L’industrie américaine se trouve au cœur d’une transformation majeure visant à réduire son empreinte carbone. Une équipe de chercheurs de Stanford Engineering propose une solution novatrice pour relever ce défi environnemental de taille.
Les processus industriels aux États-Unis sont responsables d’environ un tiers des émissions de dioxyde de carbone du pays, surpassant les émissions annuelles combinées des véhicules particuliers, des camions et des avions. La décarbonation de ce secteur représente une étape importante dans l’atténuation des impacts sur le climat futur.
Une équipe de chercheurs de Stanford Engineering a conçu et démontré l’efficacité d’un nouveau type de réacteur thermochimique. Cet appareil est capable de générer les quantités colossales de chaleur nécessaires à de nombreux processus industriels en utilisant l’électricité plutôt que la combustion de combustibles fossiles. La conception, publiée le 19 août dans la revue Joule, se distingue également par sa taille réduite, son coût moindre et son efficacité supérieure par rapport aux technologies fossiles existantes.
Jonathan Fan, professeur associé de génie électrique à Stanford et auteur principal de l’étude, a indiqué : «Nous avons développé une infrastructure de réacteur électrifiée et évolutive pour les processus thermochimiques, caractérisée par des propriétés de chauffage et de transfert de chaleur idéales. En substance, nous poussons les performances du réacteur à ses limites physiques, en utilisant de l’électricité verte comme source d’énergie.»
Le chauffage par induction : une innovation majeure
La majorité des réacteurs thermochimiques standard fonctionnent en brûlant des combustibles fossiles pour chauffer un fluide, qui circule ensuite dans les tuyaux du réacteur. Ce processus, comparable à une chaudière alimentant des radiateurs en fonte dans une ancienne maison, mais avec une meilleure isolation et des températures beaucoup plus élevées, nécessite une infrastructure conséquente et présente de nombreuses opportunités de perte de chaleur.
Le nouveau réacteur électrifié utilise l’induction magnétique pour générer de la chaleur, un procédé similaire à celui des plaques de cuisson à induction. Au lieu de transporter la chaleur par des tuyaux, le chauffage par induction crée de la chaleur à l’intérieur même du réacteur, en tirant parti des interactions entre les courants électriques et les champs magnétiques.
L’adaptation du chauffage par induction à l’industrie chimique ne se résume pas à une simple augmentation de la température. Les réacteurs industriels doivent créer et distribuer uniformément la chaleur dans un espace tridimensionnel et être beaucoup plus efficaces qu’une plaque de cuisson moyenne. Les chercheurs ont déterminé qu’ils pouvaient maximiser leur efficacité en utilisant des courants à très haute fréquence, qui alternent très rapidement, en conjonction avec des matériaux de réacteur particulièrement mauvais conducteurs d’électricité.
Une conception innovante pour une efficacité maximale
L’équipe de recherche a utilisé de nouveaux composants électroniques à haute efficacité développés par Juan Rivas-Davila, professeur associé de génie électrique et co-auteur de l’étude, pour produire les courants requis. Ces courants ont ensuite été utilisés pour chauffer par induction une structure en treillis tridimensionnel fabriquée à partir d’un matériau céramique peu conducteur au cœur du réacteur.
La structure en treillis joue un rôle tout aussi important que le matériau lui-même, selon Fan. Les vides du treillis abaissent artificiellement la conductivité électrique et peuvent être remplis de catalyseurs, les matériaux qui doivent être chauffés pour initier les réactions chimiques. Cette configuration permet un transfert de chaleur encore plus efficace et signifie que le réacteur électrifié peut être beaucoup plus petit que les réacteurs traditionnels à combustibles fossiles.
«Vous chauffez une structure à grande surface qui est juste à côté du catalyseur, donc la chaleur générée atteint très rapidement le catalyseur pour stimuler les réactions chimiques. De plus, cela simplifie tout. Vous ne transférez pas la chaleur d’un autre endroit en en perdant une partie en cours de route, vous n’avez pas de tuyaux entrant et sortant du réacteur – vous pouvez l’isoler complètement. C’est idéal du point de vue de la gestion de l’énergie et des coûts.» a encore ajouté Jonathan Fan.
Des applications concrètes et prometteuses
Les chercheurs ont utilisé le réacteur pour alimenter une réaction chimique appelée réaction inverse de gaz à l’eau, en utilisant un nouveau catalyseur durable développé par Matthew Kanan, professeur de chimie à Stanford et co-auteur de l’étude. Cette réaction, qui nécessite une chaleur élevée, peut transformer le dioxyde de carbone capturé en un gaz précieux utilisable pour créer des carburants durables.
Dans la démonstration de faisabilité, le réacteur a atteint une efficacité supérieure à 85%, indiquant qu’il a converti presque toute l’énergie électrique en chaleur utilisable. Le réacteur a également démontré des conditions idéales pour faciliter la réaction chimique – le dioxyde de carbone a été converti en gaz utilisable au taux théoriquement prévu, ce qui n’est souvent pas le cas avec les nouvelles conceptions de réacteurs.
Fan et ses collègues travaillent déjà à l’adaptation de leur nouvelle technologie de réacteur et à l’élargissement de ses applications potentielles. Ils adaptent les mêmes idées pour concevoir des réacteurs destinés à la capture du dioxyde de carbone et à la fabrication de ciment, et collaborent avec des partenaires industriels des secteurs pétrolier et gazier pour comprendre les besoins de ces entreprises en vue de l’adoption de cette technologie.
Le Professeur Fan a conclu : «L’électrification nous offre l’opportunité de réinventer l’infrastructure, en surmontant les goulots d’étranglement existants et en réduisant et simplifiant ces types de réacteurs, en plus de les décarboner. La décarbonation industrielle nécessitera de nouvelles approches au niveau des systèmes, et je pense que nous ne sommes qu’au début de cette aventure.»
Légende illustration : le réacteur à métamatériaux chauffé par induction avec des catalyseurs remplissant le déflecteur en mousse céramique. Il produit du monoxyde de carbone et de l’eau à partir de la réaction inverse de déplacement des gaz de l’eau. Crédit : Dolly Mantle
Article : ‘Electrified thermochemical reaction systems with high-frequency metamaterial reactors’ / ( 10.1016/j.joule.2024.07.017 )
Stanford University – Publication dans la revue Joule / 19-Aug-2024