« Il est devenu terriblement évident que notre technologie a dépassé notre humanité » aurait déclaré le célèbre physicien théoricien Albert Einstein. Et oui, la place des nouvelles technologies n’a jamais suscité autant de débats et d’interrogations. D’un côté, l’innovation nous donne tout un panel de solutions techniques pour nous faciliter la vie voire protéger l’environnement. De l’autre, le développement du numérique génère sa propre « pollution cachée » et empreinte écologique. Alors, avancées ou nouveaux défis pour la planète ?
Depuis des décennies, même si le progrès technique a grandement influencé notre façon de vivre, il a aussi contribué d’une certaine façon à aggraver certains problèmes environnementaux.
L’extraction de terres rares qui sont nécessaires à la fabrication de nos smartphones, la construction de centres de données très énergivores, les traitements d’évaluation des cours bitcoin euro ou encore la gestion complexe des déchets électroniques en sont des exemples flagrants. Le numérique représente aujourd’hui près de 3 à 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (¹), une part amenée à croître rapidement avec la généralisation de la 5G et le boom de l’intelligence artificielle. (ChatGPT, Gemini, etc.)
En conséquence, l’industrie du numérique devra impérativement repenser ses pratiques, et tenter de résoudre le problème écologique au lieu de le déplacer sans cesse.
La technologie, un levier pour l’environnement
Il serait alors tentant de réduire les nouvelles technologies à une simple menace qu’il faudrait écarter de la main de l’homme. Pourtant, l’innovation et l’écologie ont la capacité d’avancer ensemble main dans la main.
Concrètement, les systèmes de gestion optimisée des ressources, l’agriculture de précision, ou encore la surveillance de différents milieux à risque grâce notamment à l’Internet des objets (IoT) restent autant d’aperçus sérieux à l’usage des outils technologiques que nous avons à notre disposition.
Saviez-vous que certaines sociétés utilisent les abeilles comme capteurs biologiques pour mesurer la pollution, ou que des startups développent des modèles d’aquaculture durable à faible impact environnemental. Un autre exemple d’utilisation des IoT donne également la possibilité aux agriculteurs d’optimiser l’irrigation afin de limiter le gaspillage d’eau et l’usage excessif de pesticides.
On peut aussi mentionner l’apport des supercalculateurs dans la modélisation climatique : ils permettent de prévoir plus finement les épisodes de sécheresse ou d’inondations et d’anticiper des politiques d’adaptation. De même, les bâtiments intelligents, équipés de capteurs connectés, réduisent leur consommation d’énergie en ajustant automatiquement chauffage, ventilation et éclairage. Ces innovations se déploient déjà dans certaines métropoles et montrent qu’une approche plus durable est possible.
Nous le voyons, la technologie elle-même a le pouvoir de favoriser un changement de modèle, sous réserve bien évidemment de s’en donner les moyens.
Le paradoxe de la « pollution cachée »
Derrière l’essor des innovations dites « propres », se cachent toutefois des externalités importantes (₂) et souvent sous-estimées. L’industrie du numérique consomme en effet toujours plus de matières premières (cobalt, lithium, métaux rares, etc.) et d’énergie avec le développement massif des réseaux, le renouvellement accéléré des terminaux (smartphones, ordinateurs, objets connectés) et le phénomène inévitable de l’explosion du trafic de données partout sur la planète.
Selon le Haut Conseil pour le climat, le déploiement de la 5G pourrait accroître de 18 à 45% l’empreinte carbone du numérique en France d’ici 2030 (₃). De même, l’intelligence artificielle, en s’appuyant sur des centres de données géants, présente un impact invisible mais difficilement contrôlable sur les émissions globales de CO2.
À cela s’ajoute la durée de vie de plus en plus courte des équipements. En moyenne, un smartphone est remplacé tous les deux à trois ans, souvent pour des raisons marketing plus que techniques. Ce renouvellement accéléré accentue la pression sur les ressources naturelles et multiplie la production de déchets électroniques qui continuent d’alimenter des décharges à ciel ouvert en Afrique et en Asie, avec des conséquences sanitaires et environnementales majeures.
La question n’est donc pas de condamner ou de glorifier les nouvelles technologies, mais de les penser comme un outil. Tout dépend de l’usage que nous en faisons, et du cadre dans lequel s’inscrit leur développement. Il nous faudra donc concilier la soif d’innovation de l’homme et l’impératif écologique qui nous invite non seulement à repenser les modèles industriels mais aussi à promouvoir une consommation numérique plus sobre, plus durable et mieux régulée.
L’avenir « écologique » dépendra finalement de notre capacité à placer la technologie au service de la planète, et non l’inverse. C’est un défi collectif qui mobilise citoyens, entreprises et institutions, et qui impose de repenser nos priorités pour que l’innovation cesse d’être un problème et devienne enfin une solution durable.
¹ – Source : Arcep | ₂ – Les externalités cachées dans la technologie sont les effets négatifs non pris en compte par les marchés comme par exemple, la pollution des déchets liés au numérique, l’addiction numérique ou la désinformation que les innovations technologiques imposent à la société ou à l’environnement. | ₃ – Source : Sénat