La fusion nucléaire, une source d’énergie propre et quasi illimitée, représente un défi majeur pour l’humanité. Les scientifiques, à travers le monde, cherchent à maîtriser cette technologie. Les questions se posent : comment stabiliser le plasma pour qu’il ne soit pas seulement confiné mais aussi exploitable à grande échelle ? Quels sont les impacts des particules énergétiques sur ce confinement ?
La fusion nucléaire, processus par lequel l’énergie est produite dans les étoiles, utilise des réacteurs basés sur le concept du tokamak. Ce type de réacteur emploie des champs magnétiques pour confiner le plasma. Le confinement élevé est essentiel pour le développement de centrales électriques basées sur la fusion nucléaire. ITER, le plus grand tokamak en construction à Cadarache, en France, vise précisément cet objectif.
La Stabilité du bord du plasma
La stabilité du bord du plasma joue un rôle fondamental dans le confinement. Les instabilités bord, appelées « Modes Localisés de Bord (ELM) », sont comparables aux éruptions solaires au bord du Soleil. Dans les tokamaks actuels, ces ELMs entraînent des pertes significatives de particules et d’énergie, ce qui peut provoquer une érosion et des flux de chaleur excessifs sur les composants en contact avec le plasma, rendant ces pertes inacceptables pour les futurs dispositifs de plasma à combustion.
Les particules énergétiques (suprathermiques) sont une source importante de momentum et d’énergie, particulièrement dans les plasmas à combustion future. Elles doivent être bien confinées pour garantir une réaction de fusion auto-entretenue. Une collaboration internationale a étudié l’effet des ions énergétiques sur les ELMs. Les expériences ont eu lieu au tokamak ASDEX Upgrade, situé à l’Institut Max Planck pour la Physique des Plasmas à Garching, en Allemagne. Les simulations, elles, ont été réalisées avec un code hybride nommé MEGA, qui calcule l’interaction auto-cohérente entre les ELMs et les particules énergétiques.
La comparaison des résultats de modélisation avec les données expérimentales fournit une nouvelle compréhension physique des ELMs en présence de particules énergétiques. Les résultats indiquent que la structure spatio-temporelle des ELMs est largement affectée par la population de particules énergétiques, suggérant un mécanisme d’interaction par échange d’énergie résonant entre eux.
Les implications pour le contrôle des ELMs
Cette découverte aide à comprendre les similitudes frappantes entre les signatures expérimentales des ELMs observées par les diagnostics magnétiques et les détecteurs de perte d’ions rapides. Ce travail, réalisé dans le cadre du consortium européen de fusion EUROfusion, a été publié dans Nature Physics.
Jesús José Domínguez-Palacios Durán, l’auteur principal, a précisé : « Dans notre publication, nous démontrons que les effets cinétiques des ions énergétiques peuvent modifier la structure spatio-temporelle des modes localisés de bord. L’effet est analogue à un surfeur qui chevauche une vague. Le surfeur laisse des empreintes sur la vague en la traversant. Dans un plasma, la particule énergétique interagit avec l’onde MHD (l’ELM) et peut changer son motif spatio-temporel. Nos résultats peuvent avoir des implications importantes pour l’optimisation des techniques de contrôle des ELMs. Par exemple, nous pourrions utiliser les particules énergétiques comme actionneur actif dans le contrôle de ces ondes MHD. »
Cette recherche est pionnière par sa contribution à la compréhension détaillée de l’interaction entre les ions énergétiques et les ELMs. Les résultats suggèrent qu’une forte échange d’énergie et de momentum entre les ELMs et les ions énergétiques est à prévoir pour ITER.
Légende illustration : Visualisation 3D d’un ELM dans le tokamak ASDEX Upgrade tel que simulé avec le code MEGA. Le volume du tokamak est coloré en fonction de la structure de l’ELM. L’ELM interagit avec la particule énergétique dont l’orbite est représentée en vert. Crédit : J. Dominguez-Palacios et al., Nat. Phys. (2024),
Article : ‘Effect of energetic ions on edge-localized modes in tokamak plasmas’ / ( 10.1038/s41567-024-02715-6 ) – University of Seville – Publication dans la revue Nature Physics