Les scientifiques ont récemment réalisé une étude innovante sur l’actinium, un élément chimique découvert au début du 20e siècle, mais dont la chimie reste encore mal comprise. Cette recherche pourrait avoir des implications significatives pour le développement de traitements contre le cancer.
Des chercheurs du Lawrence Berkeley National Laboratory (Berkeley Lab) ont cultivé des cristaux contenant de l’actinium et ont étudié la structure atomique du composé. Cette démarche a permis de découvrir que l’actinium se comporte différemment de son homologue, le lanthane, contrairement aux prédictions basées sur la table périodique.
Jen Wacker, chimiste au Berkeley Lab et premier auteur de l’article publié dans Nature Communications, a indiqué : « Il y a une diversité d’applications pour ces éléments, de l’énergie nucléaire à la médecine en passant par la sécurité nationale, mais si nous ne savons pas comment ils se comportent, cela freine les progrès que nous pouvons réaliser. »
Potentiel de l’actinium-225 en thérapie ciblée
Un domaine d’intérêt particulier est l’utilisation d’un isotope de l’actinium (actinium-225) dans une méthode de traitement du cancer appelée thérapie alpha ciblée (TAT). Cette méthode utilise des systèmes de délivrance biologique, tels que des peptides ou des anticorps, pour transporter l’élément radioactif vers le site du cancer. Lorsque l’actinium se désintègre, il libère des particules énergétiques qui détruisent les cellules cancéreuses à proximité tout en épargnant les tissus sains plus éloignés.
Rebecca Abergel, professeur associé de génie nucléaire et de chimie à l’UC Berkeley, a expliqué : « Il y a un mouvement pour concevoir de meilleurs systèmes de délivrance pour amener l’actinium à des cellules particulières et le maintenir sur place. Si nous pouvons concevoir des protéines pour lier l’actinium avec une très haute affinité, et soit les fusionner avec un anticorps, soit les utiliser comme protéine cible, cela permettrait vraiment de développer de nouvelles voies pour les radiopharmaceutiques. »
Une méthode novatrice pour étudier l’actinium
Les chercheurs ont utilisé une approche novatrice pour cultiver les cristaux en utilisant seulement 5 microgrammes d’actinium pur. Ils ont d’abord purifié l’actinium à travers un processus de filtration complexe, puis l’ont lié à une molécule piégeant les métaux appelée ligand. Le tout a été enveloppé dans une protéine isolée et purifiée par l’équipe de Roland Strong au Fred Hutchinson Cancer Center, formant une «charpente macromoléculaire». Les cristaux, cultivés pendant une semaine, ont ensuite été cryorefroidis et illuminés par des rayons X à l’Advanced Light Source (ALS) du Berkeley Lab. Les rayons X ont révélé la structure 3D du composé et montré comment l’actinium interagissait avec les atomes environnants.
Marc Allaire, scientifique au Berkeley Lab, a indiqué : « Je travaille en cristallographie depuis 40 ans et j’ai vu beaucoup de choses, et la méthode utilisée par l’équipe est unique et fournit des détails que nous ne pouvions pas obtenir auparavant. »
Perspectives futures de la recherche sur l’actinium
Dans cette étude, les scientifiques ont utilisé l’actinium-227, l’isotope le plus stable de l’élément. Les futures recherches exploreront l’actinium-225 pour identifier d’autres variations dans la manière dont le métal se lie. Les chercheurs souhaitent également associer l’actinium à différentes protéines pour en apprendre davantage sur les structures formées.
Rebecca Abergel a conclu : « Il s’agit de science fondamentale qui fait partie de notre programme central de compréhension de la chimie des éléments lourds. Nous avons réalisé une méthode expérimentale techniquement très difficile qui repousse les limites de la chimie des isotopes et nous permet de mieux comprendre cet élément. Cela devrait nous permettre, ainsi qu’à d’autres, de développer de meilleurs systèmes utiles pour la thérapie alpha ciblée. »
Légende illustration : Des chercheurs ont cultivé des cristaux d’un composé d’actinium pur, vu ici au microscope, pour comprendre comment l’actinium se lie à d’autres molécules dans un solide (Crédit : Jen Wacker/Berkeley Lab).
Article : « Actinium chelation and crystallization in a macromolecular scaffold » – DOI: s41467-024-50017-5