Des chercheurs canadiens ont mis au point une nouvelle méthode d’impression 3D, appelée tomographie floue, capable de produire rapidement des microlentilles de qualité optique commerciale.
La tomographie floue repose sur l’ajout intentionnel de flou optique aux faisceaux lumineux utilisés pour l’impression 3D, permettant ainsi de fabriquer des composants optiques de précision.
Daniel Webber, du Conseil national de recherches du Canada, explique : « Nous avons délibérément ajouté un flou optique aux faisceaux de lumière utilisés pour cette méthode d’impression 3D afin de fabriquer des composants optiques de précision. Cela permet de produire des surfaces optiquement lisses. »
Dans la revue Optica, les chercheurs démontrent cette méthode en fabriquant une lentille optique plano-convexe de la taille d’un millimètre, dont les performances d’imagerie sont comparables à celles d’une lentille en verre disponible dans le commerce. Ils montrent également que cette méthode peut produire des composants optiques prêts à l’emploi en seulement 30 minutes.
Prototypage rapide et économique
Selon Webber, cette méthode pourrait être précieuse pour le prototypage rapide et économique de composants optiques, grâce à l’accessibilité financière de l’imprimante 3D tomographique et des matériaux utilisés. La nature intrinsèquement libre de la tomographie 3D pourrait également permettre aux concepteurs optiques de simplifier les conceptions en remplaçant plusieurs optiques standard par des optiques imprimées aux formes complexes.
La fabrication additive volumétrique tomographique est une approche relativement nouvelle qui utilise la lumière projetée pour solidifier une résine photosensible dans des zones spécifiques. Elle permet d’imprimer une pièce entière en une seule fois, sans structures de support.
Cependant, les méthodes tomographiques existantes ne peuvent pas imprimer directement des lentilles de qualité d’imagerie, car les faisceaux en forme de crayon utilisés provoquent des stries qui créent de petites crêtes sur la surface du composant. Bien que des étapes de post-traitement puissent être utilisées pour créer des surfaces lisses, ces approches ajoutent du temps et de la complexité, ce qui enlève l’avantage du prototypage rapide associé à l’impression tomographique.
« La fabrication de composants optiques est coûteuse en raison des spécifications techniques strictes nécessaires pour une lentille fonctionnelle, ainsi que du processus complexe et chronophage de fabrication », explique le Dr. Webber. « La tomographie floue peut être utilisée pour réaliser des conceptions libres à moindre coût. À mesure que la technologie mûrit, elle pourrait permettre un prototypage beaucoup plus rapide de nouveaux dispositifs optiques, ce qui serait utile pour tout le monde, des fabricants commerciaux aux inventeurs amateurs. »
Création de microlentilles
Pour tester la nouvelle méthode, les chercheurs ont d’abord créé une simple lentille plano-convexe et ont montré qu’elle avait une résolution d’imagerie comparable à une lentille en verre commercial de mêmes dimensions physiques. Elle présentait également une erreur de forme à l’échelle du micron, une rugosité de surface sub-nanomètre et une fonction de répartition des points proche de celle de la lentille en verre.
Ils ont également fabriqué un réseau de microlentilles 3×3 en utilisant la tomographie floue et l’ont comparé à un réseau imprimé avec une impression 3D tomographique conventionnelle. Ils ont constaté qu’il n’était pas possible d’imager une carte de visite avec le réseau imprimé par des moyens conventionnels en raison de la grande rugosité de surface, mais cela pouvait être fait avec le réseau imprimé par tomographie floue. De plus, les chercheurs ont démontré le surimpression d’une lentille sphérique sur une fibre optique, ce qui n’était auparavant possible qu’en utilisant une technique de fabrication additive connue sous le nom de polymérisation à deux photons.
Ils travaillent maintenant à améliorer la précision des composants en optimisant la méthode de projection de la lumière et en incorporant les paramètres des matériaux dans le processus d’impression. Ils souhaitent également introduire l’automatisation du temps d’impression pour rendre le système suffisamment robuste pour une utilisation commerciale.
« L’impression 3D tomographique est un domaine en pleine maturation qui trouve des applications dans de nombreux secteurs », conclut le Dr. Webber. « Ici, nous tirons parti des avantages intrinsèques de cette méthode d’impression 3D pour fabriquer des composants optiques de la taille d’un millimètre. Ce faisant, nous avons ajouté à l’éventail des techniques de fabrication optique une alternative rapide et peu coûteuse qui pourrait potentiellement avoir un impact sur les technologies futures. »
Légende illustration : Des chercheurs ont mis au point une nouvelle méthode d’impression 3D, appelée tomographie floue, qui permet de produire rapidement des microlentilles d’une qualité optique de niveau commercial. Ils ont utilisé cette technique pour imprimer un réseau de microlentilles, qui est ici maintenu par un ensemble de pinces. Crédit : Daniel Webber, Conseil national de recherches du Canada
Paper: D. Webber, Y. Zhang, K. L. Sampson, M. Picard, T. Lacelle, C. Paquet, J. Boisvert, A. Orth, “Micro-optics Fabrication using Blurred Tomography,” 11, 5, 665-672 (2024). DOI: doi.org/10.1364/OPTICA.519278.