Des bactéries pour améliorer la récupération du pétrole

Les méthodes classiques d’extraction du pétrole ne permettant de récupérer que 30% en moyenne des réserves présentes dans les gisements, des procédés complémentaires ont été développés pour accroître ces taux.

La société de conseil Alcimed revient sur l’une de ces techniques prometteuses : l’utilisation de micro-organismes. Expérimentée dès les années 1920, cette méthode connaît un regain d’intérêt en raison de la convergence de plusieurs facteurs : le prix élevé du pétrole, la faible quantité de nouveaux gisements, les avancées de la biotechnologie moderne, et les travaux récents pour mieux connaître les micro-organismes vivant dans les gisements pétroliers.

L’un des principaux enjeux actuel des compagnies pétrolières réside dans l’augmentation du taux de récupération du pétrole : "En effet, si on augmentait de 5% le taux de récupération actuel, cela reviendrait à récupérer l’équivalent de notre consommation actuelle pendant 20 ans !", commente Vanessa GODEFROY, responsable de l’activité Energie d’Alcimed.

A ce jour, trois niveaux de récupération sont pratiqués : La méthode classique, dite primaire, consiste à récupérer « passivement » une partie du pétrole grâce à la pression élevée existant dans le gisement. Au fil de la production, la pression du gisement diminue et devient insuffisante, il convient alors de stimuler la production. Les pétroliers ont ainsi mis au point différentes techniques d’extraction assistée du pétrole. Les méthodes de récupération dites secondaires consistent à modifier la pression de fond en injectant du gaz (« gaz lift »), de l’eau, ou en utilisant des pompes immergées en fond de puits. Mais le taux moyen de récupération du pétrole avec les méthodes traditionnelles est estimé à 30%. Des voies plus complexes de récupération dites « tertiaires » (EOR, ou Enhanced Oil Recovery) existent, même si leur utilisation n’est pas systématisée du fait de leur coût élevé. Elles visent à jouer sur la viscosité des fluides ou à améliorer la diffusion au sein du gisement en injectant du CO2, de la vapeur, des surfactants ou des polymères dans les réservoirs.

Jusqu’à récemment, les méthodes les plus complexes n’étaient économiquement pas viables. Les cours élevés du pétrole ces dernières années et le fait que 70% de la production mondiale du pétrole viennent des champs matures ont partiellement changé la donne. Plusieurs méthodes qui avaient été développées durant les chocs pétroliers des années 70 redeviennent en effet intéressantes lorsque le prix du baril atteint 60-70 dollars.

Parmi les types de récupération tertiaires, une méthode particulièrement exotique connaît un regain d’intérêt : la récupération assistée du pétrole par procédé microbien. Des micro-organismes (le plus souvent des bactéries) sont injectés dans les puits avec des nutriments pour leur faire synthétiser des composés chimiques in situ, et ainsi faciliter la récupération du pétrole. Avec l’essor de la biotechnologie moderne et des méthodes de modification génétique, il est devenu possible d’améliorer cette technique, en modifiant des souches bactériennes pour leur faire produire des surfactants ou des polymères plus adéquats ou en plus grande quantité. La principale difficulté de l’injection microbienne reste cependant la survie des bactéries dans les réservoirs du fait d’un environnement particulièrement hostile (haute salinité, température et pression).

Ce problème pourrait être surmonté avec les récents travaux sur des micro-organismes vivants dans les gisements. Ceux-ci pourraient en effet être modifiés génétiquement afin de produire des composés désirés ou faire du « raffinage in situ ».

Parmi les pétroliers, le groupe BP semble particulièrement actif dans le sujet. Il est ainsi l’un des partenaires fondateurs du Energy Biosciences Institute (aux côtés de l’Université de Californie, Berkeley), qui outre les biocarburants, étudie également la récupération assistée du pétrole par injection microbienne. BP a également signé un partenariat avec Synthetic Genomics (société fondée par le célèbre scientifique Craig Venter), pour commencer à cultiver et caractériser les différentes bactéries présentes dans les gisements pétroliers.

« Dans les années à venir, la biotechnologie permettra de créer des biocarburants plus avancés et ainsi de diminuer la dépendance au pétrole. Paradoxalement, elle pourra également contribuer à récupérer les derniers barils ! », conclut Santiago MORALES, consultant au sein de l’activité Energie d’Alcimed.

         

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Archer

Une autre methode de récupération tertiaire existe (et a déjà été testée avec succès sur plusiers champs) : la combustion in situ. Il s’agit de démarrer une combustion dans un puit et d’y injecter de façon continue de l’air à une pression supérieure à celle du réservoir. On va ainsi bruler les molécules les plus lourdes (donc les moins intéressantes et les moins mobiles) ce qui permet de déplacer les molécules les plus mobiles (qui ne sont d’ailleurs pas forcément très légères…). Un front de combustion va balayer tout le réservoir en chassant le pétrole devant lui (par le dégagement de chaleur, d’eau et de CO2 qu’il produit), il suffit alors d’utiliser les autres puits du gisement pour le récupérer. Cette méthode permet des taux de récupération de plus de 80%, bien supérieurs à ce que la dégradation microbienne permet. Elle est pour l’instant très peu utilisée car peu d’opérateurs sont capables de la mettre en oeuvre. Les principales difficultés se situent au niveau : -du coût (installation et maintenance) des compresseurs utilisés pour injecter l’air. -du controle rigoureux des mesures de pression, température, débit de chaque puit pour situer le front de combustion afin de pouvoir protéger les puits à son approche. -de l’allumage (assez difficile à réaliser), la température à obtenir devant être très importante et tout retour de flamme devant être évité. -du dimensionnement de l’installation de compression d’air (il faut être capable d’injecter un débit d’air suffisamment important pour maintenir la combustion).

Guydegif(91)

La remarque d’Archer est pertinente…mais la techno qu’il décrit était déjà un sujet réel mais chaud à mon époque chez Schlum Pétrole càd avant 1986….! Et elle est loin d’être mise en application souvent….. Donc d’ici qu’elle soit abordable pour tous les cas, on peut très bien explorer d’autres techniques…bactéries oléovores ou autres…                              C’est comme pour les EnR, il faut viser le ”Bouquet de Solutions” plutôt que LA solution unique…comme ça on peut, selon les cas de figure et de budget, privilégier l’une ou l’autre des solutions…. That’it !! A+ Salutations Guydegif(91)