L’objet interstellaire 3I/ATLAS continue de dérouter la communauté scientifique car de nouvelles analyses montrent qu’il ne subit quasiment aucune accélération non gravitationnelle, un indice révélateur d’une masse hors norme. Les calculs menés par l’astrophysicien Avi Loeb et ses collaborateurs estiment le noyau à plus de 33 milliards de tonnes pour au moins 5 km de diamètre, une taille inédite pour ce type de visiteur venu d’ailleurs. Le résultat ravive d’ailleurs les débats sur l’origine et la nature de 3I/ATLAS, variant entre une « simple » méga-comète et la tentation d’une hypothèse technologique. Alors que l’objet s’apprête à frôler Mars début octobre, de nouvelles observations pourraient apporter la réponse tant attendue.
Pour mesurer la masse d’un corps lointain, les astronomes scrutent les minuscules écarts à sa trajectoire gravitationnelle. Ainsi, plus l’objet est léger, plus l’effet-fusée de ses dégazages le dévie. Or, les 4 022 relevés astrométriques compilés entre le 15 mai et le 23 septembre 2025 montrent un écart maximal de 0,028 arcseconde. « À ce niveau, la seule explication cohérente est une masse d’au moins 33 milliards de tonnes », affirme Avi Loeb, co-auteur de l’étude publiée cette semaine.
Cette valeur découle des données du télescope spatial Webb : le 6 août, l’engin a mesuré un dégazage d’environ 150 kg/s à 440 m/s. Un tel panache, s’il n’altère pas la trajectoire, implique un noyau bien plus massif que ceux des deux précédents visiteurs interstellaires, ’Oumuamua et Borisov, dépassés de trois à cinq ordres de grandeur.

Hubble a capturé cette image de la comète interstellaire 3I/ATLAS le 21 juillet 2025, alors que la comète se trouvait à 277 millions de kilomètres de la Terre. Hubble montre que la comète a un cocon de poussière en forme de goutte d’eau qui se détache de son noyau solide et glacé.
Un casse-tête statistique
Toutefois cette découverte soulève un paradoxe. Statistiquement, les astrophysiciens auraient dû détecter des centaines de milliers d’objets de la taille de ’Oumuamua (≈100 m) avant de tomber sur un mastodonte de plusieurs kilomètres. « 3I/ATLAS constitue une anomalie majeure dans l’inventaire interstellaire », rappelle Avi Loeb. De quoi questionner la représentativité des modèles d’éjection de débris planétaires ou, à l’inverse, la pertinence des hypothèses… plus exotiques.
Loeb, figure médiatique depuis ses travaux sur ’Oumuamua, n’esquive pas la piste technologique. Un objet « manufacturé » expliquerait l’alignement « improbable » de l’orbite avec le plan de l’écliptique (une chance sur 500) et la possible présence de nickel dépourvu de fer, signature d’alliages industriels. « Si le diamètre mesuré par la caméra HiRISE dépasse 5 km, l’hypothèse d’un résidu rocheux naturel devient intenable », écrit-il. Les critiques rappellent toutefois que la comète C/2014 UN271, forte de 128 km, pulvérise déjà ce record, sans que personne n’y voie une usine volante.
Prochaines étapes : Mars et Jupiter comme bancs d’essai
Le calendrier joue en faveur des observateurs. Le 3 octobre, 3I/ATLAS passera à portée de la caméra HiRISE du Mars Reconnaissance Orbiter. Une résolution de 30 km par pixel permettra de contraindre la surface réfléchissante du noyau. Puis, le 16 mars 2026, l’objet croisera la sonde Juno, offrant une seconde salve de données.
« Un éventuel virage soudain ou une poussée mesurable après ces jalons serait un signal fort d’une propulsion artificielle », avertit l’astrophysicien.

Ce diagramme montre la trajectoire de la comète interstellaire 3I/ATLAS lors de son passage dans le système solaire. Elle s’approchera au plus près du Soleil en octobre.
Que 3I/ATLAS soit une méga-comète atypique ou un artefact venu d’autres intelligences, sa simple existence bouscule notre compréhension des objets vagabonds. Les prochaines semaines verront un flot de données complémentaires.
Source : Avi Loeb