Six compagnies pétrolières et gazières appellent à donner un prix au carbone

Six compagnies pétrolières et gazières mondiales ont lancé un appel aux États du monde entier ainsi qu’à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) pour l’instauration de mécanismes de tarification du carbone.

BG Group, BP, Eni, Shell, Statoil et Total appellent également à la création par ces Etats de cadres réglementaires transparents, stables et ambitieux en vue de relier entre eux, à terme, les différents mécanismes nationaux. L’objectif : réduire les incertitudes et promouvoir les mécanismes les plus efficaces économiquement pour réduire les émissions de carbone, partout à travers le monde.

Ces six groupes expriment leur conviction dans un courrier commun adressé par leurs directeurs généraux à la Secrétaire Exécutive de la CCNUCC ainsi qu’au Président de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre (COP21).

Par cette initiative concertée, les six majors reconnaissent à la fois l’ampleur du défi posé par le changement climatique et l’importance de l’énergie pour le bien-être des populations mondiales. Elles constatent que la tendance actuelle d’évolution des émissions de gaz à effet de serre place le monde sur une trajectoire qui, selon le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC), entrainerait un réchauffement de la planète supérieur à 2 degrés Celsius. Elles affirment leur volonté de contribuer aux solutions.

Comme l’écrivent les directeurs généraux des six groupes – Helge Lund (BG Group plc), Bob Dudley (BP plc), Claudio Descalzi (Eni S.p.A), Ben van Beurden (Royal Dutch Shell plc.), Eldar Sætre (Statoil ASA) et Patrick Pouyanné (Total S.A.) – "Notre secteur est confronté à une équation complexe : répondre à une demande croissante en énergie qui soit moins émissive en CO2. Nous sommes prêts à jouer notre rôle pour relever ce défi. Nous avons la ferme conviction qu’un prix du carbone permettra de se détourner des options les plus émissives, et apportera la visibilité nécessaire pour dynamiser les investissements dans les technologies bas carbone et les ressources les plus pertinentes au rythme adéquat. Nous avons besoin aujourd’hui que les États du monde entier mettent en place un tel cadre et nous sommes convaincus que notre participation peut s’avérer précieuse pour définir une approche de la tarification du carbone à la fois pratique et réaliste."


Ci dessous, le courrier adressé à la Secrétaire Exécutive de la CCNUCC ainsi qu’au Président de la COP21.

"Nos entreprises agissent d’ores et déja pour contribuer à limiter les émissions : augmenter la part du gaz dans nos productions, améliorer l’efficacité énergétique de nos opérations et de nos produits, développer la production d‘énergies renouvelables, investir dans le captage et le stockage du CO2 et explorer les nouvelles technologies et nouveaux business model bas carbone. Toutes ces mesures s’inscrivent pleinement dans notre mission : fournir au plus grand nombre l’accès à une énergie à la fois sûre et durable."

"Pour aller plus loin encore, nous avons besoin que les États à travers le monde nous fournissent des cadres réglementaires transparents, stables, ambitieux et de long terme. L’objectif est de réduire les incertitudes et dynamiser les investissements dans les technologies bas carbone et les ressources les plus pertinentes au rythme adéquat."

"Nous pensons que le prix du carbone doit être un élément clé de ces cadres réglementaires. En agissant en ce sens, les États décourageront le recours aux technologies fortement émissives et encourageront au contraire les options les plus efficaces pour diminuer les émissions de CO2 partout dans le monde, notamment la réduction de la demande dans les énergies fossiles les plus carbonées, l’amélioration de l’efficacité énergétique, le remplacement du charbon par le gaz naturel, l’augmentation des investissements dans le captage et le stockage du carbone, les énergies renouvelables, les bâtiments et réseaux intelligents, l’accès à l’énergie hors réseau, les véhicules propres ou encore de nouveaux business model et comportements en matière de mobilité."

"Nos entreprises sont déjà soumises à la tarification des émissions puisqu’elles opèrent dans des marchés carbone existants et appliquent en interne des prix du CO2 à leurs propres activités pour déterminer si leurs investissements resteraient viables dans un monde où le carbone sera plus cher. Et pourtant, nos efforts, quels qu’ils soient, pour instaurer en interne une tarification du carbone ne sauraient suffire ni être économiquement durables sans une action des États visant l’introduction partout dans le monde de systèmes de tarification et, à terme, reliant ces différents systèmes nationaux. Certains pays n’ont pas encore franchi le pas et ce déséquilibre est facteur d’incertitude sur les investissements et de disparités dans l’impact du politique sur l’économique."

"C’est la raison pour laquelle nous lançons un appel aux États, notamment dans la perspective des négociations de la COP21 à Paris, mais aussi au-delà, pour instaurer des systèmes de tarification du carbone là où ils n’existent pas encore au niveau national ou régional; et créer un cadre international capable à terme d’harmoniser ces systèmes."

"Pour contribuer à la réalisation de ces objectifs, nos entreprises sont désireuses d’entamer un échange direct avec les Nations unies et les États prêts à s’engager. Créer et mettre en œuvre une démarche réaliste de tarification du carbone est un domaine qui relève à la fois de notre intérêt et de nos compétences. Nous pouvons en particulier apporter :

1. Notre expérience. Cela fait plus d’un siècle que nous fournissons de l’énergie au monde. Nos entreprises couvrent la planète entière, connaissent parfaitement la gestion de grands projets et des risques de toutes sortes et sont rompues aux questions de commerce et de logistique. Comme nous sommes déjà utilisateurs des systèmes de tarification du carbone à travers le monde, nous pouvons aider à identifier les meilleures solutions.

2. Notre motivation. Nous tenons à être partie prenante de la solution et à fournir de l’énergie à la société pour de nombreuses décennies. À l’instar de nos homologues d’autres secteurs industriels, nous jouerons un rôle clé dans la mise en œuvre des mesures et le déploiement des technologies qui déboucheront sur un monde plus sobre en carbone. Si ces modèles d’activité et ces solutions resteront fragiles tant qu’ils n’auront pas atteint leur taille critique, l’harmonisation des différents systèmes de tarification à travers le monde permettrait de lever les incertitudes et ces solutions se mettraient plus rapidement à créer de la valeur pour l’économie.

3. Notre pragmatisme. Nous sommes convaincus que notre présence peut s’avérer précieuse pour définir une approche de la tarification du carbone à la fois pratique et réaliste, mais aussi ambitieuse, efficace et efficiente.

4. Un espace de discussion. Nos entreprises, et d’autres, se sont déjà rassemblées sous les auspices du Forum économique mondial pour former l’Oil & Gas Climate Initiative, quand elles ne sont pas membres de l’Association internationale pour l’échange de droits d’émission (IETA) ou des initiatives de tarification du carbone de la Banque mondiale ou du Pacte mondial des Nations unies. Nous pensons que ces forums pourraient fournir un terrain adéquat pour un dialogue public-privé sur la meilleure façon de donner un prix au carbone dans la production d’énergie."

"Nous sommes conscients que le défi qui nous est posé relève du long terme et savons qu’il suppose une transformation du secteur de l’énergie. Depuis de nombreuses décennies déjà, notre secteur fait preuve d’inventivité et se situe aux premières lignes du changement. Nous ne doutons pas un instant que nous saurons perpétuer cette trajectoire d’innovation pour répondre aux défis de l’avenir. Chacun d’entre nous enverra personnellement une copie de la présente à ses principaux contacts parmi les investisseurs, les pouvoirs publics, la société civile et ses propres collaborateurs."

Six compagnies pétrolières et gazières appellent à donner un prix au carbone

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Tech

ou comment obliger les consommateurs à réduire leur consommation pour pouvoir leur vendre plus longtemps et ainsi pouvoir augmenter leur prix d’achat avec l’illusion d’une facture identique! du greenwashing pur jus ;o))

Blu

Je pense que c’est assez naïf de penser que l’on va réellement laisser les 3/4 de l’énergie fossile dans le sol. C’est effectivement ce qu’il faudrait faire pour ne pas empirer le réchauffement climatique, mais ça paraît mal parti car les enjeux économiques sont bien trop forts. Des pays comme la chine et l’Inde n’accepteront jamais de freiner leur développement à ce point. Mais c’est vrai qu’il y a des chances (du moins espérons le) pour que les gouvernements essaient de diminuer les émissions totales de leurs pays, ou du moins de moins les augmenter. Donc effectivement le marché de l’énergie étant limité en volume total, les compagnies vont essayer de prendre des parts de marché sur les autres. L’appel des compagnies pétrolières s’attaque donc directement au charbon, qui n’a pas arrêté d’augmenter sa part du mix énergétique mondiale ces dernières années (voir cette analyse: ) Donner un prix au carbone défavoriserait le charbon au profit du gaz notamment, donc la compagnies pétrolières seront largement gagnantes: on réduit un peu le gateau total, mais on augmente leur part! C’est un appel tout à fait intéressé, mais d’un point de vue climatique, ce serait plutot sensé: vu qu’il est impensable que les EnR remplacent une grosse part du charbon dans les prochaines années, utiliser du gaz au lieu du charbon serait un moindre mal. Au fait, la différence d’émissions entre charbon et gaz n’est pas lié qu’à des histoires de pertes mais bien à la structure des molécules de gaz, dont la combustion dégage par nature moins de CO2 (et plus de H2O) pour un kWh produit.

Sicetaitsimple

Bien d’accord avec vous, Blu. Derrière des arguments globalement recevables individuellement, remplacer du charbon par du gaz est quand même la principale motivation. Sauf dans ses usages sidérurgiques, quasiment 100% du reste du charbon consommé c’est dans la production d’électricité. Ca fait un marché énorme. Et chacun sait qu’avoir un marché en croissance c’est plus agréable pour un industriel qu’avoir un marché atone et qu’en plus ça permet normalement de mieux “maitriser” (controler) les prix… Personnellement, je ne pense pas qu’il soit judicieux de vouloir forcer la cadence en termes de substitution. C’est et ce sera de toutes façons une tendance naturelle car les moyens gaz sont les compléments techniques naturels des renouvelables intermittents. Bien entend, le charbon emet plus de CO2, mais prendre volontairement le risque d’une tension mondiale sur le prix du gaz lié à un certain emballement de la consommation conjugué par exemple à des tensions géopolitiques ne me parait pas vraiment souhaitable. Il faut être un peu patient, et ça se fera “naturellement” au fil du temps et du renouvellement des parcs de production electriques.