Bonus

Le Bonus est aujourd’hui devenu écologique. C’est un argument de vente pour des voitures, comme chacun d’entre nous peut le voir chaque jour à la télévision. Nous sommes en plein paradoxe, car nous savons bien que la profusion des voitures, même propres, ne peut être écologique. Cela d’autant plus que les voitures qui bénéficient du Bonus sont de petits modèles conçus pour la ville, ou d’autres modes de mobilité sont bien préférables.

On peut se réjouir que les constructeurs fassent leur publicité en vantant des qualités d’économie, ça contribue à la prise de conscience, et à chaque fois que l’on remplace une voiture ancienne par une moderne, il y a des gains en termes d’effet de serre, de bruit, de pollution de proximité, de sécurité. Il ne faudrait pas que cela diffuse une idée fausse, à savoir qu’il n’y a plus de problèmes environnementaux avec la voiture individuelle. Ils sont sans doute réduits, à puissance égale, mais nous devons adopter une trajectoire exigeante, celle du facteur 4 (diviser par 4 nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050), ce qui doit nous conduire à une révision en profondeur de nos modes de vie, de déplacement et de production. Ce n’est pas le moment d’inoculer le virus de l’automobile aux pays émergents, ce que font les mêmes constructeurs qui, en France, prônent la voiture écologique. Il y a d’autres manières d’assurer la liberté de circuler, bien plus économes à tous égards, y compris pour la planète.

Le Bonus a donc été institué en France, avec le malus, pour favoriser la vente de voitures propres. On aurait pu imaginer bien d’autres solutions. Par exemple, de considérer les grosses cylindrées comme des voitures de luxe, avec une TVA en conséquence. Il y a bien eu des projets visant les 4×4, mais ce n’est pas le mode de traction qui est en cause, mais bien la consommation, et il faut se préoccuper de l’adéquation du mode de déplacement avec son utilité. TVA luxe pour les grosses cylindrées, parce que c’est du luxe, sauf si son utilisateur peut en justifier l’achat pour raisons personnelle ou professionnelle, du type famille nombreuse ou médecin de campagne. On a vu dans le bâtiment qu’il n’était pas si compliqué de différencier les travaux et le montant de la TVA dont ils sont affectés.

Les formules Bonus-Malus ou modulation de TVA ont un défaut : elles s’appliquent sur la possession du véhicule, et ne tiennent pas compte de son usage, dont dépend largement sa contribution à l’effet de serre. Peut-on, au moment où nos amis londoniens modulent finement les péages urbains, intégrer un paramètre usage[1] dans le calcul d’une cotisation ?

Les ordinateurs de bord, dont sont pourvues toutes les voitures récentes, ne pourraient-ils pas enregistrer les données utiles pour proportionner une taxe aux émissions réelles de C02, à partir de données sur le kilométrage et les consommations réelles ? Le contrôle technique obligatoire donne l’occasion de relever ces informations, qui seraient protégées pour éviter toute fraude. Cela éviterait par exemple, qu’une voiture automatique[2] ne soit plus taxée que son équivalente à changement de vitesse manuelle. Plus gourmande sur le papier, nous savons que les voitures automatiques sont conduites avec plus de souplesse et de sérénité, et que leurs consommations réelles sont inferieures à celles de leurs sœurs manuelles.

Prolongeons notre raisonnement. L’usage ne se mesure pas qu’en nombre de km, il faut introduire le nombre de personnes transportées. Il vaut mieux une grosse voiture pleine que plusieurs petites, même propres, mais sans passagers. Cette manière de procéder a déjà été envisagée pour réduire les péages sur des autoroutes en fonction du taux de remplissage des voitures. Si le covoiturage[3] doit être développé, il ne faut pas dissuader de l’achat de voitures qui le permette. On pense notamment aux zones péri urbaines où la densité de population ne permet guère l’implantation de transports en commun. A l’ère de l’informatique, du GPS et des satellites, des formules modernes de covoiturage offriront sans doute une partie de la réponse à la question de la mobilité dans ces quartiers peu denses, loin à la fois des services quotidiens et de tous les axes lourds de transport collectifs. Les réflexions sur les quartiers[4] durables nous éloigneraient sans doute, aujourd’hui, de cette forme de développement urbain, mais ils existent bel et bien, et le principe de réalité nous conduit à les prendre en considération comme les autres. Des transports semi-collectifs, mêlant du public et du privé, du taxi collectif et du particulier partagé, sont à prévoir pour les désenclaver au moindre coût écologique et économique. Que devient le Bonus dans ces conditions ?

L’idée d’un Bonus favorisant les comportements vertueux est assurément intéressante, mais fallait-il la plaquer sur la propriété plutôt que sur l’usage ? Le développement durable nous conduit à faire référence à l’utilité des choses, et à veiller à ce que l’on parvienne au maximum d’utilité pour un minimum de consommation de ressources et de rejet dans l’environnement. Le Bonus a encore du chemin à parcourir pour intégrer la qualité d’usage, bien au-delà de la simple propriété.

Notes :

[1] Usage, chronique du 23/04/2007
[2] Automatique, chronique du 22/02/2006
[3] Voir à ce sujet la chronique Exception, du 26/11/2007
[4] Quartier, chronique du 19/07/2007

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Dominique Bidou

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