Alors que des tonnes de déchets plastiques continuent de s’accumuler chaque jour dans les décharges, des chercheurs de Yale ont mis au point un moyen de convertir ces déchets en carburants et autres produits de valeur de manière efficace et peu coûteuse. Les résultats de leurs travaux sont publiés dans Nature Chemical Engineering en tant qu’article de couverture.
Plus précisément, les chercheurs utilisent une méthode connue sous le nom de pyrolyse, un processus qui utilise la chaleur en l’absence d’oxygène pour décomposer moléculairement les matériaux. Dans le cas présent, cette méthode est utilisée pour décomposer les plastiques en composants qui permettent de produire des carburants et d’autres produits. L’étude a été dirigée par Liangbing Hu et Shu Hu, professeurs d’ingénierie à Yale, tous deux membres du Center for Materials Innovation et du Yale Energy Sciences Institute.
Les méthodes conventionnelles de pyrolyse utilisent souvent un catalyseur pour accélérer les réactions chimiques et obtenir un rendement élevé, mais cette méthode présente des limites importantes.
« Les catalyseurs sont très coûteux et leur durée de vie est limitée, car ils finissent par s’épuiser de différentes manières », indique Liangbing Hu, professeur Carol et Douglas Melamed en génie électrique et informatique et science des matériaux, et directeur du Center for Materials Innovation.

Photo : Qian Zhang
Cependant, les méthodes qui n’utilisent pas de catalyseur ont tendance à avoir de faibles taux de conversion des déchets en produits utilisables.
Pour ce projet, les chercheurs ont trouvé un moyen de contourner ces deux obstacles et ont mis au point une méthode de pyrolyse hautement sélective, économe en énergie et sans catalyseur, capable de convertir le plastique en produits chimiques de valeur.
Selon eux, la clé réside dans un réacteur à colonne de carbone chauffé électriquement et imprimé en 3D, composé de trois sections dont la taille des pores diminue progressivement. La première section est composée de pores d’un millimètre, la section suivante contient des pores de 500 micromètres et la troisième section est composée de pores de 200 nanomètres. Lorsque les produits chimiques traversent le réacteur, la structure poreuse hiérarchique joue un rôle essentiel dans le contrôle de la progression de la réaction chimique. D’une part, elle empêche les molécules plus grosses de progresser dans le réacteur avant d’avoir été suffisamment décomposées.
D’autre part, elle permet de contrôler la température dans le réacteur, ce qui empêche la cokéfaction et d’autres effets susceptibles d’inhiber le processus.
Pour tester le système, les chercheurs ont essayé le réacteur sur un échantillon de plastique courant appelé polyéthylène. Les résultats sont impressionnants : ils font état d’un rendement record de près de 66 % des déchets plastiques convertis en produits chimiques pouvant être utilisés comme carburants.

L’utilisation de l’impression 3D pour construire la structure a permis aux chercheurs de contrôler avec précision les dimensions des pores du réacteur et d’étudier les effets de la pyrolyse.
Afin de démontrer la faisabilité d’une conception plus évolutive, les chercheurs ont également utilisé un dispositif composé de feutre de carbone disponible dans le commerce. Ils ont constaté que cette conception, même sans l’optimisation offerte par une structure imprimée en 3D, améliorait tout de même la sélectivité des produits de pyrolyse et permettait d’obtenir un rendement satisfaisant, en convertissant plus de 56 % du plastique en produits chimiques utiles.
« Ces résultats sont très prometteurs et montrent un grand potentiel pour mettre ce système en application dans le monde réel et offrir une stratégie pratique pour convertir les déchets plastiques en matériaux précieux », a conclu Shu Hu, professeur adjoint en génie chimique et environnemental.
Ce travail a été réalisé en collaboration avec le professeur Qi Dong de l’université Purdue, les professeurs Kelvin Fu et Dongxia Liu de l’université du Delaware, le professeur Jie Huang de l’université des sciences et technologies du Missouri, le professeur Fernando V. Lima de l’université de Virginie occidentale, le professeur Xuejun Pan de l’université du Wisconsin-Madison, le professeur Yiguang Ju de l’université de Princeton et le Dr Gregg Beckham du Laboratoire national des énergies renouvelables et du consortium BOTTLE.
Source : Yale Energy Sciences Institute