Comment la science des matériaux s’adapte-t-elle aux besoins des technologies de plus en plus miniaturisées ? La réponse réside dans l’exploration des phénomènes plasmoniques, qui offrent de nouvelles méthodes pour manipuler la lumière à l’échelle nanométrique. Les recherches récentes démontrent comment des techniques innovantes permettent d’étudier ces phénomènes avec une précision inégalée, promettant ainsi des avancées dans divers domaines technologiques.
Les plasmons constituent des oscillations collectives des électrons dans un matériau solide. Leur utilisation s’étend à de nombreuses applications, parmi lesquelles la détection, la catalyse et la récupération de la lumière. Les ondes plasmoniques, qui se propagent à la surface d’un métal, désignées par le terme polaritons de plasmon de surface, ont été largement étudiées pour leur capacité à renforcer les champs électromagnétiques.
Une méthode particulièrement efficace pour l’étude de ces ondes est la microscopie électronique à résolution temporelle. Cette technique utilise des impulsions laser ultracourtes pour observer le comportement des ondes plasmoniques. Une équipe internationale de recherche a récemment exploré les limites de cette approche.
Des techniques innovantes de mesure
Selon un article publié dans Advanced Photonics, les chercheurs ont employé plusieurs impulsions laser retardées dans le temps, avec quatre polarisations différentes, pour capturer l’intégralité du champ électrique de ces ondes. Cette méthode leur a permis d’atteindre un niveau de précision jusqu’alors inédit. Pour tester leur technique, l’équipe s’est penchée sur une texture de spin spécifique, connue sous le nom de paire de meron. Un meron est une structure topologique où la direction de la texture de spin ne couvre que la moitié d’une sphère, ce qui le distingue des structures similaires comme les skyrmions, dont le spin couvre toute la sphère.
Pour reconstruire la texture de spin à partir de leurs expériences, les chercheurs ont eu besoin des vecteurs de champ électrique et magnétique des polaritons de plasmon de surface. Les vecteurs de champ électrique ont été mesurés directement, tandis que les vecteurs de champ magnétique ont été calculés à partir du comportement du champ électrique dans le temps et l’espace. Grâce à leur méthode précise, ils ont pu reconstruire la texture de spin et déterminer ses propriétés topologiques, comme le nombre de Chern, qui décrit le nombre de fois que la texture de spin se projette sur une sphère. Dans ce cas, le nombre de Chern a été estimé à un, signalant la présence d’une paire de meron.
Des implications à l’échelle nanométrique
L’étude a également montré que la texture de spin reste stable durant toute la durée de l’impulsion plasmonique, malgré la rapide rotation des vecteurs de champ électrique et magnétique. Cette nouvelle approche n’est pas limitée aux paires de meron mais peut s’appliquer à d’autres champs complexes de polaritons de plasmon de surface. Comprendre ces champs et leurs propriétés topologiques est essentiel, surtout à l’échelle nanométrique, où la protection topologique peut contribuer à la stabilité des matériaux et des dispositifs.
Cette recherche démontre qu’il est désormais possible d’étudier les textures de spin complexes avec une grande précision sur des échelles de temps très courtes. La capacité à reconstruire fidèlement les champs électriques et magnétiques complets des polaritons de plasmon de surface ouvre de nouvelles possibilités pour l’exploration des propriétés topologiques des champs électromagnétiques proches, ce qui pourrait avoir des implications importantes pour les technologies futures à l’échelle nanométrique.
Légende illustration : Vecteurs de spin d’une paire de méroons. Contrairement aux champs électriques et magnétiques en oscillation rapide du polariton plasmonique de surface sous-jacent à cette texture de spin, la texture elle-même est stable dans le temps pendant toute la durée de l’impulsion plasmonique. La séparation horizontale des deux maxima (rouges) correspond approximativement à la moitié de la longueur d’onde du polariton plasmonique de surface (390 nm). Crédit : P. Dreher et al, doi 10.1117/1.AP.6.6.066007
Pour plus de détails, voir l’article original en libre accès de P. Dreher et al, « Spatiotemporal topology of plasmonic spin meron pairs revealed by polarimetric photo-emission microscopy, » Adv. Photon. 6(6) 066007 (2024), doi : 10.1117/1.AP.6.6.066007