Une découverte majeure dans la lutte contre la pollution des eaux : des chercheurs franco-argentins viennent de percer le mystère du pouvoir dépolluant des microalgues. Leurs travaux révèlent comment ces micro-organismes parviennent à éliminer le zinc des rivières contaminées, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour la dépollution des cours d’eau.
Ces résultats, qui ouvrent des perspectives prometteuses pour des applications en bio-restauration, sont publiés dans la revue Environnemental Pollution.
Les microalgues ont montré leur capacité à assainir l’environnement, en particulier pour éliminer des métaux lourds dans des eaux polluées. Mais jusqu’à présent, le mécanisme moléculaire de cette élimination restait mal compris. Afin de favoriser le développement des techniques de remédiation exploitant des microalgues, une équipe du Toulouse Biotechnology Institute (TBI, CNRS/INRAE/INSA Toulouse) a étudié comment une microalgue, Parachlorella kessleri, prélévée dans une rivière polluée d’Argentine, parvient à éliminer le zinc. Cette étude a été menée en collaboration avec le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS-CNRS), le laboratoire de Génie des procédés – environnement – agroalimentaire (GEPEA, CNRS/Nantes Université/Oniris Nantes), et des chercheurs argentins de l’Université General de San Martin.
Dans les eaux de rivière polluées par des effluents industriels ou agricoles, l’azote peut être présent sous forme de nitrate ou d’ammonium. Les chercheurs se sont intéressés aux variations du comportement de ces microalgues selon la source d’azote dans l’eau. Le principal instrument utilisé pour cette étude est le microscope à force atomique (AFM), qui permet de mesurer la rugosité et les propriétés nanomécaniques à la surface de la cellule, mais aussi la force des interactions entre la surface des cellules et les espèces chimiques environnantes.

L’étude a d’abord montré que seules les cellules cultivées avec du nitrate produisaient des substances polymériques extracellulaires (EPS), des macromolécules secrétées par les microalgues dans certaines conditions de cultures. Les microalgues cultivées avec de l’ammonium ne produisent pas d’EPS. Des expériences de spectroscopie de force AFM ont ensuite confirmé la forte liaison du zinc aux EPS dans les cellules cultivées avec du nitrate, tandis que les interactions étaient plus faibles, voire absentes, dans les cellules cultivées avec de l’ammonium. L’exposition au zinc modifie également la rugosité et les propriétés nanomécaniques de la surface des cellules.
Par ailleurs, la spectroscopie Raman a révélé que les microalgues avaient des réponses métaboliques différentes (production de chlorophylle, caroténoïdes et lipides) en fonction de la source d’azote, les cellules cultivées au nitrate présentant des profils modifiés après une exposition au zinc.
Ces résultats mettent en évidence le rôle clé de l’adsorption du métal par les EPS dans l’élimination du zinc par les cellules de P. kessleri. La régulation des sources d’azote devrait donc permettre de stimuler la production d’EPS, ouvrant ainsi des perspectives prometteuses d’applications en biorestauration.
Les partenaires de cette recherche poursuivent l’exploration du potentiel des microalgues, et les études se tournent vers d’autres polluants émergents : les antibiotiques issus de l’élevage des animaux, difficiles à éliminer dans les stations d’épuration, et les microplastiques.
Source : CNRS Ingénierie
Investigating the role of extracellular polymeric substances produced by Parachlorella kessleri in Zn(II) bioremediation using atomic force microscopy.
Victoria Passucci, Ophélie Thomas-Chemin, Omar Dib, Antony Ali Assaf, Marie-José Durand, Etienne Dague, Maria Mar Areco, and Cécile Formosa-Dague.
Environmental Pollution, décembre 2024. 10.1016/j.envpol.2024.125082