Alors que le réchauffement climatique bouleverse les récoltes traditionnelles, une équipe menée par l’Université de Tokyo vient de franchir un cap : cultiver avec succès de grosses tomates et des tomates cerises sous des LED à haute efficacité énergétique. L’étude prouve que la culture hors-sol, autrefois cantonnée aux salades, peut désormais accueillir des légumes‐fruits exigeants. Au-delà de la performance agronomique, ces résultats ouvrent la voie à une production alimentaire locale, y compris dans les déserts urbains ou, demain, dans l’espace. Un pari qui pourrait redéfinir la sécurité alimentaire mondiale.
Un pari audacieux sous lumière artificielle
Depuis des années, les fermes verticales à éclairage artificiel suscitent l’espoir mais restent limitées à des plantes peu gourmandes en lumière, comme la laitue ou les épinards. « Les usines végétales résistent aux extrêmes climatiques tels que les sécheresses, les inondations et les vagues de chaleur qui perturbent de plus en plus l’agriculture traditionnelle. Elles peuvent être construites dans les déserts, les villes ou même un jour dans l’espace. En rapprochant la production de la consommation, elles contribuent à réduire à la fois les risques climatiques et les besoins en matière de transport des denrées alimentaires.,» précise Wataru Yamori, professeur associé à l’Université de Tokyo.
L’équipe ne s’est pas contentée de remplacer quelques ampoules par des LED. Elle a d’abord équipé un espace clos avec le matériel standard nécessaire à la culture des tomates, puis a introduit différentes configurations d’éclairage, utilisant toutes deux des LED à haut rendement, en fonction de la variété de tomates qu’elle cultivait.
Pendant un an, ils ont éclairé les plants de tomates à gros fruits par le haut, les incitant à pousser en ligne droite, comme on peut s’y attendre.
La seconde installation consistait à éclairer les petits plants de tomates cerises par le haut ou par les côtés, de manière à ce qu’ils poussent vers le haut en formant une série de courbes en forme de « S ».

Rendements et qualité : des résultats contrastés mais encourageants
Les plants de tomates les plus gros ont bien poussé mais n’ont pas atteint les mêmes rendements ou la même teneur en sucre que les plants cultivés en serre, bien qu’ils contiennent plus de vitamine C.
Quant aux tomates cerises, elles ont dépassé les attentes, avec des rendements similaires à ceux des serres, mais une qualité nettement supérieure. En outre, les plantes en forme de S ont fructifié plus tôt, ce qui a permis d’augmenter encore les rendements.
« Notre étude démontre que les tomates à gros fruits, longtemps jugées impossibles à cultiver sous éclairage artificiel, peuvent l’être de manière stable dans une usine végétale entièrement confinée », a souligné le Pr. Yamori. « Pour l’instant, les tomates de serre restent souvent plus grosses et plus sucrées. Mais celles issues des LED présentent une qualité régulière toute l’année et sont parfois plus riches en nutriments comme la vitamine C. Avec les progrès attendus, nous pensons qu’elles égaleront, voire dépasseront, leurs homologues de serre en terme de goût ».

Des freins économiques et un potentiel urbain
« Peut-être l’obstacle le plus grand fut d’optimiser l’environnement lumineux. Les grosses tomates réclament beaucoup d’énergie pour la croissance et la maturation, et rien ne garantissait que les LED suffiraient. Il a fallu des essais répétés pour équilibrer lumière, température, humidité et nutriments », confie le chercheur.
Le modèle reste coûteux, mais la baisse des prix des LED et l’intégration d’énergies renouvelables devraient réduire l’addition.
« Les tomates cultivées sous LED apparaîtront d’abord dans les régions où l’agriculture traditionnelle est difficile ou où les frais de transport sont élevés », ajoute-t-il.
Vers des fermes verticales et au-delà
Le concept ne relève plus de la science-fiction. « Les fermes de tomates verticales dans les gratte-ciel ne relèvent plus de la science-fiction … des tomates cultivées dans des gratte-ciel d’ici 10 à 20 ans, et même des systèmes expérimentaux permettant de cultiver des produits frais sur la Lune ou sur Mars.,» projette le Pr. Yamori.
Si les tomates LED n’égaleront peut-être pas demain le parfum de celles du potager d’été, elles pourraient sécuriser l’alimentation des mégapoles et accompagner l’exploration spatiale. Reste désormais à transformer ce prototype en modèle économique viable, clé d’une révolution agricole qui pourrait éclairer – au sens propre comme au figuré – nos assiettes de demain.
Source : Tokyo U.