La batterie sodium-ion pourrait supplanter le lithium

Après deux ans de recherche, une équipe française, impliquant principalement des chercheurs du CNRS et du CEA, au sein du réseau RS2E (Réseau sur le stockage électrochimique de l’énergie1) vient de mettre au point une technologie offrant une alternative aux batteries lithium-ion dans certains secteurs.

Ces chercheurs ont développé la première batterie utilisant des ions sodium au format « 18650 », un format industriel standard. Son principal avantage est d’utiliser un élément beaucoup plus abondant et moins coûteux que le lithium. Dotée de performances comparables aux batteries lithium-ion, cette nouvelle technologie intéresse déjà les industriels. Elle pourrait à l’avenir permettre le stockage d’énergies renouvelables.

L’idée d’employer du sodium dans les batteries remonte aux années 80. Elle avait été écartée au profit du lithium très rapidement utilisé dans les batteries équipant aujourd’hui les appareils électroniques portatifs comme les tablettes et les ordinateurs portables, mais aussi les véhicules électriques. Seul problème : le lithium est peu abondant sur notre planète. Des équipes du réseau RS2E porté par le CNRS se sont donc tournées vers le sodium, mille fois plus abondant. S’inspirant des batteries lithium-ion, elles ont conçu des batteries sodium-ion dans lesquelles des ions sodium transitent d’une électrode à l’autre dans un milieu liquide, au fil des cycles de charge et de décharge.

La première étape a consisté à trouver la « recette » idéale de l’électrode positive (cathode) de cette batterie. Elle a principalement impliqué six laboratoires du réseau RS2E (voir liste ci-dessous), tous réunis autour du même objectif : identifier la composition adéquate de cette électrode principalement constituée de sodium. La mise au point d’un prototype a été confiée au CEA, membre du RS2E. Seulement six mois ont été nécessaires pour mettre au point le premier prototype de batteries sodium-ion au format « 18650 », celui des batteries lithium-ion actuellement commercialisées, un cylindre de 1,8 cm de diamètre sur 6,5 cm de hauteur. Cela devrait permettre un transfert facilité au sein des usines de fabrication actuelles. Plusieurs laboratoires internationaux travaillent également sur cette technologie mais aucun n’a aujourd’hui annoncé la réalisation de prototype de ce format.

Cette deuxième étape a permis de passer d’une échelle « laboratoire » (synthèse de plusieurs grammes du matériau formant la cathode) à une échelle « pré-industrielle » (synthèse d’un kilogramme). Elle a rendu possible la fabrication de cellules produisant une puissance inégalée pour ce type de batteries. Cette nouvelle technologie obtient des performances encourageantes. Sa densité d’énergie (la quantité d’électricité que l’on peut stocker par kilogramme de batterie) atteint 90Wh/kg, un chiffre comparable à celui des batteries lithium-ion à leur début. Quant à sa durée de vie, exprimée en nombre maximum de cycles de charge et de décharge sans perte significative de performance, elle est de plus de 2 000 cycles. Surtout, cette batterie est capable à la fois de se charger très rapidement et de restituer son énergie très vite. Son principal atout reste qu’elle s’affranchit du lithium, un élément dont les ressources sont très localisées sur Terre, contrairement au sodium. L’autre avantage est financier : compte tenu de son abondance, utiliser du sodium pourrait permettre de produire des batteries moins coûteuses.

La batterie sodium-ion pourrait supplanter le lithium

© Cyril FRESILLON/CSE/CNRS Photothèque
Assemblage de cellule pour le test de matériaux de batteries sodium-ion (Na-ion), dans une boîte à gants. Ces matériaux sont testés face à des électrodes de référence en sodium. Batterie sodium-ion (Na-ion) au format industriel standard « 18650 », posée sur un tas de sel (NaCl). Branchement d’une cellule pour la recherche fondamentale sur les matériaux de batteries sodium-ion (Na-ion). Elle pourra ainsi subir des tests électrochimiques (cyclage, voltampérométrie cyclique,…) pour évaluer ses performances. Batteries sodium-ion (Na-ion) au format industriel standard « 18650 ».

 

L’ensemble de ces travaux a fait l’objet de plusieurs publications et brevets déposés par le CNRS et le CEA. Il a bénéficié des soutiens notamment du ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du CNRS, du CEA, de l’ANR (Agence nationale de la recherche) et de la DGA (Direction générale de l’armement).

Compte tenu de la similitude des process industriels avec les batteries lithium, cette découverte intéresse d’ores et déjà les industriels, notamment ceux appartenant au réseau RS2E. La prochaine étape est d’optimiser et de fiabiliser les procédés en vue d’un futur déploiement industriel.

Huit laboratoires et entités impliqués

•    Six laboratoires du réseau RS2E
–    Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (CNRS)
–    Laboratoire réactivité et chimie des solides (CNRS/Université de Picardie Jules Verne)
–    Centre interuniversitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux (CNRS/Université de Toulouse III – Paul Sabatier/INP Toulouse)
–    Laboratoire « Chimie du solide et de l’énergie » (CNRS/UPMC/Collège de France)
–    Institut Charles Gerhardt Montpellier (CNRS/Université de Montpellier/ENSC Montpellier)
–    Institut de sciences des matériaux de Mulhouse (CNRS/Université de Haute Alsace)

•    Rosa Palacin, chercheuse à l’ICMAB (Institut des sciences des matériaux de Barcelone) a contribué, aux côtés de ces six laboratoires, à l’élaboration du milieu liquide (électrolyte) de la batterie. 

•    Liten, institut de CEA Tech

         

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Pastilleverte

Tout ce qui permet d’améliorer le stockage de l’électricité, que ce soit en terme de capacités, et/ou de prix de revient et/ou de facilité d’approvisionnement des composants, est le bienvenu. Restons à l’écoute (“stay tuned”), et merci à Enerzine de nous tenir informés des progrès de ce “dossier”

Bill38

N’y a t il pas un problème de dangerosité du sodium ? explose avec l’humidité et corosif.

michel123

ça résoudrait le problème . vu la bonne cyclabilité on et la bonne vitesse de charge et décharge on peut envisager de coupler ces batteries avec de petites piles à combustible(20 kw) pour avoir un véhicule puissant et de grande autonomie . reste le problème des électrodes (mystère …) qui sont souvent plus chères que l’ion actif car en partie composées de métaux rares et chers . ce n’est qu’un prototype , on peut espèrer mieux

Philouze44

en tout cas, à 4Wh la 18650, elle fait mieux que les 8.64 wH des plus basiques Li Ion dans le même format (les 2400 mAh) C’est plus que prometteur pour le petit accastillage, lampes, électro, outillage de bricolage d’un coté, ou l’autonomie max n’est pas rédibitoire (ou le poids pas crucial) Bref tout ce qui a tourné avec succès au NiMh mais aussi pour soit les petits véhicules électriques de faible autonomie ou de grande taille et grande autonomie (bus, camions) vu le très faible cout du sodium. des perf à cheval entre les niMh les plus performantes et les moins bonnes lithium, probablement pour la moitié du prix des premières et 1/4 du prix des secondes, ça sent un gros boost dans l’électromobilité de toute taille et tous usage. Mais pas encore le graal pour la voiture ou l’aviation élec

Herve

Toute la question est de savoir la durabilité de ces batteries. Le nombre de cycles n’est qu’une partie de ce critère. Combient de temps elle peut être utilisée, supporte-t-elle correctement la décharge profonde, impact de l’environnement thermique. Si cette batterie est aussi robuste que les anciennes NiCd, ça pourrait être trés intéressant.

michel123

le lithium a une masse molaire de 6.9 le sodium de 23 mais le plomb de 207 avec des densités énergétiques allant jusqu’à 40wh/kg . il y a donc une marge de progression

Devoirdereserve

C’est le sodium métallique, comme matériau pur, qui réagit comme vous dites. Ici, il n’y en a pas. Concernant les performances et l’industrialisation, je suggère à chacun de retourner voir qui est membre du réseau RS2E… ce ne sont pas que des rigolos. Il ne fait aucun doute que c’est une percée majeure, mais néanmoins anticipée, et d’autres sont déjà dans les tuyaux. @michel123 : les nouvelles électrodes sont largement moins problématiques que ce que vous pensez, pour le prix. Quand à la seule masse molaire, elle ne dit rien de la densité : interviennent les interactions matrice/ion, la diffusion, la solvatation, etc… Si on pouvait sentir ces choses là au doigt mouillé, on n’aurait pas besoin de mettre autour de la table 11 LABEX, 4 UMR du CNRS et des universités, le CEA, l’INERIS et l’IFP… On se passerait des synchrotrons comme Soleil, pour comprendre ce qui se passe à l’interface de l’électrode… On se passerait de calculer le comportement, l’échelle quantique, à l’échelle moléculaire, à l’échelle du matériau. Bref, c’est de la lourde science, et, à part les Japonais, personne n’avait réuni de telles forces sur le sujet : c’est tout l’organisation mise en place qui annonce les progrès à venir.