A l’issue de la conférence environnementale, Jean-François Raux, Délégué Général de l’Union Française de l’Electricité (UFE) a donné son avis sur le contenu et la qualité des débats qui ont agité le microcosme pendant 2 jours.
Qu’avez-vous pensé de la conférence gouvernementale ? Les débats se sont-ils déroulés dans des conditions satisfaisantes pour l’UFE ?
"L’UFE participait à la délégation du MEDEF. Plusieurs remarques peuvent être faites. Tout d’abord, l’essoufflement du modèle de gouvernance issu du Grenelle de l’environnement qui conduit à une sous-représentation évidente des entreprises à la fois en nombre de représentants et en temps de parole. Ensuite, l’absence des industriels du secteur, alors même qu’Arnaud Montebourg souhaite développer des filières industrielles françaises. Qui pourra les constituer si ce n’est nos champions nationaux : EDF, GDF Suez, Areva, Schneider,… et Européens : E.ON ; Enel, Vattenffall… ? Enfin, l’abandon de l’équilibre entre les trois piliers du développement durable : l’économique et le social sont passés loin derrière l’environnement ; et encore, dans la préoccupation environnementale, on oublie de plus en plus le carbone, alors que la France a une longueur d’avance dans ce domaine (deux fois de moins de CO2 par unité de PIB que l’Allemagne !). Au lieu de travailler sur nos forces et de les consolider, on s’autoflagelle sur nos retards… Grenelle, hélas, procédait de la même démarche. Dernier point, la non prise en compte de la question du financement : combien cela va coûter ? Qui va payer ? "
Quelles sont les grandes tendances qui vont impacter le marché de l’énergie ?
"Tout d’abord, la montée en puissance des BRICS, qui pèse sur la demande d’énergie fossile, alors même que l’offre tend à se raréfier, relativement. Inéluctablement, les prix vont augmenter. De même, la sortie du nucléaire de certains pays accroitra la demande de fossile, de gaz, notamment, mais aussi de charbon. C’est là aussi inéluctable car le potentiel des ENR n’est pas illimité, c’est une évidence. Ici encore, une pression forte sur les prix va s’opérer. Enfin, l’arrivée des Shale Gas, qui va créer dans certains secteurs, un choc de compétitivité : l’industrie chimique, par exemple, si rien n’est fait, se délocalisera massivement aux USA."
L’UFE a mis en doute les capacités de financement données à la transition énergétique… qu’attendez-vous concrètement ? Quelles sont les incitations et les investissements qui vous semblent nécessaires ?
"Nous n’avons pas mis en doute. Nous posons la question : Quelles priorités ? Combien ? Qui ? En matière d’Efficacité Energétique, isoler une maison individuelle, c’est 30 à 40 000 euros à investir, pour 800 euros d’économie annuelle, soit 30 à 40 ans de temps de retour. A l’inverse, mesurer et piloter l’énergie efficacement dans un bâtiment tertiaire, dans l’industrie, voire dans les logements, c’est mois de cinq ans de temps de retour, pour des investissements moindres."
"Pour les ENR, les aides doivent favoriser le développement de filières françaises ou européennes. Pour la Contribution de Service Public de l’Electricité (CSPE), véritable bombe à retardement (François Brottes comme Arnaud Montebourg l’ont d’ailleurs souligné lors de la Conférence environnementale), il faut trouver une solution. En fait, la transition énergétique, dans son ensemble, suppose de financer entre 400 et 600 milliards de coûts fixes, avec des temps de retour très longs. Il faut travailler avec les pouvoirs publics sur cette question majeure, vitale. Si on ne sécurise pas l’investissement, il n’y aura pas d’investissement. Tous les secteurs sont concernés : la production, les réseaux, les modes de consommation."
Le gouvernement a annoncé une tarification progressive de l’électricité et du gaz, notamment pour les ménages modestes. En quoi cela impacte-t-il vos activités ? Comment l’UFE réagit-elle face à cette mesure immédiate ?
"L’UFE souligne, depuis des mois, la nécessité de traiter la question de la précarité énergétique sur le fond. Sur le plan curatif (prix d’achat de l’énergie pour les clients précaires), l’extension du Tarif de Première Nécessité (TPN) à 4 millions de foyers est une bonne chose. Sur le plan préventif, les clients en situation précaire sont dans des maisons anciennes, en province ; ce sont des personnes âgées qui ne peuvent investir. En ce qui concerne la tarification progressive elle même, elle sera très complexe à mettre en œuvre, mais l’idée d’un bonus / malus peut être intéressante. On verra. Ce qui est inacceptable, c’est que le fioul domestique soit exclu alors qu’il représente 20% de la consommation d’énergie des ménages pour l’eau chaude sanitaire et le chauffage. Ce qui serait encore plus inacceptable, c’est que le système bonus malus ne s’équilibre pas financièrement et que le solde soit à la charge des fournisseurs d’énergie."
Dans l’ensemble, êtes-vous satisfait de ce qui a été dit ?
"Oui et non, en fait."
"Oui, si l’on considère que le débat est l’occasion de remettre à plat une politique énergétique assez chaotique depuis plusieurs années. Le secteur industriel de l’énergie, et les électriciens, ont besoin de vision à long terme, stable. Il faut arrêter le « stop and go ». Sinon, il n’y aura pas ré-industrialisation pour l’énergie et par l’énergie. Et il faut investir massivement dans la R&D, notamment en matière de stockage. Enfin, il ne faut pas limiter les ENR à l’éolien et au solaire. Il y a aussi l’hydraulique, qui représente 10% de la consommation française, et possède un potentiel de développement de plus de 10 TWh. Personne n’en parle ! "
"Non, si le débat écarte les industriels du secteur, et surtout ignore la dimension économique pour tendre essentiellement vers un débat de changement de société. Une telle démarche court le risque d’alourdir encore plus les coûts de la transition énergétique, au travers, par exemple, d’une décentralisation poussée à l’extrême au détriment de la cohérence d’ensemble du système électrique. Dans l’énergie, il ne faut pas penser « village gaulois » alors qu’on construit l’Europe de l’électricité par ailleurs. Les réseaux nationaux et européens seront la condition indispensable pour, entre autre, jouer sur les différences et complémentarités des régimes de vent en France et en Europe, ce que l’on appelle le foisonnement."
Quelles sont les prochaines échéances importantes pour l’énergie ?
"Le cadre et la Feuille de Route pour le débat sur l’énergie. On verra alors ce que nous ferons."
« Le potentiel des EnR n’est pas illimité » .. justement, celui du solaire est proche de l’illimité, contrairement à tous les autres (uranium 4è génération compris).
Heureusement que le mensonge n’est pas un délit. Ce qui est sûr, c’est que si la transition énergétique est confiée à ces « grands » groupes, peu d’emplois seront créés en France. Rappelons quelques faits : seuls les renouvelables peuvent nous assurer l’indépendance énergétique, seules les PME créent de l’emploi.
il a raison: la cspe est une bombe à retardement, à partir du moment où on retarde sa hausse pour équilibrer le système. Donc ajustons la cspe le plus vite possible au fur et à mesure, le problème sera résolu.
là encore bien d’accord: développns la RD sur les capacités de stockages des ENR, par exemple en faisant un pilote de stockage hydrogène dans le réseau gaz, comme le font les allemands,enjeu stocker la production éolienne dans le réseau gaz (ça coutera peut-être moins cher que d’acheter du gaz, au train où vont les choses). le stop and go doit cesser on est bien d’accord, si cela perturbe les géants de l’électricté qu’il représente, que dire des PME dans les ENR? Point commun: l’investissement, pas possible sans visibilité.
whaouaww! voilà des propos qui décoiffent! Au tout début, on dirait du L. Parisot pur jus! C vrai que ça doit faire bizarre pour un représentant du patronat habitué à ce que l’économie du court terme soit toujours la priorité n°1, de voir d’un coup d’un seul, l’urgence environnementale et la vision du long terme bondir au rang 1!? Ceci étant, ce que dit ce M. est intéressant. Mais on voit bien qu’à l’instar de bcp de gros industriels habitués à faire la loi, la question de l’environnement et la nécessaire vision à long terme que sa gestion durable implique est un vrai pb. S’agissant de la réhab thermique du bâti existant, maintenant que le constat est fait et que les pbtiques sont connues, on ne va qd mm pas s’arrêter là!!!?? Quand il s’agit d’aller trouver des M€, habituellement les investisseurs savent y faire. Et bien qu’ils suivent la mm logique pour ce fabuleux chantier de la réno th. de l’existant qui va générer des centaines de milliers d’emplois! Il leur suffit juste s’ajuster leur échelle de temps et prendre le temps d’expliquer le nv monde à leurs actionnaires (aveugles). S’agissant de la pbtique des personnes agées occupant des logements anciens très mal isolés, il faudra aussi recourir à l’interventionnisme public local à chaque fois que cela sera nécessaire. Dans certains cas, remettre aux normes thermiques ne suffit pas! Faudra aussi en profiter pour densifier (cas des « immenses » maisons des années 50 à 70 posées au centre d’un terrain de + de 800 m² à moins de 1km du bourg…) afin d’offrir aux jeunes ménages la possibilité de se loger proche des centres villes… Pas simple mais le jeu en vaut la chandelle, vraiment!
bien sûr on n’attendait pas à ce qu’un représentant du patronat saute de joie à l’issue de cette conférence socialiste. Un point soulevé est pourtant primordial c’est la notion de long terme; l’énergie, surtout électrique est une question de long terme dans un environnement économique, social et politique qui ne connait plus que le court terme et veut des résultats « tout, tout de suite ». que ce soit la construction de barrages, de centrales whatever fuel used, de champs ‘éoliennes ou de développement/innovation dans les enr, le temps est un élément primordial que certains tentent de minimiser.; Les centrales nuke construites il y 30 ans ont certes été surdimensionnées au départ, d’où la sur utilisation du chauffage électrique, mais qui (re) fait le calcul des économies d’importation de pétrole, gaz et/ou charbon qui auraient été nécessaires depuis 30 ans pour produire l’électricité, alors que les enr étaient inexistantes, sauf hydro, et qu’elles restent marginales ou au mieux minoritaires, y compris en Espagne, Allemagne et Danemark, ce pays étant, rappelons le le plus grand émetteur de CO2 par habitant, bien (et parce que !) que premier producteur d’électricité éolien par habitant.
ajustons la cspe , merci fredo Finançons le R& R et une stratégie linéaire sur le long terme … pour les PME et les gros industriels .. mettre en place une politique de prix pour encourager la régulation de la consommation ( pour reduire les pointes et les creux )
« alignez vous, je ne veux pas voir un seul cheveu qui dépasse », telle est la maxime (démocratique, croyez-vous?) des idéologues du renouvelable. « Hors éolien, PV et économies d’énergie, point de salut ». Nous avons nul besoin de dialoguer avec eux car ils imposent la voie unique. Alors nous avons la chance de les voir à l’oeuvre en Allemagne et à son plantage annoncé car l’idéologie myope ne peut en aucun cas dicter ses lois à la Physique. Donc roulons-nous les pouces, un pastis à la table et regardons l’aigle allemand se brûler les doigts.
à la vôtre, bon pastis et bonne sieste!