Tensions sur les matières premières d’origine végétale

Alors que le prix du baril de pétrole continue de se situer dans une fourchette haute allant de 80 à 140$, l’utilisation industrielle de matières premières d’origine végétale semble être un moyen de substitution de plus en plus compétitif.

Alcimed une société de conseil et d’aide à la décision se, propose de mettre en lumière les tensions qui pèsent sur ces filières et par voie de conséquence sur leurs dérivés industriels.

L’augmentation du prix du baril se répercute naturellement sur les produits chimiques dérivés du pétrole. Elle n’est pas non plus sans conséquence sur l’équilibre des filières chimiques alternatives issues de matières premières renouvelables telles que le maïs, l’huile de palme ou l’huile de ricin. De manière générale, les cours de certaines céréales alimentaires ont été fortement influencés par les politiques favorisant l’utilisation des biocarburants.

Tensions sur les matières premières d'origine végétaleL’exemple le plus frappant est le maïs, principale matière première utilisée pour la fabrication de bioéthanol aux Etats-Unis. Entre 2005 et 2008, la part du maïs consommé aux Etats-Unis pour la fabrication de bioéthanol a bondi, passant de 15% à plus de 30%. Parallèlement, son prix augmentait de 140% entre août 2006 et août 2008. Bien que d’autres éléments macroéconomiques soutiennent aussi cette tendance haussière, les incitations à l’utilisation du bioéthanol constituent un vecteur majeur de cette tendance haussière.

Dès la fin 2006, l’amorçage de cette tendance avait défrayé la chronique lorsque des manifestations au Mexique – grand importateur de maïs américain – dénonçaient l’augmentation du prix de la farine de maïs utilisée pour la tortilla, se faisant précurseurs d’un cycle d’ « émeutes de la faim » à travers le monde.

Tensions sur les matières premières d'origine végétale - huile de palmeD’autres produits connaissent aujourd’hui de fortes tensions sur les prix. C’est entre autres le cas de l’huile de palme qui est aujourd’hui la principale matière première végétale pour l’industrie oléochimique. Elle est largement utilisée comme additifs et auxiliaires pour des applications aussi diverses que le PVC, la pharmacie ou les matériaux de construction.

Sont extraits des acides gras, esters, amines, ou divers sels tels les oléates et stéarates, pour fabriquer des détergents, lubrifiants.

"La stéarine de palme est passée de 400$ la tonne début 2006 à plus de 1000$ en 2008 sur le marché de référence européen, modifiant fortement les structures de coût et obligeant les chimistes à répercuter les augmentations sur leurs clients ", explique Vincent Pessey, responsable de mission au sein de l’activité Chimie, Matériaux et Energie d’ALCIMED. "Sont aujourd’hui pointées du doigt les politiques de subventions des biocarburants qui ont fait exploser la consommation mondiale d’huile de palme pour la production de biodiesel. Les acteurs de l’oléochimie peuvent alors avoir un sentiment de concurrence déloyale par rapport à ces marchés subventionnés ".

Tensions sur les matières premières d'origine végétale - huile de ricinAutre huile végétale concernée : l’huile de ricin. Considérée comme une huile de « niche », l’huile de ricin fait l’objet d’une production annuelle de l’ordre de 500 000 tonnes provenant principalement d’Inde, de Chine et du Brésil. Même si sa production sera égale à la demande en 2008, des tensions sur la filière sont évidentes. Aujourd’hui, toutes les applications majeures de l’huile de ricin telles que les lubrifiants, peintures ou polyamide sont en augmentation. Et cette croissance s’accélère encore davantage à cause de l’augmentation des prix des dérivés du pétrole qui rend l’huile de ricin plus attractive et donc demandée.

"Cette augmentation massive de l’utilisation de l’huile de ricin peut déséquilibrer la filière », souligne Jean-Philippe Tridant Bel, Directeur de l’activité Chimie, Matériaux et Energie d’ALCIMED. La crise énergétique touche donc de manière directe toutes les filières associées aux matières premières d’origine végétale. Ce phénomène se traduit bien sûr par des tensions sur les prix.

Mais au-delà, ce sont aussi des segments d’applications parfois historiques ou traditionnels et issus de matières premières renouvelables qui pourraient être remis en cause. C’est notamment le cas de certain savons fabriqués à base d’huiles végétales, qui étaient encore utilisés en 2000 et qui ont quasiment disparu au profit d’autres applications pouvant absorber l’inéluctable augmentation du prix de ces huiles. Et ces instabilités pourraient bien perdurer, car il est certain que, dans le contexte actuel de crise alimentaire globale, les cultures vivrières vont être privilégiées à la production d’huiles végétales.

"Des tensions sont déjà visibles sur les filières associées à des matières premières d’origine végétale. Elles poussent les acteurs avals à analyser d’une part les risques qu’ils encourent à court et moyen termes sur leurs approvisionnements (risque de pénurie, explosion des prix, …), et d’autre part, à évaluer les stratégies à mettre en place pour sécuriser leurs approvisionnements (intégration amont sur les matières premières, prise de participation dans des coopératives, création de joint-venture avec des acteurs intermédiaires, recherche active de substituts, …). L’évaluation de ces risques et stratégies nécessite d’être pilotée au niveau des industriels et des états", conclut Jean-Philippe Tridant Bel.

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Francis

Le jatropha semble toujours être oublié dans ces considérations … pour combien de temps encore ? Est-ce que c’est parce qu’il n’est pas comestible ? (comme les produits cités )Quand prendra-t-on les problèmes par les bons bouts ?  A +

Francis

Le jatropha semble toujours être oublié dans ces considérations … pour combien de temps encore ? Est-ce que c’est parce qu’il n’est pas comestible ? (comme les produits cités )Quand prendra-t-on les problèmes par les bons bouts ?  A +