Dans les espaces clos où les humains se rassemblent en nombre, le contrôle de l’humidité devient une question de confort et de bien-être. Les solutions traditionnelles, comme la ventilation mécanique, bien que fiables, s’avèrent coûteuses en énergie et peu écologiques. Une réponse innovante émerge de la recherche suisse, où des scientifiques ont développé un matériau capable de réguler naturellement l’humidité, promettant ainsi des environnements intérieurs plus agréables et durables.
Des chercheurs de l’ETH Zurich ont mis au point un revêtement pour murs et plafonds qui absorbe et stocke temporairement l’humidité. Ce matériau, conçu pour être utilisé dans des espaces très fréquentés, se compose de déchets minéraux et utilise la technologie d’impression 3D pour sa fabrication. Les espaces comme les salles de réunion, les expositions de musées ou encore les zones d’attente administratives pourraient bénéficier de cette innovation, améliorant ainsi l’atmosphère sans recourir à la ventilation forcée.
Le principe de l’économie circulaire appliqué à la construction
La recherche a privilégié l’utilisation de déchets de carrières de marbre, finement broyés, comme matière première. Un géopolymère, fabriqué à partir de métakaolin et d’une solution alcaline, sert de liant pour transformer cette poudre en composants solides capables de retenir l’humidité. Cette méthode non seulement réduit l’empreinte carbone par rapport aux procédés traditionnels de cimentation, mais elle illustre également une application pratique de l’économie circulaire.
Sous la direction de Benjamin Dillenburger, professeur des technologies de construction numérique, l’équipe a produit des prototypes de composants de 20 × 20 cm et d’une épaisseur de 4 cm. L’impression 3D, ou plus précisément la technologie de jet de liant, permet de créer des formes complexes avec précision, facilitant ainsi la production de pièces sur mesure. «Cette technique permet la fabrication efficace de composants dans une grande variété de formes,» a t-il indiqué.
Avantages en termes de confort et d’impact environnemental
Les tests menés par la physicienne du bâtiment, Magda Posani, ont démontré que ces composants pouvaient réduire significativement l’humidité dans des espaces très fréquentés. Dans une simulation, on a supposé que les murs et le plafond d’une salle de lecture dans une bibliothèque publique à Porto étaient recouverts de ces matériaux. Posani a calculé que, comparé à une peinture murale conventionnelle, l’index d’inconfort dû à une humidité excessive pourrait diminuer de 75% à 85% selon l’épaisseur des composants.
De plus, ces composants sont plus respectueux du climat que les systèmes de ventilation traditionnels sur un cycle de vie de 30 ans. Une comparaison a également été faite avec le plâtre d’argile, connu pour ses propriétés hygrorégulatrices, qui s’avère encore plus écologique mais avec une capacité de stockage de l’humidité moindre
Après cette preuve de concept, la technologie est prête pour un développement et une mise à l’échelle industrielle. Cependant, la recherche ne s’arrête pas là. En collaboration avec le Polytechnic de Turin et l’Université Aalto, l’ETH Zurich travaille à réduire encore plus les émissions de gaz à effet de serre de ces composants. La Suisse, visant la neutralité carbone d’ici 2050, a besoin de telles innovations pour que les bâtiments soient aussi durables que possible.

Légende illustration : Une équipe de chercheurs de l’ETH Zurich a mis au point un nouveau matériau liant l’humidité. Utilisé dans les murs et les plafonds, ce composant permet de réduire l’humidité à l’intérieur (photo : Pietro Odaglia / Josef Kuster).
Posani, M, Voney, V, Odaglia, P, Du, Y, Komkova, A, Brumaud, C, Dillenburger, B, Habert, G. Low-carbon indoor humidity regulation via 3D-printed superhygroscopic building components. Nature Communications, 10. Januar 2025. DOI: 10.1038/s41467-024-54944-1