Les propriétés magnétiques inhabituelles des matériaux bidimensionnels ultra-minces continuent d’intriguer la communauté scientifique internationale. L’équipe du MIT a franchi une nouvelle étape en créant un système novateur composé de trois couches de graphène superposées. Les résultats, publiés dans Nature Physics, apportent un éclairage inédit sur la physique quantique des matériaux.
L’équipe dirigée par Pablo Jarillo-Herrero, professeur de physique au MIT, a élaboré une structure composée de trois couches de graphène. Le matériau a été conçu en superposant chaque couche selon un angle précis, formant ainsi une structure hélicoïdale rappelant l’ADN. «L’hélicité représente un concept fondamental en science, de la physique fondamentale à la biologie moléculaire», a précisé le physicien.
Le phénomène de supermoiré dévoilé
L’agencement particulier des couches génère deux réseaux moirés distincts. Le premier résultat de la superposition des deux premières couches, tandis que le second se forme entre la deuxième et la troisième couche. Li-Qiao Xia, doctorant en physique au MIT, a mis en évidence la formation d’un troisième motif, qualifié de «supermoiré». Une hiérarchie complexe s’établit alors, avec des motifs s’étendant sur différentes échelles nanométriques.
Les chercheurs ont observé une signature expérimentale surprenante lors de l’application d’un champ magnétique. Le système a manifesté un magnétisme orbital persistant jusqu’à -263°C, la température la plus élevée jamais rapportée pour des matériaux à base de carbone. Un phénomène d’autant plus intriguant que la structure initiale ne devait théoriquement pas permettre l’émergence de telles propriétés magnétiques.

Une relaxation atomique élégante
L’explication de ce comportement magnétique réside dans un mécanisme subtil de réorganisation atomique. Les atomes, dans une configuration instable, se réarrangent selon un processus nommé «relaxation du réseau». Sergio C. de la Barrera, co-premier auteur de l’étude, a démontré que la nouvelle structure brise localement la symétrie à l’échelle du moiré, tout en la préservant à l’échelle du supermoiré.
Les implications de travaux dépassent le cadre de la physique fondamentale. Le comportement complexe des électrons dans les systèmes multicouches ouvre de nouvelles possibilités pour la conception de dispositifs quantiques innovants.
Légende illustration : Des physiciens du MIT ont créé un matériau bidimensionnel ultrafin aux propriétés magnétiques inhabituelles. Ils y sont parvenus en travaillant avec trois couches de graphène. Chaque couche est composée d’une seule couche d’atomes. Ceux-ci ont été disposés selon une structure hélicoïdale semblable à l’hélice de l’ADN ou à une main de trois cartes que l’on écarte en éventail. L’image de droite représente le matériau obtenu et sa physique inattendue. Des bandes de Möbius torsadées de manière opposée représentent la topologie locale des fonctions d’onde de la mécanique quantique qui alternent sur de grandes échelles de longueur. Le mouvement circulaire des électrons est à l’origine du magnétisme observé. Crédit : Jarillo-Herrero lab, MIT
Article : « Topological bands and correlated states in helical trilayer graphene » – DOI : s41567-024-02731-6