Une lave artificielle destinée à sceller les puits d’hydrocarbures

Une lave artificielle destinée à sceller les puits de pétrole et de gaz

Les compagnies pétrolières et gazières norvégiennes bouchent et abandonnent désormais les puits de production à l’aide d’une “lave artificielle”. Jusqu’à présent, les résultats ont été excellents. Des résultats récents obtenus en laboratoire indiquent que la même méthode peut être utilisée pour sceller les réservoirs souterrains de stockage de CO2.

De nombreux puits de pétrole et de gaz situés sur le plateau norvégien ont atteint le point où la production n’est plus rentable. Mais avant d’être abandonnés, ils doivent être scellés, ou bouchés, afin d’empêcher toute fuite de pétrole ou de gaz. La pratique actuelle consiste à remplir le tubage de ces puits avec un long bouchon de ciment.

Cependant, dans des pays comme le Canada, qui compte plus de cent fois plus de puits que la Norvège, des fuites sont apparues en de nombreux endroits, à la fois dans et autour des bouchons de ciment. Le phénomène a également été observé dans certains puits bouchés et abandonnés de la mer du Nord.

La société norvégienne de services aux puits Interwell a récemment mis au point une technologie alternative prometteuse qui recrée efficacement les conditions géologiques d’origine – en scellant les puits selon les conditions naturelles. Cette méthode fait appel à une chaleur intense et à du métal en fusion.

La lave artificielle

Lorsque les puits de pétrole et de gaz sont finalement abandonnés, il peut rester d’importants volumes d’hydrocarbures, y compris du gaz, dans le sous-sol. Si ces puits ne sont pas correctement scellés, le gaz peut s’échapper dans l’atmosphère.

Il s’agit principalement de méthane, qui peut capter plus de 25 % de chaleur en plus par molécule que le CO2. Le scellement des puits de production, obligatoire en Norvège et dans d’autres pays, contribuera donc à réduire le réchauffement climatique.

Sur la base notamment de l’expérience canadienne avec les bouchons de ciment actuels, des recherches intensives sont actuellement menées pour identifier des méthodes et des matériaux de scellement alternatifs, tels que les ciments modifiés, les composites et les polymères.

L’alternative proposée par Interwell implique l’utilisation d’un bouchon métallique, notamment un alliage de bismuth, qui est produit en profondeur dans le tubage du puits. Une lave artificielle, ou magma, est effectivement créée en profondeur dans le sous-sol et fait fondre tous les composants et matériaux fabriqués. Ceux-ci se solidifient ensuite pour former une barrière permanente qui scelle le puits.

Pertinence pour le stockage souterrain du CO2

La méthode est déjà utilisée au Canada, avec des résultats prometteurs, et nous avons testé le concept dans le laboratoire de SINTEF, avec de bons résultats également. L’une de nos conclusions est que le système pourrait également convenir au scellement de puits de pétrole et de gaz abandonnés dans des réservoirs sélectionnés pour le stockage futur du CO2.

L’élément clé du concept Interwell, appelé “RockSolid’™”, est une barrière solide, ou bouchon, constituée de plusieurs “phases”. Les phases sont formées par ce que l’on appelle en termes techniques une réaction thermite, qui implique l’inflammation d’un métal en présence de l’oxyde d’un autre métal plus noble que le premier. L’oxygène change alors de place, ou “saute” de l’oxyde au métal non oxydé dans une réaction qui dégage une chaleur intense.

Le même type de réaction est utilisé pour souder les voies ferrées. Dans ce cas, un mélange d’oxyde de fer et d’aluminium est enflammé. La réaction produit du fer liquide qui se lie au rail en acier. L’oxyde d’aluminium formé se détache ensuite sous forme de scories.

Le concept de bouchon d’Interwell utilise le même principe, mais dans ce cas, le fer est remplacé par un alliage de bismuth. La température de réaction est supérieure à 3 500 °C, ce qui fait fondre le tubage du puits et le ciment qui l’entoure. La réaction intense crée un bouchon allongé qui remplit complètement l’espace disponible et s’adapte à la forme irrégulière du trou de forage.

À l’état fondu, les phases se séparent en raison de leurs différentes densités, de sorte que le bouchon solidifié se compose de plusieurs couches verticales, avec un alliage de bismuth à la base, l’enveloppe en acier fondu au centre, et un résidu de scories et de minéraux au sommet.

La température élevée rend la masse fondue très fluide, ce qui lui permet de pénétrer profondément dans les fractures des formations géologiques environnantes et d’empêcher toute fuite de gaz.

L’alliage se dilate lorsqu’il se solidifie. Il a également un point de fusion bas qui lui permet de rester liquide et de pénétrer dans les fissures et les fractures de la formation longtemps après que les autres phases se sont solidifiées. Tout cela contribue à renforcer l’étanchéité.

D’excellents résultats d’essais

La SINTEF a étudié le degré de résistance du bouchon barrière à son environnement dans une “perspective infinie”. Pour ce faire, ils ont effectué les tests suivants :

  • La simulation des conditions de fond de trou, y compris des températures et des pressions élevées et la présence de CO2, de H2S et de chlorures (composés qui peuvent provoquer la corrosion). Nos résultats ont montré que ces facteurs n’ont aucun effet sur la couche barrière en alliage de bismuth. La couche d’acier a subi une certaine corrosion. Cependant, à un moment donné, ce processus stagne. En outre, la couche d’acier n’a pas de fonction d’étanchéité. Sa principale fonction est de servir de mécanisme de verrouillage mécanique.
  • L’imposition de charges mécaniques sur les couches d’alliage de bismuth et d’acier dans le but de simuler les contraintes de traction résiduelles qui apparaissent après le refroidissement et le tassement éventuel des formations rocheuses. Nous n’avons identifié aucune fracture induite par l’environnement dans l’alliage de bismuth ou la phase en acier qui pourrait compromettre leurs propriétés d’étanchéité ou leur intégrité structurelle, respectivement.
  • Nous avons examiné si le contact entre l’alliage de bismuth et la phase en acier pouvait entraîner une corrosion galvanique et une absorption d’hydrogène, avec la fragilité qui en découle. Cependant, aucune fragilité n’a été détectée.
  • L’utilisation de la microscopie électronique à balayage (MEB) pour confirmer les zones où nous avons observé que l’alliage de bismuth était homogène, avec peu de traces de contamination. C’est un avantage majeur dans la perspective d’un scellement.
  • Conclusion : Ni l’alliage de bismuth ni la phase d’acier du bouchon barrière n’ont montré de signes indiquant que les conditions en fond de trou entraîneraient une dégradation susceptible de compromettre la fonction prévue dans une “perspective infinie”.

Déjà utilisé au Canada

Le bouchon barrière Interwell peut être mis en place à l’aide d’un équipement léger, sans avoir recours à des appareils de forage spéciaux ou à des processus de cimentation longs et coûteux.

Cette technologie est déjà utilisée au Canada, où de nombreux bouchons de ce type ont été installés. La méthode a été approuvée par les opérateurs de l’industrie et les autorités canadiennes comme une méthode efficace pour le colmatage permanent des fuites dans les puits profonds.

Nos analyses montrent également que le système peut être idéal pour le scellement des puits de pétrole et de gaz dans les réservoirs sélectionnés pour le futur stockage de CO2. Des évaluations préliminaires en vue de la qualification de la méthode à cette fin ont déjà été réalisées.

En résumé, lorsqu’il s’agit de sceller des puits de production abandonnés dans des réservoirs de stockage de CO2 sur le plateau continental, la chose la plus intelligente à faire est de respecter les règles de la nature.

[ Rédaction ]

               

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