Proposition de loi sur les gaz de schiste : Les députés s’expliquent

Un projet de loi soutenu par plusieurs députés qui vise à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels et à assurer plus de transparence dans le code minier a été déposé mardi matin.

Les députés signataires** de cette proposition de loi ont souhaité réaffirmer leur opposition à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels.

Pourquoi une loi ?

 

Mesdames, Messieurs,

Nous devons faire face aujourd’hui à une énergie de plus en plus chère, car basée sur les énergies fossiles et le nucléaire, puisque la France a longtemps décidé d’investir – non pas dans les énergies renouvelables – mais dans les énergies fossiles. L’or noir, ressource naturelle non renouvelable qui a permis aux pays occidentaux de s’industrialiser et de s’enrichir, est une denrée rare dont le prix ne cesse et ne cessera d’augmenter dans les années à venir, et déjà, le Gouvernement a dû prendre des mesures, fin août 2012, pour juguler leur hausse.

Le Président François Hollande a alors souhaité, lors de la Conférence Environnementale « mettre la France en capacité de porter un nouveau modèle de développement » et rappelé que « l’enjeu, celui qui nous rassemble, c’est de faire de la France la Nation de l’excellence environnementale. C’est un impératif pour la planète. Comment admettre la dégradation continue des ressources et du patrimoine naturel du monde, comment ne pas voir les effets du réchauffement climatique qui n’est pas une opinion ou une hypothèse, mais un fait » Il a souhaité faire de la transition énergétique le levier d’un nouveau modèle de croissance à la fois intelligent, durable et solidaire.

« La France, et j’en prends ici l’engagement, se mobilisera dans la transition énergétique. Voilà le cap, la transition. » a-t-il ajouté.

Ceci est conforme à l’article 1er de la Charte de l’environnement et au droit pour chacun de « vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » ainsi qu’à son article 6, « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

Le respect du paquet « énergie climat » impose des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% à l’horizon 2020 et François Hollande s’est fixé comme objectif de parvenir à un accord global sur le climat en 2015 avec une position plus ambitieuse de 40% en 2030, puis de 60% en 2040 qu’il compte défendre dans le cadre des prochaines discussions au sein des instances européennes.

Or, le bilan carbone de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels est en effet très inquiétant. Une première évaluation de la filière d’extraction des gaz non conventionnels réalisée par une équipe scientifique de l’Université de Cornell aux États-Unis a mis en évidence que celle-ci pourrait être aussi néfaste pour le climat que l’extraction et la combustion du charbon.

Cette étude s’est consacrée aux émissions de gaz à effet de serre cumulatives incluant ainsi : la combustion du méthane extrait des schistes souterrains, toutes les étapes d’extraction ainsi que les fuites et les émissions fugitives de gaz imputables à l’exploration et aux nombreux forages exigés par cette technique. Les résultats mettent en évidence que la totalité des émissions associées à l’extraction du méthane des gaz de schiste atteindrait 33g / eq-CO2 par million de joules d’énergie, comparativement aux 20,3g / eq-CO2 par million de joules d’énergie pour des carburants classiques (diesel ou essence).

Selon le Centre d’Analyse Stratégique (CAS), les conséquences d’une exploitation de mines de gaz de schiste sur le mix énergétique européen de 2020 prévu dans le 3e paquet climat-énergie (« 3X20 » déclinée en France dans le Grenelle de l’environnement) peuvent être importantes, tant en terme d’émission de gaz à effet de serre, surtout si l’on considère l’ensemble de la chaîne, qu’en terme de développement des énergies renouvelables qu’il faudra subventionner de manière plus importante si l’on veut atteindre les objectifs fixés (20 % de la production d’énergie finale).

De plus le gaz non-conventionnel comporte une multitude d’impacts négatifs potentiels et des risques environnementaux comprenant le risque de sismicité induite, la pression sur la biodiversité, sur les ressources en eau, sur les terres dans les zones d’exploitation du gaz de schiste, ou encore l’impact paysager (sachant que les puits s’épuisent rapidement, il faut régulièrement en forer de nouveaux de sorte qu’il est aisé, dans les zones d’exploration et d’exploitation, de trouver des forages tous les 500 mètres. Ceci semble, en outre, peu compatible avec la densité de population que l’on connaît en Europe).

Autrefois jugées trop coûteuses et mal-aisées, l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures non-conventionnels sont aujourd’hui examinées avec attention par les foreurs, de par la technique de la fracturation hydraulique, qui déplorent toutefois que la technologie fasse défaut pour l’extraction des hydrates de méthane.

Si le texte de loi voté en juin 2011 interdit le recours à la fracturation hydraulique dans le cadre de l’exploration de gaz et huiles de schiste, il ne définit nullement ce qu’elle recoupe et laisse donc aux industriels la possibilité de recourir à une technique plus ou moins semblable à la fracturation hydraulique sans pour autant l’utiliser à proprement parler. Or, on parle déjà de techniques alternatives de fracturation au propane liquéfié, à l’air comprimé ou par des arcs électriques ainsi qu’à la mousse de dioxyde de carbone et une société américaine [Chimera Energy Corp USA] a même annoncé avoir expérimenté une technologie qui pourrait débloquer les choses en Europe en matière d’exploitation des gaz de schiste et, en France, en particulier.

Cette nouvelle technique, appelée « Extraction Exothermique Non hydraulique » ou « fracturation sèche », permettrait d’extraire le gaz et l’huile de schiste sans utiliser la fracturation hydraulique en recourant à une perforation pneumatique grâce à l’hélium. On le voit, les industriels travaillent à une nouvelle ère pour l’extraction du gaz de schiste qui permettra de contourner l’interdiction contenue dans la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011.

[DVID]

** François-Michel Lambert (auteur), Laurence Abeille, Brigitte Allain, Isabelle Attard, Danièle Auroi, Denis Baupin, Michèle Bonneton, Sergio Coronado, François De Rugy, Noël Mamere, Barbara Pompili. 

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jpdebangui

Il semble complètement fou de vouloir en même temps la réduction des gaz à effet de serre et l’exploitation des hydraucarbures non conventionnels. Bien sûr, les problèmes économiques de l’Europe et de la France en particulier peuvent, en comparant avec les résultats américains, nous encourager sur cette voie suicidaire à plus ou moins long terme pour la société humaine. Nous avons la chance, je répète encore, la chance, d’avoir une expérience nucléaire satisfaisante et profitable, malgré tout ce qui en est dit. Alors, pourquoi aller dans cette voie catastrophique à tout point de vue ? Gardons ces réserves pour le futur, si un jour il devient nécessaire de les exploiter. Soyons cohérents entre nos dires et nos démarches. Les énergies renouvelables, dont le nucléaire fait partie avec les EPR et les surrégénérateurs. Les solutions d’aujourd’hui, eoliennes, hydroliennes, photovoltaïques…. Semblent être des solutions transitoires pour attendre l’énergie H contrôlée qui signera la fin, je le souhaite, de l’exploitation des combustibles fossiles.

aurel

“Les énergies renouvelables, dont le nucléaire fait partie avec les EPR et les surrégénérateurs.” En êtes vous bien sur ?

dede29

et décider aussi d’arreter l’exploitation du gaz !

chiedo

“Les énergies renouvelables, dont le nucléaire fait partie avec les EPR et les surrégénérateurs.” En êtes vous bien sur ? Clairement non ! Cela dit les surgénérateurs c’est 4000 ans d’autonomie pour la France juste avec les reserves d’uranium (appelé a tort déchets) qu’elle posséde. Plutot que de cracher sur le nucleaire, il serais plus malin de dévelloper les secteurs ou un rééle (et pas seulement idéologico-politique) proplème se pause, la Biométhanisation et les véhicules pouvant s’en servir …