Voitures électriques : le problème de la taxe sur les carburants

Ne prenez pas cet article dans le mauvais sens : je suis en faveur du développement des véhicules électriques. Moins que je ne suis en faveur du développement du vélo, certes, mais je pense effectivement que les voitures électriques ont du bon, ne serait-ce qu’en matière de qualité de l’air dans les agglomérations et de dépendance au pétrole.

Toutefois, il y a un problème qui n’a pas encore été posé dans les débats sur les véhicules électriques : celui de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, anciennement « taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers » ou TIPP). Pour rappel, en 2013, elle s’élèvait à 0,4284 € pour un litre de gazole et 0,6069 € pour un litre d’essence sans plomb 95 et 98.

Donc pour un véhicule diesel consommant 4L/100km, vous payez 1,7136 € / 100 km de TICPE ; avec une voiture essence consommant 6L / 100 km, 3,6414 € / 100 km (on voit la différence entre le traitement du gazole et de l’essence). Cette taxe représente une manne de 20 à 25 milliards d’euros par an pour les finances publiques.

Vous pensez vraiment que l’État et les collectivités territoriales sont en mesure de faire cadeau de 20 à 25 milliards d’€ aux automobilistes s’ils se mettaient tous à rouler à la voiture électrique ?

Donc, pour l’instant, même si je suis convaincu que les fonctionnaires des impôts et du budget ont déjà dû penser au problème, on l’ignore : la voiture électrique a du mal à décoller par rapport aux objectifs que l’on s’était fixé, donc on ne va pas lui mettre des bâtons taxes dans les roues en plus. Mais un jour, les véhicules électriques auront acquis la maturité technologique pour concurrencer les véhicules thermiques, les mentalités sur l’usage des véhicules auront bougé et il y aura assez de véhicules électriques sur les routes pour qu’au gouvernement, on arrête de négliger cette perte de revenus. Ce jour-là, le gouvernement “se rappellera” de ce problème et mettra en place une taxe sur les véhicules électriques.

Sous quelle forme ? Cela promet d’être compliqué .. La TICPE a en effet l’avantage d’être simple à mettre en place (pour une fois en France) : plus vous consommez de carburant, plus vous payez. Si on accepte l’approximation que quand vous consommez plus, c’est a priori que soit vous roulez plus, soit vous avez un véhicule plus gros – nécessitant plus d’infrastructures routières et plus polluant, il y a donc une assez bonne adéquation avec le principe “utilisateur/pollueur-payeur”. Si on excepte l’inégalité de traitement essence / gazole, bien sûr.

Mais pour les véhicules électriques ?

La pollution peut être considérée comme déplacée à la source de production d’électricité (nucléaire, charbon dans d’autres pays ..). Donc, on pourrait la considérer incluse dans le prix d’achat de l’électricité. Ou du moins, cela serait facile à faire. Toutefois, concernant les infrastructures, qu’il s’agisse d’un véhicule électrique ou thermique, cela ne fait guère de différence, et il conviendrait alors de faire aussi payer les véhicules électriques pour l’entretien des routes qu’ils utilisent.

Or, contrairement au carburant, on trouve des prises de courant en grand nombre n’importe où en France. Faire la différence entre de l’électricité achetée pour charger un véhicule électrique et qui devrait donc être sujette à une TICPE et de l’électricité achetée pour autre chose et qui ne le devrait pas, parait techniquement compliquée. Et quand bien même cela serait faisable, il y aura beaucoup de petits malins pour aller recharger leur véhicule sur une prise non-sujette à la TICPE. En outre, un tel système tuerait fort probablement les rêves de ceux qui imaginent faire du stockage diffus d’électricité dans les batteries de véhicules électriques connectés au réseau via des cycles de charge /décharge.

Il est donc plus probable que le gouvernement souhaitera partir sur un système de forfait annuel – telle l’ancienne ‘vignette’ – ce qui instaurera alors une taxe qui ne sera plus proportionnée à l’usage du véhicule, pénalisant alors ceux qui roulent peu.

Un beau casse-tête en perspective …

Malheureusement, ce raisonnement se base sur le principe que la TICPE sert à faire payer à l’utilisateur les ‘externalités’ que sont les infrastructures et la pollution. Or, il est fort probable que pour l’État, il s’agisse surtout d’une source de revenus et que de savoir si elle répartie justement et avec quels effets incitatifs ne soit pas du tout sa priorité. Là encore, l’inégalité de traitement entre l’essence et le gazole est éloquente.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Manfred

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires