Des chercheurs de l’EPFL ont développé un système qui collecte les données liées à la consommation d’énergie dans les bâtiments. Ces données pourraient être communiquées directement avec le réseau électrique, afin qu’il prenne de lui-même des décisions intelligentes quant à l’allocation des ressources.
Un réseau électrique qui décide de lui-même la meilleure allocation possible de l’énergie, selon la production disponible, son coût et les besoins des habitants. Ce concept énergétique se concrétise grâce aux chercheurs du Laboratoire d’électronique de la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur de l’EPFL, qui ont développé un dispositif capable de collecter les données individuelles informant sur notre consommation d’énergie et notre confort au sein d’un bâtiment. Ces informations sont émises par les objets connectés – smartphones ou simples capteurs insérés sur des appareils électriques – et donnent une image globale de nos besoins en électricité, aussi bien spatialement que temporellement. L’objectif sera d’utiliser ces mesures pour informer le réseau électrique de l’activité de chaque bâtiment, afin qu’il puisse anticiper nos besoins. Le réseau connaîtra ainsi les besoins en énergie, et pourra décider intelligemment de la meilleure allocation des ressources à disposition.
Du Smart Building individuel au Smart Building global
Aujourd’hui, des Smart Bulidings (SBs) disposent déjà de systèmes collectant les données et agissant sur différents appareils. Des dispositifs permettent par exemple d’allumer automatiquement les lumières lorsque votre présence est détectée dans une pièce, de réduire le chauffage lorsque vous quittez votre appartement, ou encore de lancer votre lessive ou la préparation de votre café à distance depuis votre smartphone. Mais ces interfaces fonctionnent au niveau individuel, en visant le confort ou une économie d’énergie pour l’utilisateur. Elles ne permettent pas d’obtenir une vue précise et globale des besoins en électricité d’un bâtiment, ni d’optimiser l’allocation des ressources en fonction de leur disponibilité ou leur coût. De plus, toutes ces applications sont déconnectées les unes des autres : l’une est lié à la sécurité, une autre au chauffage par exemple. L’interface développée par les chercheurs pourra récolter toutes les données émises et réunir tous les besoins individuels. Les résultats de cette recherche ont été publiés dans la revue Elsevier Automation in Construction.
Un programme générique pour communiquer avec tous les objets connectés.
Le programme développé par les chercheurs du Laboratoire d’électronique est capable de récolter les données provenant de n’importe quel capteur. « Il existe de très nombreux smartphones et objets connectés sur le marché, dans des domaines aussi variés que l’électroménager, les loisirs, la sécurité. Ils utilisent des capteurs et des technologies très différentes », explique George Lilis, qui a travaillé sur cette interface durant son doctorat.
« Notre solution doit permettre d’intégrer diverses technologies, pour que les objets soient interchangeables, quel que soit le protocole qu’ils utilisent. Ainsi, la gestion du bâtiment et du réseau peut fonctionner, quels que soient les objets utilisés ». Flexible, facilement adaptable et assurant la meilleure protection des données possible, ce dispositif pourrait être intégré dès maintenant à n’importe quel bâtiment. Le programme a été conçu pour être générique et le code informatique qu’il utilise est disponible en open source.
Objectif final : un réseau intelligent
Pour arriver à ces décisions intelligentes prises par le réseau, encore faut-il pouvoir lui communiquer ces informations et qu’il sache les utiliser. C’est l’étape sur laquelle travaille Olivier Van Cutsem, doctorant au Laboratoire d’électronique. « L’objectif d’un réseau intelligent est d’assurer un service de qualité aux utilisateurs, en faisant face aux pics de consommation électrique, à la volatilité de la production renouvelable émergeante tout en baissant les coûts et en gardant le même confort pour les utilisateurs », explique le chercheur. Grâce à une plateforme de simulation de Smart Building développée au sein du laboratoire, il étudie l’avantage que pourraient apporter les SBs à travers leurs stratégies énergétiques. « Selon des signaux du réseau ou de la production locale disponible, on peut par exemple décider de décaler certaines charges dans le temps, comme d’avancer de quelques minutes le préchauffage d’un appartement, si l’électricité est moins chère à ce moment, ou afin d’éviter un pic de consommation », note le doctorant. « Il est également possible de jouer sur les marges de manœuvre acceptables pour le confort. En sachant qu’un habitant chauffe son appartement entre 22 et 26 degrés, en pourra opter pour la limite inférieure lorsque le réseau en a besoin. »
La multidisciplinarité du système global demande la contribution de scientifiques issus de nombreux domaines. « Notre Laboratoire apporte les compétences au niveau électronique, avec des chercheurs qui travaillent par exemple sur l’amélioration des mesures d’énergie, la communication entre les objets connectés, la récolte des données et leur utilisation pour coordonner les bâtiments avec le réseau », souligne George Lilis. Mais de nombreux autres laboratoires se concentrent eux sur le Smart Grid, sur la protection des données ou sur le confort des habitants.
Ces recherches sont menées dans le cadre des projets financés par le programme Suisse : Nano-Tera: engineering complex systems for health, security, energy and the environnement et Qatar Environment and Energy Institute (QEERI).
Auteur : Clara Marc
[ Illustration – Crédit / Pixabay ]