Les voitures électriques, les systèmes de stockage d’énergie et les outils sans fil ont un point commun : ils dépendent tous de batteries performantes. Parmi elles, les batteries au lithium-fer-phosphate (LFP) se distinguent par leur longévité, leur coût abordable et leur sécurité. Pourtant, un mystère persistait : pourquoi ces batteries n’atteignent-elles que 75% de leur capacité théorique ? Des chercheurs autrichiens viennent de lever le voile sur ce phénomène, ouvrant la voie à des batteries encore plus efficaces.
Le casse-tête des ions lithium immobiles
Imaginez une salle de concert où certains spectateurs resteraient bloqués dans leurs sièges, incapables de sortir. C’est un peu ce qui se passe dans les batteries LFP. Les chercheurs ont découvert que même lorsque la batterie est complètement chargée, des ions lithium restent piégés dans la cathode au lieu de migrer vers l’anode.
Daniel Knez, de l’Institut de microscopie électronique et de nanoanalyse de TU Graz, donne quelques précisions : «Nos investigations ont montré que même lorsque les cellules de batterie de test sont complètement chargées, des ions lithium restent dans le réseau cristallin de la cathode au lieu de migrer vers l’anode. Ces ions immobiles entraînent une perte de capacité.»
Une cartographie précise grâce à des techniques de pointe
Pour percer ce mystère, les scientifiques ont utilisé des microscopes électroniques à transmission, véritables «super-loupes» capables de voir à l’échelle atomique. Ils ont ainsi pu suivre le voyage des ions lithium à travers le matériau de la batterie et cartographier leur disposition dans le réseau cristallin de la cathode avec une précision inédite.
Cette approche innovante a permis de mettre en évidence des zones où les ions lithium s’accumulent de manière inégale. Plus surprenant encore, l’équipe a observé des déformations dans la structure cristalline de la cathode, précisément aux endroits où la concentration en lithium change.
Des implications majeures pour l’avenir des batteries
Cette découverte est loin d’être anodine. Ilie Hanzu, de l’Institut de chimie et de technologie des matériaux, ajoute pour sa part : «Ces détails fournissent des informations importantes sur les effets physiques qui ont jusqu’à présent contrecarré l’efficacité des batteries et dont nous pouvons tenir compte dans le développement futur des matériaux.»
En d’autres termes, comprendre pourquoi certains ions lithium restent «coincés» pourrait permettre de concevoir des batteries LFP capables d’exploiter pleinement leur capacité théorique. Cela se traduirait par des batteries plus performantes pour nos voitures électriques, nos smartphones et bien d’autres applications.
Une méthodologie applicable à d’autres types de batteries
L’équipe de recherche a combiné plusieurs techniques d’analyse sophistiquées : la spectroscopie de perte d’énergie des électrons, la diffraction électronique et l’imagerie au niveau atomique. Cette approche multidisciplinaire a permis d’obtenir une vision extrêmement détaillée du comportement des ions lithium.
Nikola Šimić, premier auteur de l’étude, souligne quant à lui : «En combinant différentes méthodes d’examen, nous avons pu déterminer où le lithium est positionné dans les canaux cristallins et comment il y parvient. Les méthodes que nous avons développées et les connaissances acquises sur la diffusion des ions peuvent être transférées à d’autres matériaux de batterie avec seulement des ajustements mineurs afin de les caractériser encore plus précisément et de les développer davantage.»
Vers des batteries plus performantes et plus durables
Cette avancée scientifique ouvre des perspectives intéressantes. En comprenant mieux le comportement des ions lithium à l’échelle atomique, les chercheurs et les ingénieurs pourront concevoir des batteries LFP optimisées, capables d’exploiter pleinement leur potentiel de stockage d’énergie.
À terme, cela pourrait se traduire par des voitures électriques avec une autonomie accrue, des systèmes de stockage d’énergie renouvelable plus efficaces, et des appareils électroniques portables fonctionnant plus longtemps entre deux charges.
Cette étude démontre une fois de plus l’importance de la recherche fondamentale pour relever les défis énergétiques de demain. En perçant les secrets des batteries au niveau atomique, les scientifiques de TU Graz contribuent à façonner un avenir énergétique plus durable et plus performant.
Légende illustration : Daniel Knez tient un échantillon du matériau de la batterie avec une pince à épiler. À l’arrière-plan (de gauche à droite), Werner Grogger, Nikola Šimić, Anna Jodlbauer et Gerald Kothleitner. Crédit :Lunghammer – TU Graz
Article : ‘Phase Transitions and Ion Transport in Lithium Iron Phosphate by Atomic-Scale Analysis to Elucidate Insertion and Extraction Processes in Li-Ion Batteries’ / ( 10.1002/aenm.202304381 ) – Graz University of Technology – Publication dans la revue Advanced Energy Materials