L’informatique quantique représente un tournant dans l’évolution technologique, promettant de modifier radicalement la manière dont on traite des données complexes. Cependant, une barrière majeure subsiste : le besoin de refroidir les qubits à des températures extrêmement basses, proches du zéro absolu. Une équipe de chercheurs a peut-être trouvé une solution à ce problème technique avec un nouveau type de réfrigérateur quantique.
Les ordinateurs quantiques nécessitent un refroidissement extrême pour effectuer des calculs fiables. Les qubits, leurs éléments fondamentaux, doivent être maintenus à des températures proches du zéro absolu pour éviter les erreurs de calcul. Ce besoin de refroidissement intense a été un frein majeur à l’intégration de ces machines dans la société. Les chercheurs de l’Université de Technologie de Chalmers en Suède et de l’Université du Maryland aux États-Unis ont conçu un réfrigérateur innovant, capable de refroidir de manière autonome les qubits supraconducteurs à des températures record.
Les avantages des ordinateurs quantiques
Les ordinateurs quantiques possèdent un potentiel immense pour transformer des secteurs variés comme la médecine, l’énergie, le chiffrement, l’intelligence artificielle et la logistique. Contrairement aux bits des ordinateurs classiques qui enregistrent soit 0 soit 1, les qubits peuvent représenter simultanément les deux valeurs grâce à la superposition. Cette caractéristique permet aux ordinateurs quantiques d’effectuer des calculs en parallèle, augmentant ainsi leur puissance de traitement de manière exponentielle. Cependant, la durée pendant laquelle un ordinateur quantique peut effectuer des calculs est limitée par le temps nécessaire à la correction des erreurs.
« Les qubits, constituants de l’ordinateur quantique, sont extrêmement sensibles à leur environnement. Même une interférence électromagnétique très faible peut modifier aléatoirement la valeur du qubit, entraînant des erreurs et entravant le calcul quantique », a expliqué Aamir Ali, spécialiste de la recherche en technologie quantique à l’Université de Technologie de Chalmers.

Une réfrigération à des températures record
Actuellement, de nombreux ordinateurs quantiques utilisent des circuits électriques supraconducteurs pour minimiser la résistance et conserver l’information. Pour fonctionner sans erreurs sur des durées prolongées, les qubits doivent être refroidis à environ moins 273,15 degrés Celsius, soit zéro Kelvin, la température la plus basse théoriquement possible. Les systèmes de refroidissement actuels, appelés réfrigérateurs à dilution, amènent les qubits à environ 50 millikelvin au-dessus du zéro absolu. Cependant, selon les lois de la thermodynamique, atteindre le zéro absolu est impossible par un processus fini.
Les chercheurs ont développé un nouveau type de réfrigérateur quantique qui complète les réfrigérateurs à dilution et permet de refroidir les qubits supraconducteurs à des températures encore plus basses, soit 22 millikelvin, de manière autonome.
« Le réfrigérateur quantique repose sur des circuits supraconducteurs et est alimenté par la chaleur de l’environnement. Il peut refroidir le qubit cible à 22 millikelvin, sans contrôle externe. Cela ouvre la voie à des calculs quantiques plus fiables et moins sujets aux erreurs », a ajouté Aamir Ali, principal auteur de l’étude.

Le fonctionnement du réfrigérateur quantique
Le réfrigérateur utilise l’interaction entre différents qubits, notamment entre le qubit à refroidir et deux autres qubits servant au refroidissement. Un environnement chaud est créé à côté de l’un des qubits, servant de bain thermique chaud. Ce bain thermique transfère de l’énergie à l’un des qubits du réfrigérateur quantique, activant ainsi le système de refroidissement.
« L’énergie provenant de l’environnement thermique, canalisée à travers l’un des qubits du réfrigérateur quantique, extrait la chaleur du qubit cible vers le deuxième qubit du réfrigérateur, qui est froid. Ce dernier qubit est ensuite refroidi par un environnement froid, où la chaleur du qubit cible est finalement dissipée », a précisé Nicole Yunger Halpern, physicienne au NIST et professeure adjointe à l’Université du Maryland.
Le système fonctionne de manière autonome, sans nécessiter de contrôle externe, alimenté par la différence de température entre deux bains thermiques.
« Notre travail est probablement la première démonstration d’une machine thermique quantique autonome accomplissant une tâche utile. Initialement conçu comme une preuve de concept, nous avons été agréablement surpris par les performances de la machine, qui surpasse tous les protocoles de réinitialisation existants pour refroidir le qubit à des températures records », a conclu Simone Gasparinetti, professeur associé à l’Université de Technologie de Chalmers et co-auteur principal de l’étude.
Légende illustration : Le nouveau réfrigérateur quantique – l’objet carré au centre du qubit sur l’image – est basé sur des circuits supraconducteurs et alimenté par la chaleur de l’environnement. Il peut refroidir les qubits de manière autonome à des températures extrêmement basses, ouvrant ainsi la voie à des ordinateurs quantiques plus fiables. Le dispositif a été fabriqué dans le laboratoire de nanofabrication Myfab de l’université technologique de Chalmers, en Suède. Crédit:Chalmers University of Technology | Lovisa Håkansson
Article : ‘Thermally driven quantum refrigerator autonomously resets a superconducting qubit’ / ( 10.1038/s41567-024-02708-5 ) – Chalmers University of Technology – Publication dans la revue Nature Physics