Des astronomes ont capturé pour la première fois des images détaillées d’une étoile autre que le Soleil, révélant le mouvement de bulles de gaz à sa surface. La découverte offre un aperçu fascinant de l’évolution stellaire et pourrait aider à comprendre le futur de notre propre Soleil.
Une équipe internationale d’astronomes a réalisé une prouesse technique en observant R Doradus, une étoile géante rouge située à environ 180 années-lumière de la Terre. Grâce au réseau de télescopes ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) au Chili, ils ont pu suivre le mouvement de gigantesques bulles de gaz chaud à la surface de l’étoile.
Les images obtenues montrent des bulles de gaz 75 fois plus grandes que le Soleil, apparaissant à la surface de R Doradus puis plongeant dans son intérieur. Le processus, appelé convection, joue un rôle essentiel dans le transport de l’énergie et des éléments chimiques au sein des étoiles.
Wouter Vlemmings, professeur à l’Université de technologie Chalmers en Suède et auteur principal de l’étude, déclare : «C’est la première fois que la surface bouillonnante d’une vraie étoile peut être montrée de manière aussi détaillée.»
R Doradus est particulièrement intéressante car sa masse est similaire à celle du Soleil. Elle représente donc un modèle de l’apparence de notre étoile dans environ 5 milliards d’années, lorsqu’elle deviendra une géante rouge. Theo Khouri, chercheur à Chalmers et co-auteur de l’étude, précise : «Avec ALMA, nous avons pu non seulement voir directement des granules convectifs, mais aussi mesurer leur vitesse de déplacement pour la première fois.»
Les observations ont révélé que les granules à la surface de R Doradus se déplacent sur un cycle d’un mois, ce qui est plus rapide que les prévisions des scientifiques basées sur le fonctionnement de la convection dans le Soleil. Le Pr. Vlemmings ajoute : «Nous ne connaissons pas encore la raison de la différence. Il semble que la convection change à mesure qu’une étoile vieillit, d’une manière que nous ne comprenons pas encore.»
L’avancée obtenue permettrait de nouvelles observations d’étoiles lointaines. Behzad Bojnodi Arbab, doctorant à Chalmers impliqué dans l’étude, envisage déjà l’utilisation de futurs télescopes comme ceux de l’Observatoire SKA en Afrique du Sud et en Australie.
Il indique : «Avec les télescopes SKA, nous pourrons obtenir des observations à haute résolution de l’atmosphère supérieure de R Doradus. Nous voulons voir quelque chose que nous n’avons pas encore pu observer : comment les bulles de l’étoile pourraient contribuer à créer son vent poussiéreux.»
Les observations de R Doradus permettent aux astronomes de mieux comprendre les processus physiques à l’œuvre dans les étoiles âgées. Elles fournissent des informations précieuses sur la façon dont les éléments chimiques sont transportés à travers les étoiles et dispersés dans l’espace, contribuant ainsi à la formation de nouvelles étoiles et planètes.
En observant directement les phénomènes sur une étoile autre que le Soleil, les scientifiques peuvent affiner leurs modèles d’évolution stellaire et améliorer notre compréhension du cycle de vie des étoiles.
Behzad Bojnordi Arbab souligne l’importance de l’étude : «Il est spectaculaire que nous puissions maintenant directement imager les détails à la surface d’étoiles si éloignées, et observer une physique qui jusqu’à présent n’était observable que dans notre Soleil.»
L’observation détaillée de R Doradus représente une avancée dans notre compréhension des étoiles géantes rouges. Elle offre un aperçu unique de l’avenir possible de notre Soleil et des processus complexes qui régissent l’évolution stellaire. À mesure que de nouveaux télescopes encore plus puissants entreront en service, notre connaissance de l’Univers et de la place qu’y occupe notre Soleil ne cessera de s’approfondir. Les futures observations promettent de révéler davantage de secrets sur la dynamique des étoiles et leur rôle dans l’écosystème cosmique.
* Les bulles de convection ont déjà été observées en détail à la surface des étoiles, notamment avec l’instrument PIONIER du Very Large Telescope Interferometer de l’ESO. Mais les nouvelles observations d’ALMA permettent de suivre le mouvement des bulles d’une manière qui n’était pas possible auparavant.
Légende illustration : Cette vue à grand champ, créée à partir d’images du Digitized Sky Survey 2, montre la région autour de R Doradus, l’étoile orange et brillante au centre. La surface de l’étoile a récemment été imagée en détail à l’aide de l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), dont l’ESO est partenaire. Crédit : ESO/Digitized Sky Survey 2. Remerciements : Davide De Martin
Cette recherche a été présentée dans un article intitulé « One month convection timescale on the surface of a giant evolved star » (échelle de temps de convection d’un mois à la surface d’une étoile géante évoluée) à paraître dans Nature (doi:10.1038/s41586-024-07836-9).
L’équipe de recherche est composée de W. Vlemmings (Chalmers University of Technology, Suède [Chalmers]), T. Khouri (Chalmers), B. Bojnordi (Chalmers), E. De Beck (Chalmers), et M. Maercker (Chalmers).
L’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), une installation astronomique internationale, est un partenariat entre l’ESO, la National Science Foundation (NSF) des États-Unis et les National Institutes of Natural Sciences (NINS) du Japon, en coopération avec la République du Chili.