Algues

Une agriculture qui ne contrôle plus ses effluents, les déjections des dizaines de milliers d’animaux élevés hors sol notamment. Les pratiques de biogaz à la ferme, développées en Allemagne et dont ce blog s’est fait l’écho en septembre 2006 [1], ont du mal à progresser en France, mais voici enfin un projet intéressant de ce point de vue, à Ploërmel en Bretagne, précisément en forêt de Brocéliande. Il s’agit d’une raffinerie fonctionnant avec des algues, des déchets végétaux et des déjections animales, conçue et réalisée par une société Morbihannaise, OLMIX [2]. L’algue verte envahit les côtes depuis 30 ans, et atteint aujourd’hui des productions de 300 à 400 000 tonnes. Pour des raisons sanitaires, il faut en retirer 70 000 tonnes par an, dont on ne sait pas toujours quoi faire. Et bien elles vont produire du méthane, associées à d’autres déchets animaux et végétaux. D’un mal faisons un bien. On annonce que cette centrale, qui s’appelle Morgane, produira de l’ordre d’un mégawatt d’électricité, du gaz naturel composé à 65% de méthane, et de l’eau chaude pour le chauffage, ainsi que des engrais et des fongicides naturels pour l’agriculture.

Voilà une bonne nouvelle, qui ne doit pas faire oublier toutefois que les algues vertes sont indésirables. Espérons que ce prototype permettra aussi de tester différentes formules de production d’énergies renouvelables, à partir de composants différents. Il serait dommage qu’une technologie qui semble prometteuse soit dépendante d’une matière première aussi contestable que l’algue verte. D’une part parce que il faudrait bien exploiter les déchets agricoles ailleurs qu’en Bretagne, et d’autre part parce que, en Bretagne, il faudrait bien éliminer les causes qui produisent les algues vertes. Faire du mal un bien, parfait, si ça ne rend pas dépendant du mal. Un des premiers développements à imaginer serait d’envoyer directement les lisiers dans ce digesteur, au lieu de les laisser filer dans le milieu, polluer les eaux de surface et souterraines pour finir sous la forme d’algues envahissantes et nauséabondes, avant de revenir à la case départ. D’autant que pour les récolter, il faut des engins et de l’énergie, à décompter du bilan final. Il semble que cette évolution, celle de la récupération directe des lisiers plutôt que des algues, soit aussi à l’étude, tous les espoirs sont donc permis.

Nous demandons aujourd’hui à l’agriculture de fournir de la nourriture, des vêtements, des matières premières de toutes sortes, et de l’énergie, tout ça en respectant les milieux et le paysage. Beau challenge qui bouleverse les professions et les techniques traditionnelles. Il y a le retour au passé, souvent évoqué avec nostalgie, il y a aussi une vision plus moderne de l’évolution d’une profession dont les consommations et les rejets ont fortement dégradé le bilan tout compris d’une production mesurée exclusivement en quintaux ou en hectolitres. Transformer ces rejets pour réduire les consommations et produire de l’énergie offre une voie de progrès bien séduisante. Longue vie, donc, à ces nouvelles techniques, à ces jeunes entreprises innovantes qui mettent la chimie au service de la nature, et non l’inverse comme on l’a vu trop souvent.

la fabrication d’hydrogène par les termites. Autre exemple de progrès conjuguant chimie et biologie : la fabrication d’hydrogène par les termites. Ces petites bêtes ont un tube digestif très performant, habité d’une faune microbienne fort habile. L’intestin des termites est minuscule mais fonctionne comme un bioréacteur d’une efficacité étonnante, affirme Andreas Brune, de l’institut Max Planck pour la microbiologie terrestre à Marburg (Allemagne) dans le numéro de novembre de la revue Nature. Après les algues vertes et les lisiers qui deviennent des sources d’énergie, voilà les termites qui se transforment en centrales biologiques, fournissant de l’énergie et des matières premières à partir de fibres de bois. C’est un nouveau monde qui naît sous nos yeux, des solutions inédites qui émergent des laboratoires et qui vont prendre la relève de nos solutions datées d’une époque ou la pollution était considérée comme l’indice d’une bonne santé des entreprises. Le développement durable est en marche.

[1] Voir la chronique Gaz, du 25/09/2006 et n°27 dans Coup de shampoing sur le développement durable (www.ibispress.com)
[2] www.olmix.com

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Dominique Bidou

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