La pétrochimie règne depuis des décennies sur l’emballage et le textile grâce au polyéthylène téréphtalate (PET). Pourtant, sa résistance devient un fardeau lorsqu’il s’agit de limiter l’accumulation des déchets plastiques. Des ingénieurs de l’Université de Kobe au Japon ont peut-être trouvé la solution après avoir franchi une étape clé par la production via des bioréacteurs, d’un polymère baptisé PDCA à des concentrations sept fois plus importantes que les meilleurs résultats précédents.
La plupart des plastiques « verts » misent sur des molécules ne contenant que carbone, oxygène et hydrogène. L’équipe dirigée par Tanaka Tsutomu, spécialiste de bio-ingénierie, a choisi d’y adjoindre l’azote pour conférer au polymère des propriétés mécaniques équivalentes — voire supérieures — à celles du PET, tout en restant biodégradable. « Aucune voie biologique efficace n’existait pour assembler de tels composés sans sous-produits indésirables », observe Tanaka.
Le PDCA (pyridinedicarboxylic acid) est un polymère biodégradable qui possède des propriétés physiques intéressantes. L’équipe de bioingénieurs a conçu une bactérie E. coli capable de produire le composé à partir du glucose à des niveaux sans précédent et sans sous-produits, ouvrant ainsi un champ de possibilités pour l’avenir de la bio-ingénierie.
Le groupe a du profondément reprogrammé Escherichia coli afin que la bactérie assimile l’azote et construise, étapes après étapes, la molécule cible à partir de glucose. L’approche, inspirée du métabolisme naturel mais strictement orientée vers ce produit, contourne les procédés chimiques classiques lourdement générateurs de déchets.

Le goulot d’étranglement du peroxyde d’hydrogène
Au cours du développement, les chercheurs ont rencontré un obstacle délicat : l’une des enzymes insérées dans le micro-organisme générait du peroxyde d’hydrogène (H₂O₂). « Le composé attaquait aussitôt l’enzyme responsable de sa formation, bloquant toute la chaîne », relate l’équipe.
La solution ? L’ajout d’un capteur de H₂O₂ dans le milieu de culture pour neutraliser ce contaminant réactif. Si l’astuce permet un bond de productivité, elle introduit de nouvelles contraintes économiques et logistiques lorsqu’il s’agira de transposer le procédé à l’échelle industrielle.
Des rendements inédits
Les résultats publiés dans Metabolic Engineering démontrent une concentration record de PDCA, sans accumulation mesurable de sous-produits. Pour Tanaka, la portée de la découverte dépasse la seule fabrication d’un plastique alternatif : « Montrer qu’il est possible d’intégrer l’azote par des réactions métaboliques propres ouvre un champ plus vaste à la bio-manufacture ».
Outre le caractère biodégradable, le PDCA dévoile déjà des performances physiques compatibles avec les usages gourmands du PET ( bouteilles, fibres textiles et emballages ) un atout pour séduire industriels et législateurs en quête de solutions durables.
Les prochaines étapes
- Optimisation de la souche
Affiner l’expression des enzymes afin de limiter, voire supprimer, l’apparition de H₂O₂ et se passer de l’additif neutralisant. - Scale-up industriel
Adapter la fermentation à grande cuve, avec contrôle rigoureux de l’oxygénation et des flux métaboliques, condition sine qua non pour réduire le coût au kilogramme. - Analyse du cycle de vie
Quantifier les gains environnementaux réels : utilisation d’eau, empreinte carbone, énergie consommée lors de la mise en forme du polymère. - Tests d’usage
Vérifier la compatibilité du PDCA avec les chaînes de recyclage existantes et mesurer sa biodégradation en conditions naturelles.
Un signal pour la filière plastique
En inscrivant l’azote dans la matrice des bioplastiques, l’Université de Kobe élargit le spectre des matériaux disponibles. Reste à convaincre fabricants et distributeurs de parier sur ce composé encore peu connu. Les financements déjà mobilisés auprès de la Japan Society for the Promotion of Science et de la Japan Science and Technology Agency témoignent d’un soutien institutionnel solide.
La route vers une production de masse n’est pas dénuée d’obstacles ( ex : points réglementaires, économiques et techniques ) mais le jalon posé par Tanaka et ses collègues montre qu’un plastique performant, issu du vivant et promis à une décomposition naturelle, n’appartient plus seulement au laboratoire.
A. Katano et al.: Biosynthesis of 2,5-pyridinedicarboxylate from glucose via p-aminobenzoic acid in Escherichia coli. Metabolic Engineering (2025). DOI: 10.1016/j.ymben.2025.08.011
Source : Kobe U.