Amiran Baduashvili, University of Colorado Anschutz Medical Campus et Lisa Bero, University of Colorado Anschutz Medical Campus
En matière de protection contre les infections, la capacité réelle des purificateurs d’air portatifs est rarement évaluée correctement. En outre, seul un très petit nombre d’études ont évalué les effets potentiellement délétères qui pourraient découler de la production par ces dispositifs de divers composés toxiques. C’est la conclusion d’une revue détaillée de la littérature scientifique, menée sur près de 700 études, dont les auteurs nous présentent ici les conclusions.
De nombreux virus respiratoires, comme le coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la pandémie de Covid-19 ou comme le virus de la grippe, peuvent se propager via l’air intérieur. Différentes technologies dites « d’ingénierie de contrôle des infections » visent à prévenir la diffusion de virus et d’autres agents pathogènes en assainissant l’air intérieur, par exemple grâce à des filtres HEPA (de l’anglais, High Efficiency Particulate Air), à l’emploi de lumière ultraviolette ou à la mise en place de types spécifiques de ventilation.
Avec nos collègues, qui travaillent au sein de trois établissements universitaires et de deux agences scientifiques gouvernementales, nous avons recensé et analysé toutes les études visant à évaluer l’efficacité de telles technologies publiées entre 1920 et 2023, ce qui représente 672 articles scientifiques.
Pour mesurer les performances des dispositifs testés en matière d’assainissement de l’air, trois approches principales se détachent :
- leur capacité à diminuer les infections chez l’être humain ;
- leur capacité à protéger des animaux de laboratoire, tels que des cobayes ou des souris ;
- leur capacité à réduire le nombre de particules fines ou de micro-organismes en suspension.
Sur l’ensemble de ces travaux, environ 8 % des études seulement ont employé la première approche (tests de l’efficacité chez l’être humain), tandis que plus de 90 % des auteurs se sont contentés d’évaluer les dispositifs d’assainissement dans des lieux inoccupés.
Ainsi, sur les 44 études visant à mesurer de l’efficacité de l’oxydation photocatalytique (un procédé de purification de l’air qui produit des substances chimiques capables de tuer les microbes), une seule a examiné la capacité de cette technologie à réellement prévenir les infections chez l’être humain. D’autres études (35 au total) ont évalué des technologies basées sur l’emploi de plasmas pour détruire les microbes, mais aucune d’entre elles n’a inclus de participant humain.
Enfin, sur les 43 études consacrées à des filtres intégrant des nanomatériaux conçus pour, à la fois, capturer et détruire les microbes que nous avons identifiées, aucune n’a fait l’objet de tests chez l’être humain.
Pourquoi c’est important
La pandémie de Covid-19, qui a coûté des millions de vies à l’échelle mondiale, mis à rude épreuve les systèmes de santé et entraîné la fermeture d’innombrables écoles et lieux de travail, nous a rappelé à quel point les conséquences des infections transmissibles par les airs peuvent être lourdes. À l’époque, dès lors que les premières études ont établi la que le coronavirus SARS-CoV-2 se propageait de façon aérienne, l’amélioration de la qualité de l’air intérieur est devenue un axe majeur dans la lutte contre la pandémie.
L’enjeu reste d’actualité : parvenir à mettre au point des technologies efficaces pour éliminer les micro-organismes de l’air intérieur pourrait non seulement avoir des retombées considérables en matière de santé publique, mais aussi contribuer à limiter les dommages économiques que pourraient engendrer de futures pandémies. Et ce, sans que les personnes protégées n’aient à faire d’effort particulier, puisque de telles mesures d’ingénierie de contrôle des infections opéreraient en arrière-plan des activités de leur vie quotidienne, sans qu’elles en aient conscience.
Les fabricants de purificateurs d’air portatifs intégrant des technologies supposées détruire les micro-organismes l’ont bien compris. Ils n’hésitent pas à formuler des affirmations ambitieuses quant à la capacité des produits qu’ils commercialisent à purifier l’air et à prévenir les infections, qu’ils soient destinés au grand public ou à être utilisés dans les crèches, dans les écoles, dans les cliniques ou sur les lieux de travail.
Pourtant, nous avons constaté que la plupart de ces appareils n’avaient pas été correctement testés quant à leur efficacité. Faute de résultats scientifiques solides issus d’études menées chez l’être humain, il est donc impossible de savoir si ces promesses commerciales correspondent à la réalité.
Nos résultats suggèrent que les consommateurs devraient faire preuve de prudence avant d’investir dans de tels dispositifs d’épuration de l’air (en France, dans son rapport d’expertise « Identification et analyse des différentes techniques d’épuration d’air intérieur émergentes », publié en 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail constate que « les technologies implémentées étaient souvent mal décrites sur les dispositifs d’épuration et que l’efficacité revendiquée était peu justifiée », ndlr).
L’écart entre les promesses commerciales et les preuves réelles d’efficacité n’a rien d’étonnant, mais l’enjeu s’étend au-delà des seules déclarations marketing. En effet, pour détruire les microbes, certaines de ces technologies de purification d’air génèrent des substances chimiques telles qu’ozone, formaldéhyde (classé comme cancérigène et mutagène, ndlr) ou radicaux hydroxyles. Autant de composés qui peuvent potentiellement nuire à la santé lorsqu’ils sont inhalés.
De ce fait, être certain de l’innocuité de ces dispositifs devrait constituer un prérequis à tout déploiement à grande échelle. Or, sur les 112 études destinées à évaluer certaines des technologies microbicides actuellement commercialisées que nous avons analysées, seules 14 se sont attelées à rechercher la présence de sous-produits nocifs dans l’air traité par les dispositifs testés.
Le contraste est saisissant avec les standards de sécurité auxquels est soumise la recherche pharmaceutique.
Ce que l’on ignore encore
Plus de 90 % des études que nous avons recensées ont évalué les technologies de purification d’air en s’intéressant à l’air lui-même – par exemple, en analysant dans quelle mesure elles étaient capables d’éliminer les particules de poussière, les microbes ou certains gaz.
L’hypothèse de travail justifiant cette approche est que respirer un air plus pur devrait se traduire par un moindre risque d’infection. Pourtant, on ne sait pas si ces mesures atmosphériques se traduisent réellement par une réduction effective des infections chez les personnes qui évoluent dans des environnements ainsi traités ni, si une telle réduction existe, quel est son ordre de grandeur.
En définitive, identifier les technologies de purification de l’air les plus sûres et les plus efficaces nécessitera d’autres recherches, destinées à détecter d’éventuels sous-produits toxiques et à évaluer ces technologies en contexte réel (autrement dit, dans des environnements dans lesquels évoluent des êtres humains).
En outre, il sera nécessaire de standardiser les protocoles de mesure. C’est seulement à ce prix que l’on pourra espérer collecter des données probantes qui permettront de prendre les bonnes décisions pour améliorer la qualité de l’air dans les logements, les écoles, les établissements de santé, etc.
Amiran Baduashvili, Associate Professor of Medicine, University of Colorado Anschutz Medical Campus et Lisa Bero, Professor of Medicine and Public Health, University of Colorado Anschutz Medical Campus
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.