L’exploration des frontières de la physique quantique et de l’informatique a conduit à des développements significatifs dans la conception des ordinateurs quantiques. Cet article se penche sur une innovation majeure dans ce domaine, offrant un aspect nouveau sur la manipulation des qubits grâce à l’utilisation de champs magnétiques statiques.
Les états énergétiques des électrons au sein d’un atome obéissent aux lois de la mécanique quantique, se manifestant par des valeurs bien définies et non continues, un phénomène connu sous le nom de quantification. Ces états quantifiés forment la base des bits quantiques (qubits), éléments fondamentaux des ordinateurs quantiques extrêmement puissants que les scientifiques aspirent à construire. Pour cela, il est nécessaire de refroidir et de piéger les atomes en un lieu précis.
La capture ionique : une méthode traditionnelle revisitée
La capture efficace des atomes est réalisable par ionisation, leur conférant ainsi une charge électrique. Toutefois, une loi fondamentale de l’électromagnétisme stipule qu’un champ électrique constant dans le temps ne peut piéger une particule chargée isolée. L’introduction d’un champ électromagnétique oscillant permet en revanche de créer un piège ionique stable, également connu sous le nom de piège de Paul.
Cette technique a permis la construction récente d’ordinateurs quantiques dotés d’environ 30 qubits. Néanmoins, l’élaboration d’ordinateurs quantiques de plus grande envergure s’avère complexe avec cette méthode. Les champs oscillants compliquent l’intégration de plusieurs pièges sur une seule puce et leur utilisation entraîne une surchauffe du piège, un problème d’autant plus prégnant que le système s’agrandit.
Une avancée majeure : le piège de Penning
Une équipe de chercheurs de l’ETH Zurich, dirigée par Jonathan Home, a démontré qu’il était également possible de construire des pièges ioniques adaptés aux ordinateurs quantiques en utilisant des champs magnétiques statiques au lieu de champs oscillants. Ces pièges statiques, agrémentés d’un champ magnétique supplémentaire et connus sous le nom de pièges de Penning, ont permis de réaliser à la fois le transport arbitraire et les opérations nécessaires aux futurs superordinateurs quantiques. Les résultats de ces recherches ont été publiés dans la revue scientifique Nature.
Les pièges de Penning, nécessitant des aimants extrêmement puissants, ont d’abord suscité le scepticisme en raison de leur coût élevé et de leur encombrement. De plus, les réalisations antérieures de pièges de Penning étaient très symétriques, une caractéristique que les structures à l’échelle des puces utilisées à l’ETH ne respectent pas. Malgré ces obstacles, l’équipe de Home a construit un piège de Penning basé sur un aimant supraconducteur et une puce microfabriquée, permettant un contrôle cohérent des états quantiques du qubit.
Le succès de cette innovation ouvre la voie à la réalisation d’ordinateurs quantiques utilisant des ions dans des pièges de Penning, marquant ainsi un tournant potentiel dans le domaine de l’informatique quantique. En outre, cette technologie promet des applications variées, comme l’utilisation de ces systèmes comme capteurs atomiques pour sonder les propriétés de surface.
Légende illustration : Le dispositif expérimental des chercheurs de l’ETH. La puce de piégeage est située à l’intérieur du conteneur, sous la coupole en argent, dans laquelle une lentille capture la lumière émise par les ions piégés. (Photographie : ETH Zurich / Pavel Hrmo)
Article : « Penning micro-trap for quantum computing » – DOI: 10.1038/s41586-024-07111-x