La conversion de la chaleur en électricité représente un défi technique et économique majeur pour l’industrie contemporaine. Comment transformer efficacement une source de chaleur, souvent considérée comme un déchet énergétique, en une ressource utile et durable ? Les récentes innovations en technologie thermophotovoltaïque apportent des réponses prometteuses à cette question, offrant des solutions potentielles pour des applications allant de l’industrie lourde à la production d’énergie renouvelable.
Une équipe d’ingénieurs électriques de l’Université du Wisconsin-Madison a conçu un nouveau type de dispositif capable de convertir directement la chaleur en électricité. Ce travail, dirigé par Eric Tervo, professeur assistant d’ingénierie électrique et mécanique, a été publié dans la revue Advanced Materials.
Le principe du thermophotovoltaïque
Les dispositifs thermophotovoltaïques convertissent le rayonnement infrarouge, une forme de chaleur, en électricité, similaire à la manière dont les cellules solaires transforment la lumière du soleil en courant électrique. Contrairement aux systèmes traditionnels qui nécessitent de l’eau bouillante pour actionner des turbines, ces nouvelles technologies n’ont besoin ni de vapeur ni de turbines, simplifiant ainsi le processus de production d’énergie.
Les thermophotovoltaïques actuels exploitent principalement l’énergie infrarouge de champ lointain, mais cette approche limite leur densité énergétique. La technologie de champ proche promet beaucoup plus en termes de densité énergétique, mais elle exige que la cellule soit très proche de la source de chaleur. Pour surmonter cet obstacle, Tervo et ses collègues ont développé un procédé de fabrication permettant de maintenir une nanogap de 150 nanomètres entre l’émetteur et la cellule thermophotovoltaïque.
Cette innovation technique utilise la déposition de matériaux par épitaxie en phase vapeur métal-organique pour déposer une couche semi-conductrice sur l’émetteur, suivie d’une gravure pour ne laisser qu’une grille de piliers, garantissant ainsi l’uniformité de la nanogap. Bien que les premiers dispositifs fabriqués ne mesurent que 5 millimètres par 5 millimètres, leur assemblage nécessite une précision comparable à la superposition de deux terrains de football avec un écart de 0,1 pouce parfait.
A la fois performant et modulaire
Les tests ont démontré que le dispositif de champ proche fonctionne comme prévu, générant 25 fois plus d’énergie que les cellules configurées pour récolter l’énergie infrarouge de champ lointain. De plus, la technique de fabrication est compatible avec les matériaux et technologies semi-conducteurs actuels, facilitant ainsi leur modularité sans nécessiter de modifications majeures des processus existants.
Eric Tervo a exprimé son optimisme quant à la commercialisation future de cette technologie : «Ce dispositif coche toutes les cases – faible maintenance, densité de puissance élevée et scalabilité. Vous pouvez l’utiliser avec une grande variété de sources de chaleur sur une très large gamme de températures. Il pourrait s’intégrer dans divers systèmes énergétiques, qu’ils soient renouvelables ou basés sur les combustibles fossiles ou l’énergie nucléaire.»
Les chercheurs prévoient maintenant d’agrandir leurs dispositifs thermophotovoltaïques à une échelle centimétrique et de les rendre plus minces. Ils envisagent également de développer un émetteur en silicium pour réduire les coûts de fabrication futurs. «Il reste certainement des défis à relever,» a ajouté le chercheur, «mais on peut enlever des couches, rendre le substrat plus fin, réduire l’écart, et tout cela vous mènera à une puissance de plus en plus élevée.»
Légende illustration : Un nouveau dispositif thermophotovoltaïque amplifie la production d’énergie
Article : « Large Area Near-Field Thermophotovoltaics for Low Temperature Applications » – DOI: 10.1002/adma.202411524