Les chercheurs de l’ETH Zurich ont mis au point une technique novatrice pour l’étude des surfaces, un domaine crucial mais complexe en science des matériaux. Cette méthode, basée sur l’utilisation d’une membrane d’or ultrafine, promet de révolutionner la caractérisation des surfaces dans de nombreux domaines technologiques.
Une équipe interdisciplinaire de scientifiques des matériaux et d’ingénieurs électriciens, dirigée par le professeur Lukas Novotny de l’ETH Zurich, en collaboration avec des collègues de l’Université Humboldt de Berlin, a développé une méthode qui simplifie considérablement la caractérisation des surfaces. Les résultats de leurs recherches, fondées sur l’utilisation d’une membrane d’or extrêmement fine, ont été publiés dans la revue scientifique Nature Communications.
Roman Wyss, ancien doctorant en science des matériaux et premier auteur de l’article, souligne l’importance des surfaces : «Qu’il s’agisse de catalyseurs, de cellules solaires ou de batteries, les surfaces sont toujours extrêmement pertinentes pour leur fonctionnalité».
En effet, les processus importants se déroulent généralement aux interfaces. Pour les catalyseurs, il s’agit des réactions chimiques accélérées à leur surface. Dans les batteries, les propriétés de surface des électrodes sont cruciales pour leur efficacité et leur comportement de dégradation.
Depuis de nombreuses années, la spectroscopie Raman est utilisée pour examiner les propriétés des matériaux de manière non destructive. Cependant, son application aux surfaces présente des limitations importantes. Sebastian Heeg, qui a contribué aux expériences en tant que post-doctorant dans le groupe de Lukas Novotny, explique : «La lumière laser pénètre le matériau sur plusieurs micromètres, le spectre de fréquences est donc principalement affecté par le volume du matériau et seulement dans une très faible mesure par sa surface, qui ne comprend que quelques couches atomiques».
Pour exploiter la spectroscopie Raman également pour les surfaces, les chercheurs de l’ETH ont mis au point une membrane d’or spéciale d’une épaisseur de seulement 20 nanomètres, contenant des pores allongés d’environ 100 nanomètres. Lorsque cette membrane est transférée sur une surface à étudier, deux phénomènes se produisent : premièrement, la membrane empêche le faisceau laser de pénétrer dans le volume du matériau. Deuxièmement, aux emplacements des pores, la lumière laser est concentrée et réémise seulement sur quelques nanomètres dans la surface.
Sebastian Heeg ajoute : «Les pores agissent comme des antennes plasmoniques, similaires à l’antenne d’un téléphone portable». L’antenne amplifie le signal Raman de la surface jusqu’à mille fois par rapport au signal de la spectroscopie Raman conventionnelle sans la membrane. Cette amplification a été démontrée sur plusieurs matériaux, notamment le silicium contraint et l’oxyde de nickel de lanthane (LaNiO3), un cristal de pérovskite.
Le silicium contraint, important pour les applications en technologies quantiques, n’avait jusqu’à présent pas pu être sondé par spectroscopie Raman en raison du bruit de fond de la mesure. Après l’application de la membrane d’or, le signal de contrainte a été amplifié sélectivement au point de pouvoir être clairement distingué des autres signaux Raman du matériau.
Mads Weber, ancien post-doctorant à l’ETH Zurich et maintenant professeur assistant à l’Université du Mans, souligne l’importance de cette méthode pour l’étude des pérovskites métalliques comme l’oxyde de nickel de lanthane. Grâce à la nouvelle méthode de la membrane d’or, les chercheurs ont pu, pour la première fois, accéder à la structure de surface de ce matériau.
Sebastian Heeg met en avant l’aspect durable de cette approche : «Notre approche est également intéressante du point de vue de la durabilité, car les équipements Raman existants peuvent acquérir des capacités complètement nouvelles sans beaucoup d’efforts».
À l’avenir, les chercheurs souhaitent améliorer davantage leur méthode et l’adapter aux demandes des utilisateurs. Par exemple, en produisant une membrane d’or avec des pores de taille égale et alignés parallèlement, la méthode pourrait être optimisée pour des matériaux spécifiques, ce qui améliorerait encore la force du signal Raman d’un facteur cent.
Légende illustration :Les pores de la membrane d’or développée par les chercheurs de l’ETH amplifient le faisceau laser dans la spectroscopie Raman, lui permettant de pénétrer uniquement dans la surface (gris clair) mais pas dans la masse du matériau (gris foncé). (Illustration : Scixel)
Wyss RM, Kewes G, Marabotti P et al. Bulk-suppressed and surface-sensitive Raman scattering by transferable plasmonic membranes with irregular slot-shaped nanopores. Nature Communications 15, 5236 (2024). DOI: 10.1038/s41467-024-49130-2