Sebastian Hollstein
La réduction des émissions de CO2 n’est pas la seule mesure importante pour diminuer la teneur en dioxyde de carbone de l’atmosphère terrestre, le captage et le stockage des gaz à effet de serre présents dans l’air le sont également. C’est pourquoi le gouvernement allemand actuel a également inscrit le développement des technologies de captage et de stockage du CO2 parmi les objectifs de son accord de coalition. Il considère notamment le captage direct dans l’air (DAC) comme une « technologie d’avenir prometteuse pour augmenter les émissions négatives ».
Les scientifiques de l’université Friedrich Schiller d’Iéna souhaitent désormais développer une méthode permettant de filtrer le dioxyde de carbone de l’air à l’aide de processus électrochimiques utilisant des matières premières renouvelables. Dans le cadre de son programme CZS Nexus, la fondation Carl-Zeiss-Stiftung finance le groupe de recherche junior dirigé par le chimiste Dr Tilmann J. Neubert à hauteur d’environ 1,8 million d’euros sur cinq ans.
Activer et désactiver le stockage du CO₂
« Nous utilisons un procédé basé sur des processus de commutation électrochimiques », déclare le chimiste de l’université d’Iéna. « Nous voulons développer une cellule semblable à une batterie contenant une molécule fonctionnelle qui peut être activée et désactivée, capturant le dioxyde de carbone et le libérant à nouveau. »
L’équipe souhaite principalement utiliser des molécules organiques appelées quinones, qui se composent d’un cycle de six atomes de carbone avec deux atomes d’oxygène liés à deux coins opposés par une double liaison. On les trouve également dans de nombreuses substances naturelles telles que les plantes. Si des électrons sont ajoutés à ce composé, les atomes d’oxygène deviennent chargés négativement et attirent le carbone légèrement chargé positivement dans le CO₂ : le dioxyde de carbone est alors stocké. Lorsque ce mécanisme est désactivé, il est à nouveau libéré et peut ainsi être enrichi.
« Contrairement aux méthodes habituelles, qui utilisent par exemple la pression ou la chaleur, cette technologie est très économe en énergie et peut être facilement combinée avec l’électricité provenant de sources d’énergie renouvelables », indique Tilmann Neubert. Cette approche pourrait donc rendre le DAC beaucoup plus rentable.
Deux défis à relever
Afin de rendre le processus envisagé efficace et durable, les scientifiques d’Iéna doivent résoudre deux problèmes clés : premièrement, le système ne fonctionnera efficacement à long terme que s’ils parviennent à réduire la quantité d’oxygène que les molécules rencontrent également. En effet, l’oxygène peut retirer des électrons du processus et déclencher des réactions secondaires indésirables. Deuxièmement, de nombreux composants, tels que les électrolytes dans ces cellules, sont souvent encore basés sur des solvants non durables. Il faut donc trouver des alternatives aqueuses.
« Si nous surmontons ces deux défis, je suis convaincu que nous parviendrons à capturer plus de CO2 que le processus n’en produit et que nous permettrons ainsi des émissions négatives », ajoute le chercheur de l’université d’Iéna. « À long terme, nous devons conceptualiser l’émission, la capture, le stockage et la réutilisation du dioxyde de carbone comme une économie circulaire dans laquelle tous les composants que nous utilisons doivent également être circulaires et renouvelables, des solvants aux matériaux actifs. »
Afin de pouvoir prouver clairement que la méthode que son équipe va développer est plus écologique, Tilmann Neubert tenait à associer également des collègues du domaine de l’ingénierie environnementale à ce projet interdisciplinaire. « Nous voulons être en mesure de calculer clairement et de manière exhaustive l’empreinte carbone de chaque étape afin de souligner le caractère durable de cette technologie d’avenir », conclut-il.
Source : U. Jena