La tolérance à la chaleur est conférée naturellement au fil des générations d’un corail commun qui construit des récifs, en réponse aux récentes vagues de chaleur marines.
Alors que le déclin des récifs coralliens est bien documenté, il existe désormais des preuves d’une tolérance à la chaleur chez un corail constructeur de récifs commun. Cette découverte aide les scientifiques à comprendre si, et comment, les coraux peuvent s’adapter naturellement à la hausse des températures océaniques due au réchauffement climatique.
Une équipe internationale a démontré que la variation génétique héréditaire pour la tolérance à la chaleur est plus répandue qu’on ne le pensait auparavant chez le corail constructeur de récifs Platygyra daedalea. La pression exercée par des vagues de chaleur marines plus régulières semble favoriser la sélection de variantes génétiques qui aident le corail à résister à des températures plus élevées.
« Nous devons de toute urgence comprendre si les coraux peuvent s’adapter suffisamment rapidement pour suivre le rythme du changement climatique et, si oui, comment ils pourraient y parvenir », indique Manuel Aranda, de la KAUST, qui a dirigé le projet aux côtés d’Emily Howells, de l’université Southern Cross en Australie. « Ces connaissances sont essentielles pour orienter les stratégies de conservation et hiérarchiser les interventions dans les récifs coralliens tant qu’il est encore temps d’agir. »
P. daedalea est largement répandu dans l’Indo-Pacifique, notamment dans la mer Rouge et le golfe Persique, qui comptent parmi les environnements récifaux les plus chauds au monde. Cela en fait un corail idéal pour étudier à la fois l’adaptation à la chaleur extrême et le potentiel de flux génétique entre les populations.
Dans le cadre de ce projet ambitieux, l’équipe a combiné des expériences de reproduction quantitative à grande échelle sur dix populations de P. daedalea, collectées dans six régions océaniques.
« Le plus grand défi était d’ordre logistique, car il fallait mener des expériences contrôlées de reproduction de coraux et de stress thermique sur plusieurs sites », ajoute M. Aranda. « Cette espèce de corail ne se reproduit qu’une fois par an, pendant quelques nuits seulement, nos équipes devaient donc être au bon endroit au bon moment, souvent dans des conditions de terrain difficiles. »
La proximité de KAUST avec la mer Rouge a permis aux scientifiques de collecter et de reproduire des coraux provenant de populations connues pour leur tolérance thermique.
« Cette ampleur de l’échantillonnage nous a permis d’évaluer directement la variation héréditaire de la tolérance à la chaleur à l’échelle locale et mondiale », note Aranda. « Comprendre les limites de la tolérance à la chaleur des coraux et la base génétique de cette tolérance nous permet également de savoir si les coraux conservent une variation génétique suffisante pour continuer à s’adapter à l’avenir. »
L’équipe a soumis les coraux à différentes températures dans le laboratoire et a surveillé la survie et la colonisation des larves de coraux. Elle a utilisé des techniques de reproduction spécifiques permettant la sélection des traits et des analyses génomiques pour distinguer les effets génétiques des effets environnementaux. Les résultats indiquent que certaines populations de coraux possèdent une variation héréditaire de la tolérance à la chaleur, façonnée par l’histoire de l’exposition aux vagues de chaleur dans chaque région.
Selon M. Aranda, cela suggère que les coraux s’adaptent déjà au réchauffement des océans. « Cependant, ce potentiel d’adaptation s’épuise dans les environnements les plus extrêmes sur le plan thermique, ce qui pourrait limiter l’adaptation future. Cette découverte est cruciale car elle met en évidence à la fois l’espoir et l’urgence des mesures de conservation », ajoute-t-il.
M. Aranda invite à la prudence en matière d’ingénierie des coraux, car la tolérance à la chaleur est un trait finement équilibré qui implique de nombreux gènes. Les stratégies de conservation devraient plutôt se concentrer sur la préservation de la diversité génétique des récifs afin de maintenir leur potentiel évolutif. L’équipe suggère qu’il sera peut-être un jour possible de renforcer les systèmes récifaux grâce à des génotypes naturellement tolérants à la chaleur.
Dans la prochaine phase du projet, les chercheurs appliqueront le génotypage à haut débit (séquençage ezRAD) afin de relier la variation génétique à la tolérance thermique. Cela leur permettra de déterminer comment les gènes de tolérance à la chaleur sont transmis de génération en génération et d’identifier les marqueurs génétiques sous sélection.
Howells, E.J., Abrego, D., Schmidt-Roach, S., Puill-Stephan, E., Denis, H., Harii, S., Bay, L.K., Burt, J.A., Monro, K. & Aranda, M. Marine heatwaves select for thermal tolerance in a reef-building coral. Nature Climate Change 15, 829-832 (2025).| DOI
Source : Kaust