Nestlé alimente désormais son usine de Biessenhofen, en Bavière, grâce à une prairie qui produit autant de lait que d’électricité. Sur cinq hectares attenants au site de nutrition infantile, 7 800 panneaux solaires surélevés composent le premier parc agrivoltaïque bovin réalisé par BayWa r.e. Conçu pour allier pâturage et production d’énergie, l’ensemble fournit 4,5 MWc – l’équivalent de la consommation annuelle de 2 000 foyers – et assure déjà le quart des besoins électriques de l’usine.
Une symbiose terre–soleil–lait
Suspendus à 1,80 mètre pour les veaux et à 2 mètres pour les vaches adultes, les modules créent une ombre bienvenue tout en laissant libre passage aux animaux, aux tracteurs et aux presses à foin. Sur la même parcelle, 65 bovins pâturent, le foin est récolté et l’herbe repousse sans interruption.
Grâce à un raccordement direct, la centrale solaire couvre environ 25 % des besoins électriques de l’usine Nestlé voisine, réduisant de manière significative son empreinte carbone. « La combinaison de production laitière et d’électricité verte nous permet de réconcilier besoins industriels, bien-être animal et objectifs climatiques. Nous remercions nos partenaires pour cette réalisation exemplaire », souligne Jörg Schmitt, responsable environnement et durabilité de Nestlé Allemagne.
Cette configuration, baptisée « Cow-PV », découle d’un partenariat entre BayWa r.e., la filiale allemande de Nestlé et l’éleveur laitier Gerhard Metz, qui modernise parallèlement ses bâtiments. Pour Stephan Schindele, responsable du développement agrivoltaïque chez BayWa r.e., « Ce projet incarne la synergie entre agriculture durable et énergies renouvelables. En collaboration avec Nestlé, nous démontrons qu’il est possible de repenser l’usage des terres agricoles au service du climat et du monde rural ».
L’approche s’inspire des serres solaires méditerranéennes mais l’adapte au climat alpin : orientation des rangées, hauteur variable selon la topographie et espacement suffisant afin d’éviter l’effet de tunnel pour les animaux.
Un atout climatique et industriel
Le raccordement direct au site Nestlé évite des pertes sur le réseau et réduit d’autant les émissions : l’usine, déjà dotée d’une pompe à chaleur haute performance, avance vers sa feuille de route « zéro net » à l’horizon 2050. À l’échelle du groupe, l’objectif de 100% d’électricité renouvelable sur l’ensemble des sites doit être atteint fin 2025.
Pour BayWa r.e., l’opération confirme la pertinence économique de l’agrivoltaïsme animalier. Le producteur indépendant, qui a mis en service plus de 6 GW de capacités dans le monde et gère 10,5 GW d’actifs, voit dans cette formule un complément aux serres photovoltaïques pour fruits et légumes ou aux ombrières pour cultures arables. L’entreprise – également présente en France depuis 2005 avec 410 MW installés et 1,3 GW sous gestion – s’appuie sur l’expérience de Pennavel, son projet éolien flottant au large du Morbihan, pour souligner la nécessité d’une diversification des modèles.
Un modèle à vocation réplicable
En Bavière, l’autorisation repose sur une étroite concertation avec la commune, les services agricoles et les vétérinaires. Outre la hauteur des structures, les concepteurs ont dû garantir l’absence de risque pour les animaux : bordures émoussées, câbles hors de portée des cornes et contrôle permanent de la température des modules afin d’éviter toute brûlure. L’assurance couvre désormais aussi bien la production électrique que le cheptel.
Les premiers résultats agronomiques seront publiés après un cycle complet d’exploitation, soit fin 2026. Si les données confirment les projections, BayWa r.e. envisage de décliner le concept sur d’autres élevages laitiers allemands, puis de l’exporter aux Pays-Bas et au Danemark, deux pays à forte densité bovine. Les coopératives laitières y voient un moyen de sécuriser des contrats d’énergie à long terme sans rogner sur la surface fourragère.
Un pionnier, mais pas un ovni
L’agrivoltaïsme séduit de plus en plus les grands groupes alimentaires. En France, Danone teste l’ombrage de capteurs sur des cultures de luzerne dans la Vienne ; en Espagne, Iberdrola expérimente des panneaux rotatifs au-dessus de vergers d’amandiers. Le principe demeure : mutualiser l’usage de la terre pour renforcer la souveraineté énergétique tout en préservant la production agricole.
Au Bundestag, la question de l’agrivoltaïsme fera l’objet d’un projet de loi début 2026 afin de clarifier les tarifs d’achat et les critères d’éligibilité. Les Länder ruraux, longtemps réticents à voir des champs recouverts de silicium, semblent désormais accepter l’idée que les énergies renouvelables s’installent à hauteur de sabots plutôt qu’en rangées denses, souvent perçues comme un mitage du paysage.
Source : Baywa.r.e