Des scientifiques japonais ont réussi à obtenir une image plus complète de la façon dont les molécules d’eau excitées à l’interface avec l’air perdent leur énergie. Cette découverte sera précieuse pour mieux comprendre les processus qui se produisent à la surface de l’eau, un domaine encore mal connu malgré l’omniprésence de cette substance dans notre environnement.
L’eau est une substance aux propriétés étonnantes. Son point de congélation et son point d’ébullition sont beaucoup plus élevés que ce à quoi on pourrait s’attendre, et elle est moins dense à l’état solide (glace) qu’à l’état liquide. Ces caractéristiques inhabituelles s’expliquent par les liaisons hydrogène, des liaisons faibles qui se forment et se brisent en permanence entre les molécules d’eau voisines.
Ces liaisons hydrogène résultent de l’attraction de l’oxygène, légèrement négatif, d’une molécule vers les hydrogènes, légèrement positifs, des autres molécules. Cependant, une infime partie des molécules d’eau, celles situées à la surface, expérimentent ces liaisons différemment : leur «bras» orienté vers l’air ne forme pas de liaison hydrogène.
Un défi scientifique de taille
Jusqu’à présent, personne n’avait réussi à découvrir comment les bras de ces molécules de surface se relaxent après avoir été étirés. Isoler le signal de ces molécules représente en effet un défi technique considérable, comme l’explique Tahei Tahara du Laboratoire de spectroscopie moléculaire de RIKEN :
«Nous avons une bonne connaissance du comportement des molécules d’eau à l’intérieur du liquide, mais notre compréhension des molécules d’eau à l’interface est très en retard.»
Une technique de pointe pour sonder l’interface
Au cours de la dernière décennie, l’équipe de Tahei Tahara a développé des techniques de spectroscopie ultra-sophistiquées pour étudier les interactions des molécules d’eau aux surfaces. Ils viennent de mettre au point une méthode basée sur la spectroscopie infrarouge, suffisamment sensible pour détecter la relaxation des liaisons oxygène-hydrogène des molécules d’eau de surface.
Grâce à cette technique, les chercheurs ont découvert que les liaisons oxygène-hydrogène orientées vers l’air tournent d’abord sans perdre d’énergie. Elles se relaxent ensuite de manière similaire aux molécules à l’intérieur du liquide qui forment un réseau de liaisons hydrogène.
Tahei Tahara précise : «En ce sens, il n’y a pas de grande différence entre les molécules à l’interface et à l’intérieur du liquide après interaction avec leurs voisines – elles partagent toutes le même processus de relaxation.»
Vers une meilleure compréhension des réactions à l’interface
Ces résultats dressent un tableau complet de la façon dont l’étirement des liaisons oxygène-hydrogène se relaxe à la surface de l’eau.
L’équipe de RIKEN compte maintenant utiliser sa technique spectroscopique pour étudier les réactions chimiques qui se produisent à l’interface de l’eau, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles avancées dans ce domaine fascinant.
Sung, W., Inoue, K., Nihonyanagi, S. & Tahara, T. Unified picture of vibrational relaxation of OH stretch at the air/water interface. Nature Communications 15, 1258 (2024). doi: 10.1038/s41467-024-45388-8