en Lituanie depuis treize ans, souligne les progrès remarquables de la recherche scientifique en Europe de l’Est. Les échanges entre chercheurs de différents pays ont permis d’accélérer significativement le processus de découverte et de validation des résultats.
Légende illustration : Artūras Vailionis, l’un des principaux responsables du groupe d’analyse des rayons X et des surfaces à l’université de Stanford et professeur invité à l’université technologique lituanienne de Kaunas (KTU). Crédit : Artūras Vailionis
Article : ‘Solvent-mediated oxide hydrogenation in layered cathodes’ / ( 10.1126/science.adg4687 ) – Kaunas University of Technology – Publication dans la revue Science / 13-Sep-2024