Pour la première fois, des scientifiques ont réussi à simuler entièrement notre galaxie, la Voie lactée, en reproduisant chacune de ses 100 milliards d’étoiles. L’équipe japonaise dirigée par Keiya Hirashima du centre de recherche RIKEN a accompli un exploit en combinant l’intelligence artificielle avec des supercalculateurs ultra-puissants. Jusqu’à maintenant, les simulations les plus avancées ne pouvaient représenter qu’une infime partie de la galaxie, faute de puissance de calcul suffisante. Présentée lors de la conférence internationale SC ’25, la découverte ouvre des perspectives dans de nombreux domaines scientifiques.
Un défi informatique colossal
Reproduire une galaxie entière dans un ordinateur relève du casse-tête technologique. Les chercheurs doivent prendre en compte la gravité, les mouvements des gaz, les explosions d’étoiles et la création de nouveaux éléments chimiques. Le problème ? Tous ces phénomènes se déroulent à des vitesses et des échelles totalement différentes.
C’est un peu comme si vous filmiez en même temps un escargot qui se déplace et une balle de tennis en plein match. Les anciennes méthodes obligeaient les scientifiques à regrouper environ 100 étoiles en une seule « particule » virtuelle pour simplifier les calculs. Au final, on perdait énormément de détails importants sur le comportement individuel des étoiles.
Avec les techniques classiques, simuler l’évolution réelle de la Voie lactée sur un milliard d’années aurait pris plus de 36 ans de calculs non-stop. Un délai totalement irréaliste pour les chercheurs.
L’intelligence artificielle comme solution
L’équipe menée par Keiya Hirashima, en collaboration avec l’Université de Tokyo et l’Universitat de Barcelona, a trouvé une solution ingénieuse. Au lieu de calculer chaque détail à chaque instant, les chercheurs ont entraîné une intelligence artificielle à prédire ce qui se passe lors d’explosions de supernovae.
L’IA a appris en observant des milliers de simulations détaillées. Elle peut maintenant anticiper correctement les effets d’une explosion d’étoile sans refaire tous les calculs complexes. Un raccourci qui change tout.
Les performances obtenues sont spectaculaires : ce qui prenait 315 heures ne prend plus que 2,78 heures. Simuler un milliard d’années d’évolution galactique ne demande désormais que 115 jours au lieu de plusieurs décennies. Les chercheurs ont vérifié la fiabilité de leur méthode sur les supercalculateurs Fugaku de RIKEN et Miyabi de l’Université de Tokyo.

Des applications concrètes au-delà de l’astronomie
La découverte dépasse largement le cadre de l’espace. La même approche pourrait transformer les prévisions météorologiques, les modèles climatiques ou les simulations des océans. Tous ces domaines partagent le même défi, c’est à dire, jongler entre des phénomènes à petite et grande échelle.
« Je crois que l’intégration de l’IA avec le calcul haute performance marque un changement fondamental dans la façon dont nous abordons les problèmes multi-échelles et multi-physiques à travers les sciences computationnelles », a précisé Keiya Hirashima, responsable de l’équipe au centre iTHEMS de RIKEN. « Cet accomplissement montre également que les simulations accélérées par l’IA peuvent aller au-delà de la reconnaissance de motifs pour devenir un véritable outil de découverte scientifique — nous aidant à retracer comment les éléments qui ont formé la vie elle-même ont émergé dans notre galaxie ».
Une fenêtre sur nos origines
En réussissant à reproduire virtuellement notre galaxie dans ses moindres détails, les scientifiques disposent maintenant d’un laboratoire cosmique unique. Les chercheurs peuvent tester leurs théories sur la formation des étoiles et l’évolution de l’univers sans attendre des millions d’années d’observations réelles.
Plus fascinant encore. La simulation permet de retracer l’histoire des éléments chimiques qui composent tout ce qui nous entoure, y compris notre propre corps. Le carbone, l’oxygène, le fer présents en nous ont été forgés dans les étoiles il y a des milliards d’années. Comprendre comment la galaxie a évolué, c’est aussi comprendre d’où nous venons.
Article : « The First Star-by-star $N$-body/Hydrodynamics Simulation of Our Galaxy Coupling with a Surrogate Model » – DOI : 10.1145/3712285.3759866
Source : Riken











